Materia Nova veut exploiter le gaz minier pour produire de l’hydrogène propre

Materia Nova veut aider à une production d’hydrogène plus vertueuse, en exploitant notamment le gaz minier. Elle n’attend plus que les autorisations de l’Europe et des autorités wallonnes pour lancer un ambitieux projet de production à l’échelle préindustrielle à partir du méthane.

Materia Nova est un centre de recherche belge qui se situe entre le domaine universitaire et les entreprises. (@Materia Nova)
Materia Nova est un centre de recherche belge qui se situe entre le domaine universitaire et les entreprises. (@Materia Nova)

Materia Nova, le centre de recherche agréé basé à Mons, en Belgique, sera-t-il un des artisans de la décarbonisation ? Aujourd’hui, 95% de l’hydrogène mondial est produit à partir d’un procédé dit de "reformage à la vapeur d’eau" (SMR en anglais). Mais cette technique, certes à très bas coût, est particulièrement polluante : pour une tonne d’hydrogène produite, plus de dix tonnes de dioxyde de carbone sont émises.

«Et il est encore plus polluant lorsqu’il est adapté à la gazéification du charbon, voire du pétrole», explique Fabrizio Maseri, R&D program manager chez Materia Nova, qui emploie une équipe de 87 chercheurs. De plus, pour que le tableau soit complet, plus de 20 tonnes d’eau sont consommées à chaque tonne d’hydrogène produite. L’objectif du centre de recherche est donc simple : «développer une production d’hydrogène décarboné, avec un autre procédé».

Réduire les coûts

De quoi s’agit-il ? «On pense qu’il y a une place pour la production à partir du méthane et sans émission de dioxyde de carbone», explique Fabrizio Maseri. Ce, en utilisant l’électricité décarbonée. Pour faire simple, l’électricité permet de dissocier la molécule d’eau en hydrogène et en oxygène. Au début du XXe siècle, on produisait déjà de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, à partir de barrages hydroélectriques. «Mais, malgré des décennies de développement, on reste à des coûts de production deux à trois fois plus élevés. Donc, ça ne décolle pas.»

Chez Materia Nova, on a imaginé autre chose. «Le méthane, c’est du carbone avec quatre atomes d’hydrogène, détaille Fabrizio Maseri. C’est la molécule qui contient en poids le plus d’hydrogène. On récupère donc l’hydrogène sous forme de gaz et on récupère le carbone sous forme solide. En valorisant les deux, on a la possibilité de produire un hydrogène décarboné au prix de l’hydrogène produit par SMR. En fait, on prend le même gisement, mais on fait un hydrogène totalement décarboné grâce à la pyrolyse.»

Dans le Hainaut, le bassin minier représente un potentiel de 10 milliards de mètres cubes de grisou. (photo illustration /Pixabay)

Objectif : une industrie décarbonée en 2050

Et cela tombe bien, puisque, «poussé par l'Europe dans le cadre du Green Deal, et faisant partie des plans de relance au niveau européen (750 milliards d’euros), le développement de la filière de l'hydrogène vert est dans les starting-blocks, ajoute Fabrizio Maseri.  Aujourd’hui, il y a bien sûr l’électrolyse de l’eau, mais il faut aussi considérer le craquage du méthane.»

C’est là qu’intervient le grisou, dont le principal composant est le méthane. Depuis un an, Materia Nova a fédéré un consortium d’une quinzaine d’acteurs de l’industrie lourde en Wallonie, qui représentent 6 000 emplois, un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros et 25% des émissions de dioxyde de carbone de toute l’industrie wallonne, autour du projet industriel HECO2. L’objectif est simple : propulser la Wallonie vers une industrie en phase avec les accords de Paris (-55% en 2030) et totalement décarbonée à l’horizon 2050.

La prochaine phase consiste pour Materia Nova à mettre en place un outil pilote, «qui va mimer tout ce qui va se passer à l’échelon industriel, afin de faire la démonstration de la faisabilité du concept en laboratoire, faire tous les calculs et ensuite accompagner tout cela vers l’industrialisation». Cet outil pilote permettra de produire 1 000 tonnes d’hydrogène par an. Si tout se passe correctement, l’objectif suivant sera de construire des unités d’une capacité de 10 à 15 000 tonnes d’hydrogène par an. «Nous pourrions démarrer aujourd’hui. Mais nous devons attendre le retour de l’Europe et de l’administration wallonne. Avant fin 2025, nous espérons avoir mis en place l’outil préindustriel de 1 000 tonnes par an, et, deux ans après, démarrer une production plus importante.»

Un gaz local

Les perspectives semblent très intéressantes pour les Hauts-de-France et la Wallonie où le grisou s’échappe toujours des mines désaffectées. Gazonor en exploite déjà une partie en Wallonie (à Anderlues) en le brûlant et en produisant de l’électricité. «Rien que dans le Hainaut, le bassin minier représente 124 km2, soit un potentiel de 10 milliards de mètres cubes de grisou encore disponibles d’après le professeur Jean-Pierre Tshibangu (UMons), explique Fabrizio Maseri. Exploiter ce gaz de mine offre des opportunités plus intéressantes que le gaz naturel qui nécessite des phases de compression pour l’acheminer.»

Le chercheur y voit un autre avantage : vider les anciennes mines plutôt que de laisser le méthane s’échapper. «Les gouvernements ne prennent pas nécessairement en compte ces émissions fugitives de gaz de mine dans l’atmosphère dans leurs calculs d’émission de gaz à effet de serre, conclut-il. Le GIEC considère que ce méthane est 23 fois plus puissant en termes de réchauffement climatique que le dioxyde de carbone.» Si, selon lui, le procédé ne présente aucun danger pour les populations locales, une question reste en suspens : l’électricité qui permettra de produire cet hydrogène sera-t-elle tout aussi décarbonée ? «L’idéal, c’est bien sûr l’éolien et le nucléaire. Mais ça, ce sont des décisions politiques...»

La technologie mise en oeuvre par Materia Nova