Menaces d'attentats sur le réseau SNCF: ouverture du procès du "groupe AZF"

Vingt ans après les faits qui leur sont reprochés, le procès d'un homme et d'une femme qui, cachés derrière le sigle AZF, avaient menacé de faire exploser des bombes sur les voies ferrées si l'Etat ne leur versait pas une rançon...

Un cheminot inspecte les rails de la ligne Paris-Strasbourg après une alerte à la bombe, le 25 mars 2004, à Vendenheim, en Alsace © Olivier MORIN
Un cheminot inspecte les rails de la ligne Paris-Strasbourg après une alerte à la bombe, le 25 mars 2004, à Vendenheim, en Alsace © Olivier MORIN

Vingt ans après les faits qui leur sont reprochés, le procès d'un homme et d'une femme qui, cachés derrière le sigle AZF, avaient menacé de faire exploser des bombes sur les voies ferrées si l'Etat ne leur versait pas une rançon, a débuté mardi devant le tribunal correctionnel de Paris.

Assis côte à côte sur le banc des prévenus, Michel D., 76 ans, chef d'entreprise à la retraite, et son ancienne employée Perrine R., 61 ans, formatrice en bâtiment, ressemblent à monsieur et madame tout le monde.

Pull gris à col roulé pour lui, chandail blanc pour elle, Michel D. et Perrine R. doivent répondre du délit d'association de malfaiteurs et de fabrication et détention sans autorisation d'engins explosifs.

S'ils ont échappé à la qualification terroriste, un temps envisagée, et à la cour d'assises, tous les deux encourent cependant dix ans de prison.

Un peu tombées dans l'oubli aujourd'hui, leurs menaces contre le réseau ferré français avaient à l'époque semé l'inquiétude au sommet de l'Etat.

"C'était juste pour faire peur, rendre crédible une demande de rançon (...) Les bombes n'étaient pas conçues pour exploser", assure à la barre Michel D.

Mais quand l'avocat de la SNCF, partie civile au procès, Me Philippe Sarda le presse de questions, le prévenu admet qu'il existait "un risque résiduel" d'explosion.

Moteur à eau

L'affaire avait éclaté fin 2003, quand un groupe inconnu dénommé "AZF" - du nom de l’usine dont l'explosion avait causé la mort de 31 personnes à Toulouse deux ans plus tôt - avait assuré avoir enfoui "une série de bombes" sous le ballast de voies ferrées et promettait de les faire exploser à défaut du versement par l'Etat d'une rançon de 4 à 8 millions d'euros.

Pourquoi cette rançon ? "Pour financer" son rêve "de réaliser le moteur à eau", explique Michel D. "Je n'avais pas besoin d'argent à titre personnel", souligne-t-il. "L'argent ne m'intéresse pas. L'argent est ce qui détruit le monde".

"Vous avez conscience de la gravité des faits qui vous sont reprochés", l'interroge la présidente.

"J'avais complètement perdu les pédales", lui répond le prévenu, "j'avais perdu le sens des réalités". "Je suis en faute. Je le regrette beaucoup. Je suis quelqu'un de bien intentionné", insiste-t-il.

Les menaces de Michel D. avaient été prises très au sérieux à l'Elysée et au ministère de l'Intérieur, qui avaient reçu entre décembre 2003 et mars 2004 neuf lettres signées "AZF", un sigle représentant, selon ses mots, un "groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d'une confrérie laïque à spécificité éthique et politique".

L'affaire avait été marquée par la rocambolesque correspondance, via la rubrique "Messages personnels" du quotidien Libération, entre "Mon gros loup" (AZF) et "Suzy" (police) pour organiser le largage de la rançon par un hélicoptère qui, selon les instructions d'AZF, devait décoller du haut de la tour Montparnasse.

Folie pure

Sur les indications du groupe, les autorités retrouvent le 21 février 2004 une première bombe - "sophistiquée" et en état de fonctionner - sur la ligne Paris-Toulouse à hauteur de Folles (Haute-Vienne).

Début mars, l'affaire est dévoilée dans les médias et provoque une certaine inquiétude, au moment où le groupe Al-Qaïda vient de revendiquer plusieurs attentats à Madrid, dans des trains de banlieue espagnols.

Une seconde bombe sera découverte fortuitement par un agent SNCF le 24 mars 2004 dans l'Aube, sur la voie Paris-Troyes-Bâle. Le lendemain, "AZF" annonçait par courrier aux autorités la suspension de son action en précisant "sans rancune et à bientôt".

"J'étais dans la folie pure, dans un état second", reconnaît aujourd'hui Michel D.

Le dossier aurait pu complètement tomber aux oubliettes sans la dénonciation, en septembre 2017, de l'ex-compagnon de Perrine R. et ancien employé lui aussi de Michel D.

Interpellés en juin 2018, les deux "membres" du groupe avaient immédiatement reconnu les faits mais démenti avoir cherché à instaurer "la terreur" dans le pays.

Mon client "a largement démontré qu'il n'était pas une menace pour la société", a affirmé son avocate Me Lucile Collot.

Le procès est prévu jusqu'à vendredi.

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