Médicaments génériques: inquiétudes autour d'une vente du géant français Biogaran

Le géant français des médicaments génériques Biogaran sera-t-il vendu à un groupe indien? La rumeur suscite nombre d'inquiétudes, notamment en matière de délocalisations, et le...

Inquiétudes autour d'une vente du géant français des médicaments génériques Biogaran © Christophe ARCHAMBAULT
Inquiétudes autour d'une vente du géant français des médicaments génériques Biogaran © Christophe ARCHAMBAULT

Le géant français des médicaments génériques Biogaran sera-t-il vendu à un groupe indien? La rumeur suscite nombre d'inquiétudes, notamment en matière de délocalisations, et le gouvernement promet d'être prêt à agir.

L'Etat "est très vigilant" quant à une vente éventuelle de Biogaran, actuellement détenu par le groupe Servier, a déclaré jeudi le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure.

Peu connu du grand public, Biogaran est toutefois présent dans la vie de nombreux Français. Il s'agit d'un géant des médicaments génériques, c'est-à-dire les traitements tombés dans le domaine public et dont la fabrication n'est pas réservée au propriétaire de leur brevet.

Moins chers que leurs versions brevetées, ces traitements sont donc très vendus. Biogaran revendique de produire une boîte de médicaments sur huit parmi toutes celles qui sont vendues en France. 

Or, il pourrait passer sous contrôle étranger, selon des rumeurs de plus en plus insistantes. D'après Les Echos mercredi, Servier a mis en vente Biogaran depuis plusieurs mois et deux acquéreurs indiens sont sur les rangs.

Moteur de cette décision, selon le journal, le caractère particulièrement peu rentable de la production de génériques en France, un regret régulièrement exprimé par l'ensemble du secteur.

Ces rumeurs de ventes ne sont pas neuves, ayant déjà donné lieu à un article de la revue L'Informé en décembre. Et rien n'est officiel: interrogé par l'AFP, Servier a assuré jeudi qu'"aucune décision" n'était prise quant à Biogaran, tout en rappelant son attention à "maximiser le potentiel" de ses activités.

Mais l'article des Echos a d'ores et déjà suscité des réactions particulièrement vives au sein du monde politique.

A droite, Xavier Bertrand, président LR des Hauts-de-France, a demandé au gouvernement de "s'opposer à cette vente" si l'acheteur n'était pas européen, tandis qu'à l'extrême-droite, Florian Philippot, président des Patriotes, a dénoncé une "nouvelle trahison" de l'exécutif.

Le député Bertrand Pancher, à la tête du groupe parlementaire composite Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), a jugé "urgent" et "essentiel" que Biogaran reste français.

Reconquête sanitaire

Comme souvent, en cas de vente à un groupe étranger, les inquiétudes se focalisent sur les risques de délocalisations et de pertes d'emplois en France. Le groupe, qui compte lui-même 240 salariés, joue surtout un gros rôle via ses sous-traitants avec 8.600 emplois à la clé.

Mais l'enjeu est encore plus large au vu du contexte persistant de pénuries de médicaments. Depuis plusieurs années, il devient difficile de trouver en pharmacie certains traitements, parfois très courants.

Ce phénomène n'a pas une cause unique, mais les économistes citent en particulier la concentration de plus en plus importante de la production des principes actifs - la base des médicaments - en Chine et en Inde.

Un cas est emblématique des difficultés d'approvisionnement: l'amoxicilline, l'antibiotique le plus couramment prescrit. Or, il fait partie des nombreuses molécules produites par Biogaran, une activité largement réalisée en Europe.

Le groupe assure produire 90% de ses médicaments en Europe et une bonne moitié d'entre eux en France, des chiffres qui ne prennent pas seulement en compte l'activité directement contrôlée par le groupe mais aussi celle de ses sous-traitants.

Un acquéreur étranger délocaliserait-il en masse cette activité, au risque d'aggraver les pénuries ? Impossible d'aller actuellement au-delà de pures spéculations, mais la situation est potentiellement embarrassante pour le gouvernement.

Celui-ci a, en effet, fait de la "reconquête sanitaire" un objectif affiché, dans la foulée de difficultés observées lors de la crise du Covid des années 2020-2021, en particulier des pénuries de masques.

Il a promis de relocaliser en France tout ou partie de la production d'une cinquantaine de médicaments jugés essentiels.

Dans ce contexte, l'exécutif a donc assuré jeudi, par la voix de M. Lescure, qu'il était prêt à agir en cas de vente de Biogaran à un investisseur étranger.

"Nous nous laissons la possibilité d'activer la procédure dite IEF (investissement étranger en France, NDLR)", a précisé le ministre, rappelant que cet outil permet de "contrôler les investissements réalisés par des entreprises étrangères en France dans des secteurs stratégiques".

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