Mauvais niveau des élèves français en maths: comment résoudre le problème?
"Une révolution copernicienne": face au déclin de la France dans les classements internationaux en mathématiques, enseignants et experts demandent avant tout du temps pour se former, pour expérimenter, et...
"Une révolution copernicienne": face au déclin de la France dans les classements internationaux en mathématiques, enseignants et experts demandent avant tout du temps pour se former, pour expérimenter, et non des programmes ou horaires alourdis.
Pour Régis Malet, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Bordeaux, les enseignants ne sont pas en cause, car le problème est "systémique".
L'étude TIMSS parue la semaine dernière constate que les élèves français en CM1 et quatrième restent parmi les moins bons de l'Union européenne et de l'OCDE en maths et sciences, et relève un décrochage inquiétant des filles et des classes sociales plus défavorisées.
Pour la ministre de l'Education démissionnaire Anne Genetet, ce classement "justifie toutes les mesures mises en place". Elle met en avant son "Acte 2 du choc des savoirs", notamment "l'aide individualisée, la réécriture des programmes", avec en particulier les fractions qui seront enseignées dorénavant, affirme-t-elle, dès le CE1.
Régis Malet décrit à l'inverse les groupes de niveau comme risquant de se faire au détriment d'autres formes de soutien individualisé existantes.
Il appelle plutôt à "une révolution copernicienne": alléger les programmes et heures de cours pour donner aux enfants et enseignants des temps de respiration, de collaboration et créer des passerelles entre matières pour "faire sens".
Le ministère de l'Education nationale assure par ailleurs que le plan mathématiques co-écrit par Charles Torossian et Cédric Villani et lancé en 2018 finira par porter ses fruits.
Trop peu d'élan et de moyens
Mais Cédric Villani dénonçait dans La Croix mardi "trop peu d'élan et de moyens" dans sa mise en oeuvre, en termes de formation notamment, nerf de la guerre selon la plupart des acteurs du monde enseignant.
Si les réformes issues du plan mathématiques prévoient un renforcement de la formation, les enseignants sur le terrain disent ne pas avoir les moyens de se former correctement, et devoir le faire sur leurs heures de cours sans bénéficier de remplaçant. Pour ne pas pénaliser leurs élèves, beaucoup s'en passent.
A l'inverse, à Singapour, qui caracole en tête des études internationales, "les enseignants ont 100 heures de formation obligatoire par an", souligne Martin Andler, professeur émérite à l'Université de Versailles et fondateur de l'association Animaths.
En Angleterre, pays qui a effectué une forte remontée ces 15 dernières années dans le classement TIMSS, la formation des enseignants a également été renforcée et des "+Math Hubs+, ressources gratuites pour les profs pour les aider à créer des supports adaptés" à leurs élèves, ont été mis en place, remarque Carine Le Gall, qui enseigne les mathématiques au Collège français bilingue de Londres.
Le plan Villani-Torossian proposait de créer un portail similaire. Il suggérait aussi de développer la manipulation en cours au lieu de se focaliser sur l'académique et l'abstraction, d'encourager les activité périscolaires ludiques liées aux sciences comme les clubs de mathématiques...
Carine Le Gall note aussi qu'en Angleterre, les établissements scolaires sont plus autonomes, avec des objectifs pédagogiques à atteindre et non des programmes à suivre à la lettre.
Alors que le gouvernement sortant voulait supprimer 4.000 postes d'enseignants, les acteurs du secteur relèvent que le nombre élevé d'élèves par classe en France, l'un des plus élevés de l'OCDE, fait aussi partie du problème.
Pour gérer ces classes aussi chargées que les programmes, les enseignants optent pour un format de cours magistral au détriment d'une pédagogique plus ludique et participative.
"Pas un prof de maths ne va vous dire que c'est bien de faire du cours vertical", mais mettre les enfants en situation d'expérimentation, ça veut dire qu'"on ne finit pas son programme", assure Amandine Cormier, professeure de mathématiques au collège Solveig-Anspach à Montreuil, et militante au Snes-FSU.
Les enseignants, représentants de parents et chercheurs dénoncent aussi l'incohérence des programmes et réformes au gré des valses de ministres, six en trois ans, et le lot de frustrations, piétinements et démobilisation que cela entraîne.
A l'image d'une mission d'ambassadeur des maths à l'école confiée en 2022 au chercheur Hugo Duminil-Copin, sitôt abandonnée. Ce dernier estime pourtant crucial de lutter contre les stéréotypes de genre ou contre une supposée "bosse des maths".
"Les appréhensions des adultes se transmettent aux plus jeunes", s'alarme-t-il auprès de l'AFP, souhaitant "démystifier cette discipline".
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