Économie de proximité

Mobilisation générale pour sauver le commerce local

Impacté par la crise de la Covid-19, le commerce de proximité, dont une partie a longtemps été nommée «activité non essentielle» a vu au fil des mois les collectivités locales se mettre au diapason pour venir à son secours. Il y eut d’abord le soutien immédiat puis la prise de conscience que cette économie pouvait être pour les territoires, un vrai gage pour un avenir aux contours incertains. À la condition de la structurer, de l’harmoniser, de la rendre lisible auprès du consommateur, lequel la plébiscite. Faire ses courses dans sa rue ? Tout n’est pas si simple.

Dans la valorisation des circuits courts, les collectivités locales sont un levier essentiel.
Dans la valorisation des circuits courts, les collectivités locales sont un levier essentiel.

Il y a eu d’abord ces milliers de grilles fermées durant les confinements. Et le désespoir, palpable, des propriétaires d’échoppes et de magasins, en Lorraine comme ailleurs dans le pays. Beaucoup le sont d’ailleurs encore. On pense aux restaurants, bars et cafés. Entre autres. Puis, la prise de conscience que mettre en danger de mort ces commerces locaux, c’était appauvrir nos cœurs de ville. De très nombreuses localités dans nos quatre départements et les intercommunalités se sont mobilisées pour soutenir les commerçants, les artisans, les restaurateurs, les hôteliers… La diversité des mesures et actions mises en place ont illustré le volontarisme de ces élus de la France des territoires, ancrés dans les réalités du quotidien : prise en charge des loyers, «market place», achats d’outils de livraison aux clients… Autant de dispositifs qui ont été adoptés à court terme, souvent face à l’urgence de la situation, mais qui s’inscrivent désormais dans le plus ou moins long terme. On a vu ainsi fleurir une palette d’exonérations : au titre des taxes perçues pour les enseignes commerciales et la publicité extérieure, des redevances et droits d’occupations pour les étalages, des marchés, des redevances des exploitants des kiosques, des loyers pour les commerçants fermés appartenant aux communes, de la gratuité de parking. Des systèmes de subvention également à destination de l’hôtellerie et de la restauration. Cela à un coût pour les collectivités, de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est le «quoi qu’il en coûte». Le prix à payer pour sauver le commerce de proximité et l’attractivité des villes. Il sera bien temps de dresser la facture quand la crise sera, du moins finie, au moins jugulée, et que la vie pourra recouvrer un aspect de normalité.

Le e-commerce incontournable

Des collectivités locales, départementales et régionales ont développé des plateformes de vente en ligne locale, avec cet objectif de faire se rencontrer les acteurs économiques locaux et une clientèle de proximité qui a changé ses habitudes de consommation lors des confinements en optant pour les circuits courts et les achats sur internet. Des solutions moins onéreuses ont permis une géolocalisation des entreprises accessibles sur les territoires. Les CCI et les intercommunalités en ont souvent été les fers de lance. Drive, bons d’achat, livraisons à vélo font partie des alternatives trouvées. La Banque des Territoires s’est aussi engagée : cofinancement de postes de managers de commerce, analyse de l’impact de la crise sur le tissu commercial des villes avec un appui en ingénierie territoriale dans la mise en place et le cofinancement d’une solution numérique commerce. La Banque des Territoires débloque près d’un milliard d’euros en direction du commerce de centre-ville. Tant pour soutenir immédiatement la reprise que pour s’inscrire à plus long terme dans la relance. Elle faisait cette analyse en fin d’année passée : «On s’attend à une augmentation de 15 à 30 % des faillites de commerces de centre-ville. En sachant que 70 % des commerces de villes moyennes sont des commerces indépendants qui sont souvent seuls face à la crise. Le programme Action Cœur de Ville avait déjà mis en lumière des tendances assez fortes de fragilité.» Une évidence est apparue. Celle de renforcer la numérisation de ces commerces de proximité. Tout un paysage nouveau est en train de se dessiner. Il passe aussi par la Lorraine : monnaies locales, sites de ventes en ligne, e-réservation, click & collect.

Quel avenir pour les circuits courts ?

Enfin, on ne saurait omettre la part croissante des circuits courts : ventes à la ferme, magasins de producteurs, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), initiatives des chambres d’agricultures : un vrai mouvement s’est accéléré en Meurthe-et-Moselle, Moselle, Meuse et Vosges. Une statistique notait récemment que «30 % des exploitations agricoles en France n’avaient pas d’autre avenir que de s’engager dans les circuits courts.» Mais, produire, vendre et gérer demande des investissements, des formations, des accompagnements. Ici, encore, les collectivités sont un levier de dynamisation. Elles peuvent agir sur le foncier, favoriser l’implantation de producteurs, essaimer un modèle de consommation locale sur leur périmètre. En Meurthe-et-Moselle, la ville de Vandœuvre-lès-Nancy a introduit dans ses critères d’attribution de son marché public des cantines scolaires une quantité de produits frais achetés auprès des producteurs locaux. Une telle démarche fait tache d’huile. Les circuits courts : un commerce équitable, générateur de lien social et moins gourmand en transport et en CO2. Mairies et intercommunalités en sont de plus en plus convaincues. On ne sait quel sera le visage du monde d’après. S’il peut s’éloigner d’un gigantisme incontrôlable et se recentrer sur des échelles plus petites, respectueuses des femmes, des hommes, des terres et de la biodiversité, cette crise aura servi à quelque chose. Le commerce de proximité, valorisé dans cette dimension plus réaliste et plus rationnelle, ne pourra qu’en sortir gagnant. Jadis, nos aïeuls ne considéraient pas leurs villages comme un enfermement, bien au contraire…