Méditation en entreprise : effet de mode ou tendance de fond ?

 

Il fallait oser proposer des séances de méditation au CODIR d’un groupe international coté en Bourse. Au départ, il s’agissait d’apporter une autre approche du management et de la performance de l’entreprise. Sébastien Henry avait beaucoup écrit à ce sujet pour l’avoir pratiqué lui-même dans ses sociétés. Mais de là à attaquer le CAC40… Il se souvient de son premier client : «C’était Sodexo, il y a trois ans. La DRH de la division était curieuse de la démarche, même si elle n’avait jamais pratiqué. C’est une pharmacienne à l’origine, elle est sensible aux dégâts que peut causer le stress et à l’importance du bien-être. Nous avons rapidement monté plusieurs groupes de pratique, dont un avec le comité exécutif de la division.» Et ça a marché. D’autres ont suivi comme la MAIF, L’Oréal, Orange, BCG…. 

 

Impact sur le bien-être au travail. Le terme «méditation» (ou mindfulness) pourrait faire peur à certains, voire le faire confondre avec d’autres pratiques comme la sophrologie, le yoga… Il s’agit avant tout d’une pratique qui n’a rien à voir avec la sphère religieuse. Elle consiste à se poser quotidiennement, au minimum 15 min, pour focaliser son attention sur le moment présent, sans jugement. Cet exercice mental, répété de façon quotidienne, ressource. Et avec le temps, il peut avoir un impact positif sur sa relation aux autres, sur la prise de décision et plus largement sur la conduite d’une organisation. La mindfulness est très pratiquée aux Etats-Unis depuis 15 ans et commence à se démocratiser en Europe, notamment en Grande-Bretagne. Et en Asie ? «Étonnamment, pour ce que j’en ai vu en Chine et au Japon, peu pratiquent la méditation. Ils ont absorbé le modèle occidental de façon exacerbée, ce qui les a déconnectés de leurs racines. Ce sont les cabinets occidentaux de mindfulness qui sont en train de percer en Asie, dans le sillage des groupes américains ou européens qui la pratiquent déjà.»  

Peut-on mesurer l’impact d’une telle pratique en entreprise ? Sodexo a récemment procédé à une évaluation qualitative et quantitative, en partenariat avec la chaire «Mindfulness, bien-être et paix» de Grenoble Ecole de management. Selon la DRH Bénédicte Lepère, la pratique de la méditation a permis une amélioration sur le sentiment d’efficacité personnelle (+6%), sur le bien-être au travail (+27%) et sur la capacité à être dans le moment présent (+14%). 

 

Un effet de mode ? Proposer la mindfulness au monde de l’entreprise a été un véritable challenge pour Sébastien Henry. Mais ce qui l’a porté, c’est sa conviction que cette pratique est utile. Avant de découvrir cette démarche, il a été formé à la philosophie, à la psychologie, tout en étant diplômé de l’ESSEC. Il a roulé sa bosse en Asie comme entrepreneur pendant dix ans, avant de revenir en Savoie pour des raisons familiales. Ainsi, pendant quinze ans, il a été chef d’entreprise, tout en pratiquant la médiation, une double casquette qui le rend crédible : «Et aujourd’hui le marché français semble prêt à accueillir une telle proposition. Depuis cinq ans, de nombreux livres, comme ceux de Matthieu Ricard, Christophe André, Frédéric Lenoir, sur la quête de sagesse connaissent un vrai succès. Les applications de méditation sont très populaires. Il y a un mouvement sociétal de fond.» Certains sceptiques pourraient penser à un nouvel effet de mode. «L’avenir le dira. Mais, pour moi, le développement de la pratique méditative est lié à celui du digital et de l’hyperconnexion des salariés. Beaucoup ont le sentiment que cela diminue la connexion à eux-mêmes et aux autres», souligne le Savoyard.

 

La méditation pour tous. Sébastien Henry a mis en place aujourd’hui un réseau européen, l’association Méditation & Leadership, pour accompagner les dirigeants dans la pratique méditative. Son représentant dans le Nord est Stéphane Nau, de “Comment ça va ?”. Pourtant, pas un chef d’entreprise régional formé à cette pratique a accepté de témoigner dans nos colonnes. «Cela reste confidentiel. Il y a encore beaucoup de clichés, d’incompréhension sur cette pratique», souligne Sébastien Henry qui connaît par ailleurs notre région : une partie de sa famille y vit. 

Prochain challenge pour lui : rendre accessible la méditation pleine conscience, de façon gratuite, aux personnes défavorisées comme les sans domicile fixe, les personnes en prison, les réfugiés… « Ça me tient à cœur de partager cette pratique avec ceux qui en ont le plus besoin. Je travaille avec une ONG avec qui nous avons déjà monté un groupe de pratique avec des personnes en hébergement d’urgence.»  

 

 

Encadré :

«Méditer et agir : vers une autre approche de la performance», le 9 février à la Cité du management à Marcq-en-Barœul

• 12h30 à 14h30 : conférences par Sébastien Henry et Stéphane Nau, consultants qui accompagnent des équipes de dirigeants dans l’intégration de pratiques méditatives laïques dans leur travail individuel et collectif.

• 14h30-15h30 : possibilité de prolonger avec une séance de pratique de la pleine conscience.

Inscription sur www.citedumanagement.com