Mathieu Charles déploie ses voiles dans le monde

Le jeune chef d'entreprise a recréé toutes les défaillances possibles sur chaque type de drone pour mettre au point ses parachutes.
Le jeune chef d'entreprise a recréé toutes les défaillances possibles sur chaque type de drone pour mettre au point ses parachutes.

 

Spécialisée dans la conception et la commercialisation de parapentes/paramoteurs radiocommandés, l’entreprise Opale Paramodels est devenue en cinq ans la référence au niveau mondial sur le marché de l’aéromodélisme. Parallèlement, son dirigeant vient de mettre au point des parachutes de secours performants pour les drones, utiles dans le cadre de la nouvelle législation entrée en vigueur en janvier 2016. À 30 ans, le PDG Mathieu Charles conjugue au quotidien passion et perfection.

 

Des milliers d’unités du fameux backpack de Paramodels quittent l’atelier marquisien, près de Boulogne-sur-Mer, à destination de clients américains, asiatiques, arabes, israéliens ou européens. Tout tient en moyenne dans un sac de portage d’à peine quelques petits kilos : une voile d’environ 2 ou 3 mètres d’envergure, un chassis et un pilote. Le jeune ingénieur diplômé de l’ENSIAME à Valenciennes enchaîne en continu la conception des produits, la réalisation des prototypes, dont en grande partie les voiles réalisées sur sa machine à coudre, la commercialisation et l’administration de sa société. La production de voiles en série se fait en Europe de l’Est – car ce savoir-faire spécifique n’existe plus en France –  et la fabrication des châssis sur le Continent. L’homme ne se contente pas d’avoir lancé une nouvelle discipline dans l’aéromodélisme, il est de surcroît animé par une vraie passion, celle de pousser vers le haut cette activité en augmentant le plaisir que l’on éprouve à chaque gonflement de voile.

Une création engendrée grâce au parawaiting.  Dès l’âge de 14 ans, Mathieu Charles apprend à jouer avec les courants ascendants, descendants, grâce à son planeur qu’il lance du haut du cap Blanc-Nez en compagnie d’aéromodélistes chevronnés. Il pratique en parallèle le kytesurf, le char à cerf-volant et le parapente. Autant de disciplines qui lui apprennent à dompter les vents et à comprendre ces éléments souvent capricieux. Face à une météo parfois déconcertante, Mathieu Charles et ses amis adeptes du parapente pratiquent aussi ce que l’on appelle le parawaiting, cette discipline qui consiste à s’ennuyer en attendant les conditions idéales pour voler. L’idée vient à Mathieu de réaliser un parapente en modèle réduit pour lui permettre de passer le temps. Il reproduit à l’identique un modèle réel en miniature, avec une voile de 2 mètres d’envergure, filme ses exploits et publie sa vidéo sur Youtube. C’est le buzz. Les questions fusent sur Internet, notamment pour savoir où les gens peuvent se procurer ce modèle. En 2009, l’étudiant décide de créer sa société avec le statut d’auto-entrepreneur et fait son stage de dernière année dans sa propre entreprise. “Je n’ai reçu aucun soutien de l’université, explique Mathieu. La conception de mes produits n’entrait pas dans le modèle purement industriel et n’a donc pas été compris.

Le chiffre d’affaires explose. Très vite, son modèle intéresse tous les professionnels du domaine : les écoles, les commerçants, les sportifs. “C’est la même méthode de pilotage, la même préparation, explique le jeune chef d’entreprise. On retrouve exactement les mêmes caractéristiques de vol qu’en taille réelle.” Mathieu Charles conçoit et fabrique ses premiers parapentes radiocommandés chez lui, dans son salon : la voile, la motorisation, le châssis, le moteur et l’hélice. “Sur des modèles plus petits, nous devons travailler au millimètre près. Cela demande beaucoup plus de précision. Ce n’est pas un produit accessoire ou parallèle. Il est conçu du début à la fin pour ce type d’utilisation, comme un produit grandeur nature. Nous testons les performances de la même manière.” Ainsi, les suspentes (fils qui relient la voile au pilote) sont fabriquées en kevlar de 0,3 millimètre de diamètre. Un fil peut tirer 30 kg. “Nous garantissons une très bonne longévité de nos produits, souligne Mathieu Charles. Ce sont des modèles très souples, qui ont une très bonne résistance aux impacts.” Au bout de six mois, le chiffre d’affaires explose, si bien qu’il est obligé de changer de statut de société. Il déménage dans la pépinière d’entreprises Créamanche à Boulogne-sur-Mer et s’associe avec Philippe Yvart, ingénieur en mécanique, féru de parapente. Nouveau déménagement en 2014, à Marquise.

Invention de la voile monosurface et du système de secours pour drone. L’entreprise affiche une belle croissance et une capacité d’innovation impressionnante. “C’est le côté passionnant et évolutif de ce produit. On n’en voit jamais la finajoute le chef d’entreprise. C’est notamment Mathieu Charles qui a mis au point la voile monosurface en 2012. Un événement qui a eu un boum retentissant dans le milieu du parapente. Il a tout bonnement supprimé une couche de tissu, notamment la partie intérieure de la voile, créant ainsi des conditions de légèreté incomparables. “On peut voler avec des masses plus légères, illustre le créateur, et ainsi réaliser des vols en intérieur.” Il crée dans la foulée le vol indoor avec des voiles d’1,30 mètre d’envergure pesant 250 gr. L’hiver, les mairies mettent à disposition des clubs les salles des fêtes ou autres gymnases pour permettre aux aficionados du parapente d’exprimer leur passion. Opale Paramodels est toujours la seule entreprise française à concevoir et à produire dans ce domaine. Une entreprise s’est créée en 2012 en Allemagne et une en Suisse en 2014. Entre-temps le chef d’entreprise s’est lancé sur le marché de niche du drone en équipant ces multirotors d’un parachute. “Nous avons investi dans toute la gamme de drones disponibles sur le marché (de 2 à 20 kilos) afin d’adapter des systèmes de secours pour chacun d’entre eux, explique Mathieu Charles. À lui seul, ce marché a représenté 40% des dépenses en recherche et développement en 2013. Mathieu Charles se rend sur les meetings de l’aéromodélisme en Allemagne, aux Etats-Unis, en France. Les 11 et 12 juin, il lance la deuxième édition d’Opale Fest sur l’aérodrome de Cessieu, à la Tour-du-Pin en Rhône-Alpes, où des passionnés de toute l’Europe se retrouvent pour voler, échanger, tester les nouveautés et gonfler leur enthousiasme.

CAPRESSE
Mathieu Charles conçoit lui-même les voiles et réalise les prototypes sur sa machine à coudre.

CAPRESSE
Mathieu Charles et Max, le pilote qu’il a mis au point, entièrement articulé et robotisé. 

 

Encadré

La FFAM (Fédération française d’aéromodélisme) compte près de 30 000 adhérents, un nombre en augmentation constante. Le Nord – Pas-de-Calais – Picardie enregistre 2 200 adhérents pour tous modèles confondus. La Fédération propose des formations, des examens ou des certificats d’aptitude pour tous types de modèles pour parfaire les compétences dans les domaines du vol circulaire, de la voltige ou du freestyle. Si les aéromodèles comme les avions ou planeurs restent encore les plus prisés dans le milieu, les multirotors comme le drone ou l’hélicoptère commencent à faire école.

Lucy DULUC