Miser sur la qualité et l’équilibre du marché
Geoffroy d’Évry, 49 ans, est le nouveau président de l’Union nationale des producteurs de pomme de terre. Agriculteur à Nampcel, près de Compiègne, il succède à l’Axonais Arnaud Delacour.
La Gazette : Vous prenez la présidence de l’Union des producteurs de pommes de terre dans un contexte particulier. Au-delà de la nécessité d’assainir rapidement le marché, quel regard portez-vous sur cette crise ?
Geoffroy d’Evry : On a vu qu’avoir des groupements de producteurs de la contractualisation permettait de passer la crise, sans forcément renverser la table. L’enjeu maintenant, c’est de ne pas aller plus vite que la musique concernant l’offre et la demande. Durant la période pré-Covid on avait un marché de la frite surgelée en perpétuelle expansion, avec de grosses parts de marché au grand export. Aujourd’hui, les cartes ont été rebattues. Il faut qu’on soit extrêmement vigilants pour faire en sorte que l’offre n’excède pas la demande. Sans quoi ce sera la loi du marché simple et basique : les prix vont se casser la figure. Donc attention, la pomme de terre n’est plus l’Eldorado auquel on veut bien croire. Ce n’est plus un facteur de stabilité des revenus des exploitations agricoles.
Nous avons évoqué le marché de la frite… Mais il n’y a pas que cela ?
Il y a un secteur qui est encore en extension et sur lequel on a encore de belles perspectives d’avenir, c’est celui de la fécule de pomme de terre. Aujourd’hui, on a la chance en France d’avoir deux usines avec celle de Roquette près d’Amiens et de Tereos dans la Marne. Elles ont des perspectives de marché en croissance. Avec la crise de la Covid-19, on a vu de nouveaux enjeux sociétaux, autour de la sécurité et l’indépendance alimentaire notamment. La fécule a de vrais rôles à jouer : dans les plats préparés, l’industrie du carton, l’industrie pharmaceutique… Il y a un gros savoir-faire en France et encore du potentiel de développement. Voilà pourquoi l’UNPT se bat pour maintenir le couplage des aides de la PAC sur cette production.
Et pour la pomme de terre de consommation ?
Le marché du frais est équilibré et autosuffisant. On n’a pas besoin de faire appel à l’importation. Nous sommes dans une période où la production primeur bat son plein. La production est bonne, alors favorisons la pomme de terre française. D’ailleurs, nous avons mis en place un logo “Pomme de terre de France”, auquel est adossée une charte de qualité qui a été signée par l’ensemble des producteurs et négociants.
Cette qualité de la production passe aussi par une filière de production de plants forte et structurée…
C’est un maillon primordial aujourd’hui. Si on veut pouvoir continuer à produire demain selon les critères de qualité qui nous sont imposés par nos clients, on se doit d’avoir une semence qui soit de la meilleure qualité possible. On utilise principalement de la semence certifiée en France, on peut s’en enorgueillir. On a une filière plants qui est forte en France, avec une qualité sanitaire qui est connue et reconnue. Mais cela doit rester dans un rapport qualité/prix qui soit tenable. C’est bien la raison pour laquelle un accord a été trouvé sur la semence de ferme. Il faut trouver le juste équilibre : à la fois donner les moyens aux producteurs de plants de continuer à faire de la recherche et donner accès à ces semences à un coût supportable.
La recherche, justement, doit se confronter à de nouveaux enjeux importants, notamment écologiques…
On voit, c’est vrai, une poussée forte de l’écologie en France. L’UNPT veut pouvoir accompagner cette tendance. Mais attention quand même à laisser les agriculteurs s’exprimer sur ces questions et à ne pas en faire seulement une question sociétale. Même si nous ne sommes pas opposés à la démarche, elle ne peut pas être dictée de manière verticale, du haut vers le bas. Ce n’est pas possible. L’écologie, ce n’est pas quelque chose qui s’impose mais quelque chose qui se construit. Nous sommes prêts à participer à cette construction avec tous les acteurs à partir du moment où on n’est pas sur des positions dogmatiques mais raisonnées.
Des pistes se dégagent-elles pour répondre à ces questions ?
Nous sommes en veille sur les NBT, les New Breeding Technologies. C’est un enjeu fort pour demain. Preuve en est, les écologistes allemands réussissent à discuter de ces problématiques sans forcément se bloquer, parce que ces NBT sont parfois associées à des OGM. Ils sont à la fois pragmatiques et écologistes. L’un ne va pas sans l’autre. Et puis le temps de la recherche n’est pas celui de la consommation. Les attentes sociétales vont plus vite que les recherches que la profession finance. On ne peut pas faire de la qualité en allant vite.