Médine, du rap polémique à l'acte politique
D'un côté, les provocations et les accusations d'antisémitisme ou d'homophobie. De l'autre, l'engagement contre le racisme ou les violences policières. Le rappeur Médine, invité aux universités d'été des écologistes et des insoumis la semaine prochaine...
D'un côté, les provocations et les accusations d'antisémitisme ou d'homophobie. De l'autre, l'engagement contre le racisme ou les violences policières. Le rappeur Médine, invité aux universités d'été des écologistes et des insoumis la semaine prochaine, émerge comme une figure du militantisme de gauche.
Placé dans la lumière par ces invitations à débattre dans des forums politiques, le rappeur originaire du Havre revendiquait en mai "le droit à l'erreur" et à la "contradiction" et reconnaissait des "errances", lors d'une soirée publique organisée par Mediapart.
En cause, notamment, ses "quenelles", geste antisémite du polémiste Dieudonné, réalisées dans le passé. "Je l'ai regretté, parce que des récupérateurs lui ont redonné un autre sens", plaidait l'artiste de 40 ans à la carrure athlétique et la barbe bien taillée.
Plus récemment, il a qualifié l'essayiste franco-gambienne Rachel Khan, juive et petite-fille de déporté, de "resKHANpée".
Après une vive indignation dans les rangs de la majorité, le rappeur a présenté ses excuses et assuré que le jeu de mots douteux n'était pas dirigé "vers sa famille ni vers les victimes du drame de la Shoah".
Et ses fans de rappeler qu'il qualifiait, dans un morceau sorti en 2008, l'antisémitisme de "cancer qu'il faut combattre, comme l'islamophobie".
"La provocation n'est pas seulement l'apanage de Médine, c'est plutôt l'apanage du rap, mais pas seulement", indique à l'AFP Marie Sonnette-Manouguian, sociologue et spécialiste de l'engagement politique dans le rap.
"Il y a une longue tradition de chansons politiques françaises, on peut faire le lien avec des chansons de Brassens ou Renaud, qui ont des mots assez forts envers la France, la police ou l'Etat".
Mais les temps et les codes ont changé et Médine le reconnaît: "Il ne peut plus se permettre aujourd'hui le type de provocations auxquelles il avait recours au début des années 2010", ajoute-t-elle.
Engagement social
Et à ceux qui reprochent à l'artiste d'avoir utilisé des termes homophobes, la députée La France insoumise (LFI) de Seine-Maritime Alma Dufour rappelle qu'il déclarait en 2013: "Evidemment le mariage gay n'est pas compatible avec l'islam mais en tant que citoyen français je suis pour l'égalité donc ils devraient avoir le droit de se marier sans discrimination".
La députée, élue dans le département de Médine, explique être devenue "pote" avec ce dernier après l'avoir rencontré lors d'un piquet de grève devant une raffinerie en Normandie au printemps.
"C'est un des rappeurs qui pousse le plus loin son engagement social et politique", ajoute-t-elle.
L'année dernière, lors de la campagne présidentielle, Médine Zaouich, de son vrai nom, a soutenu Mélenchon.
"Ce genre d'engagement est très utile pour lutter contre l'abstention, notamment de la jeunesse et des quartiers populaires", note Alma Dufour.
Avant le second tour, Médine a indiqué qu'il voterait Macron. "Il y a des personnes avec qui on peut dialoguer dans le camp de Macron", expliquait-il à l'époque.
Et de citer le maire de sa ville Edouard Philippe qui, même s'il le qualifiait en 2017 de "pourfendeur de la laïcité républicaine" lui reconnaissait d'être "probablement plus complexe qu'on ne dit".
Explication de texte
Le rappeur dit en interview vouloir lutter contre les "mécanismes d'oppression" des différentes minorités selon une logique intersectionnelle - qui dénonce le cumul des discriminations liées au genre, aux origines, à l'orientation sexuelle, la classe sociale ou encore l'apparence.
"Il porte une parole radicale, avec des valeurs de gauche, qui appelle de ses voeux un changement de société pour plus de justice sociale. C'est une ligne qu'il tient depuis le début de sa carrière et qui s'est particulièrement politisée, au sens plus proche des mobilisations sociales, des syndicats et des partis politiques, sur la dernière période", note Marie Sonnette-Manouguian.
Et qui s'est notamment traduit par ces invitations aux universités d'été d'Europe Ecologie-Les verts (EELV) au Havre, et de LFI.
Marine Tondelier, la patronne du parti écologiste, a défendu le "parcours intéressant" de l'artiste, mais elle a aussi promis une "explication de texte" lors de son intervention auprès des Verts.
Rien de tel chez les Insoumis: "Je ne pense pas qu'il y ait besoin d'explication de texte, il suffit de l'écouter", estime la députée Alma Dufour.
Après son "grand entretien" avec Mathilde Panot, la cheffe des députés LFI, Médine se produira d'ailleurs également sur scène devant les militants.
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