Macron en difficulté sur la scène intérieure comme à l'international
Emmanuel Macron espérait avoir trouvé, avec ses rencontres inédites avec les chefs de parti, la solution pour donner corps à sa quête d'unité et de consensus dans...
Emmanuel Macron espérait avoir trouvé, avec ses rencontres inédites avec les chefs de parti, la solution pour donner corps à sa quête d'unité et de consensus dans un quinquennat marqué par les divisions.
Las, "l'esprit de Saint-Denis" semble avoir déjà vécu, symbole d'une nouvelle mauvaise passe pour le chef de l'Etat, alors que ressurgissent, jusque dans son camp, les critiques sur l'essoufflement de l'action présidentielle.
Il y a encore un mois, un ténor du gouvernement prédisait "un revival" de cet "esprit", misant sur la participation de tous les opposants à la deuxième édition des "rencontres de Saint-Denis" pour discuter de l'élargissement du champ du référendum aux questions de société comme l'immigration, et de l'assouplissement du référendum d'initiative partagée.
Mais après Manuel Bompard et Olivier Faure, pour La France insoumise et le Parti socialiste, c'est mardi le patron des Républicains, Eric Ciotti, qui a annoncé sa défection au rendez-vous prévu vendredi. L'Elysée a beau assurer que "les portes resteront ouvertes" jusqu'au bout, la réunion perd mécaniquement de sa portée.
"Au moment où la guerre en Ukraine se poursuit, où on a un conflit d’ampleur au Proche-Orient, où l'on assiste à une résurgence de l'antisémitisme, ne pas accepter une invitation à dialoguer c'est une faute politique", déplore le président macroniste de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale, Pieyre-Alexandre Anglade.
Mêmes regrets du député MoDem Erwan Balanant, qui concède néanmoins un moment "compliqué" pour le camp macroniste... comme "pour tout le monde".
Eric Ciotti, initialement plutôt partant pour rééditer ce dialogue lancé fin août par Emmanuel Macron, a justifié son revirement par "l'absence du président de la République dimanche à la manifestation contre l'antisémitisme".
Cette absence à ces marches qui ont réuni près de 200.000 personnes dans tout le pays a concentré de nombreuses critiques, dans la presse comme dans la classe politique.
De quoi faire pester un soutien de la première heure, qui juge normal que le chef de l'Etat soit resté "au-dessus de la mêlée" et estime que, s'il y était allé, il aurait de toutes manières été critiqué.
"On est dans un contexte compliqué", "il y a des risques de fracturation dans le pays", l'exonère aussi une figure du gouvernement, en référence à l'importation en France du conflit israélo-palestinien que l'exécutif tente d'endiguer. "Tout est mal interprété en permanence."
C'est le cas pour chaque mot d'Emmanuel Macron au sujet de la guerre entre Israël et le Hamas. Après avoir insisté sur un soutien ferme à l'Etat hébreu dans la foulée de l'attaque sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre, le président a durci le ton à l'égard de l'armée israélienne, qu'il a exhortée à "arrêter" de bombarder des "bébés", des "femmes" et des "personnes âgées" à Gaza, où il plaide désormais pour un futur "cessez-le-feu".
Une ligne plus en phase avec la diplomatie française traditionnelle au Proche-Orient, mais qui a heurté Israël et l'a aussitôt conduit à devoir s'expliquer auprès de son homologue israélien Isaac Herzog. Une clarification pas vraiment assumée: c'est la présidence israélienne, et non l'Elysée, qui a assuré qu'il avait nié toute "intention d'accuser Israël de porter atteinte intentionnellement aux civils".
Symptôme d'une faiblesse
Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris II, voit dans cette séquence difficile "le symptôme d'une faiblesse". "Il y a une double impuissance, à la fois interne, en France, parce qu'il n’a pas les leviers pour agir" depuis qu'il est privé de majorité absolue à l'Assemblée, "et externe, au Proche-Orient, parce que ça ne dépend pas que de lui", dit l'universitaire.
"Il est contraint de bouger", pour ne "pas donner le sentiment d'être inactif", mais "ses possibilités d’impulser des réformes sont limitées", insiste-t-il.
Dans ce contexte, avec une Première ministre Elisabeth Borne, forcée de recourir à la chaîne à l'arme constitutionnelle du 49.3 pour faire adopter ses budgets, et des tractations pas toujours lisibles avec la droite sur l'immigration, les critiques internes commencent à ressurgir.
"Le remaniement de l'été n'a rien réglé", grince un député Renaissance qui évoque une majorité relative "un peu démobilisée".
Un ministre entonne, lui, à nouveau l'appel à redonner "un élan au quinquennat de Macron" en poursuivant les réformes. Si ce second mandat bascule du côté "de la gestion", aucun des héritiers putatifs du président "n'aura de chance pour 2027", prévient-il.
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