Menacé de poursuites pénales, Boeing doit présenter ses arguments au plus tard jeudi

Le constructeur aéronautique Boeing doit répondre jeudi au plus tard au ministère américain de la Justice, qui a prévenu mi-mai d'un risque de poursuites pénales pour non-respect d'un accord conclu...

Des Boeing 737 MAX cloués au sol après deux crashes en 2018 et en 2019, à Seattle le 18 novembre 2020 © David Ryder
Des Boeing 737 MAX cloués au sol après deux crashes en 2018 et en 2019, à Seattle le 18 novembre 2020 © David Ryder

Le constructeur aéronautique Boeing doit répondre jeudi au plus tard au ministère américain de la Justice, qui a prévenu mi-mai d'un risque de poursuites pénales pour non-respect d'un accord conclu après deux crashes ayant fait 346 morts.

L'agence Bloomberg a rapporté en soirée mercredi que Boeing avait adressé sa réponse dans la journée, niant toute violation.

Dans la foulée, le constructeur s'est refusé à tout commentaire concernant ses communications avec le ministère de la Justice (DOJ), précisant "continuer de dialoguer en toute transparence" avec lui.

L'accord conclu en 2021 prévoit, entre autres, que Boeing renforce son programme de conformité, mais l'avionneur multiplie depuis début 2023 les problèmes de production et de contrôle qualité.

Un sujet qui va, indubitablement, être abordé lors d'une audience jeudi matin au Sénat américain du patron du régulateur de l'aviation civile (FAA).

Mike Whitaker, en poste depuis octobre 2023, doit en effet -hasard de calendrier- être entendu par la Commission sur le Commerce et le Transport concernant la supervision du secteur aéronautique et, en particulier, de Boeing.

L'avionneur est cerné de toutes parts depuis l'incident en vol sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines le 5 janvier, dont une porte-bouchon -opercule condamnant une issue de secours redondante- s'est détachée. 

L'affaire de trop, qui a déclenché audits et enquêtes des régulateurs, de la justice, de commissions parlementaires. Ces travaux ont identifié des problèmes de non-conformité dans la production et des lacunes du contrôle qualité.

Dans un courrier adressé le 14 mai au juge d'un tribunal fédéral texan, le ministère a estimé que Boeing n'avait "pas respecté ses obligations" prévues dans l'accord dit de poursuite différée (DPA) signé le 7 janvier 2021 et lié aux crashes de 2018 et de 2019.

Accusé de fraude dans le processus de certification du 737 MAX -son avion vedette-, Boeing avait accepté de payer 2,5 milliards de dollars.

De plus, le groupe s'était engagé à renforcer son programme de conformité, à rencontrer régulièrement les responsables de lutte contre la fraude et à présenter des rapports annuels sur ses avancées.

L'accord prévoyait l'expiration de cette surveillance après trois ans. Soit le 7 janvier 2024.

Grandes craintes

Le ministère disposait ensuite de six mois pour se positionner puis décider d'engager ou non des poursuites.

Les familles de victimes des deux accidents -dus à un problème de conception- les réclament à corps et à cris depuis le tout début, et encore plus depuis la série de déboires du constructeur.

Reçues le 31 mai au ministère à Washington, elles ont fait part de leurs "grandes craintes" qu'il opte pour un accord de plaider-coupable avec Boeing, selon un communiqué de leurs avocats.

"Nous attendons du ministère (...) un plan de poursuites pour conspiration et autres accusations connexes. Au cours de cette rencontre, les familles ont chargé le ministère d'accomplir sa mission de rendre justice au grand public", ont-ils poursuivi.

"Une simple transaction à l'amiable sans sanction ne remplirait pas cette mission", ont-ils prévenu, réclamant l'ouverture d'un procès dans les 70 jours légaux suivant le 7 juillet.

Le ministère, qui n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP, s'est engagé en mai à communiquer sa décision au tribunal texan au plus tard à cette date-là.

Contacté par l'AFP, Boeing renvoyait simplement à ses déclarations du 14 mai: "Nous estimons avoir honoré les conditions de cet accord".

Les prochaines semaines s'annoncent tout aussi mouvementées pour l'avionneur avec l'audition très attendue de son patron Dave Calhoun le 18 juin par une commission d'enquête sénatoriale, devant laquelle quatre lanceurs d'alerte ont témoigné mi-avril.

Nommé directeur général début 2020 pour rétablir la situation après les crashes, M. Calhoun a été emporté par la crise actuelle et doit quitter son poste d'ici la fin de l'année.

La présentation des résultats du deuxième trimestre, prévue fin juillet, ne devrait pas être une partie de plaisir.

Son directeur financier Brian West a prévenu fin mai que le groupe n'anticipait plus de dégager de trésorerie en 2024.

Sur les cinq premiers mois de l'année, Boeing a engrangé 142 commandes brutes (103 nettes) et livré 131 avions, contre respectivement 223 et 206 un an plus tôt. Les deux derniers mois ont été moribonds, générant seulement 11 commandes brut.

Autre rendez-vous difficile: l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a planifié une audience dite d'investigation les 6 et 7 août concernant le vol 1282 d'Alaska Airlines. Selon son rapport préliminaire, plusieurs boulons d'attache de la porte-bouchon manquaient.

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