Lorsque le projet tourne court…
Une entreprise sur deux ne survit pas à son 5e anniversaire. Derrière cette statistique que les experts veulent nuancer, il y a des hommes, des femmes… Comment le prennent-ils et que deviennent-ils ?
Enseigne de restauration rapide diététique au 88, rue Esquermoise à Lille, eKilibre a dû fermer ses portes en 2006 après 11 mois d’activité. “Nous nous sommes rendu compte que nous n’arriverions pas à rentabiliser rapidement le projet”, se souvient Anne Montaye qui avait monté ce projet avec son mari. Aujourd’hui responsable de communication pour une enseigne de la distribution, cette ex-gérante dit ne rien regretter de cette expérience. Pour Anne Montaye, cet arrêt d’activité “n’est pas un véritable échec”.
eKilibre a certes mis la clé sous le paillasson mais ses dirigeants ontils échoué ? C’est cette situation que certains spécialistes de l’entrepreneuriat tiennent à clarifier. Le 26 avril dernier à Lille, face à un public de jeunes, potentiels porteurs de projet, des ex-chefs d’entreprise présents à une rencontre organisée par le réseau “Demain je crée” ont témoigné.
En effet, vu sous le prisme “la moitié vide du verre”, le taux de pérennité signifie que 50% des entreprises françaises ne franchissent pas le cap des cinq ans. Interprétation qui n’a rien de motivant. “Si la statistique est exacte, la formuler comme telle véhicule une idée fausse : cesser l’activité d’une entreprise ne signifie pas pour autant que l’entreprise est défaillante et que son dirigeant se trouve dans une situation d’échec”, tiennent à nuancer les experts de “Demain je crée”. Selon eux il ne faut pas confondre “cessation d’activité” et “défaillance”. “Dans les faits, cinq ans après la création, seules 38% des entreprises cessent leur activité pour des raisons économiques.” Le reste des entrepreneurs arrêtent pour des raisons personnelles (santé, familiale, administrative, etc.), mais aussi en raison d’évolutions “favorables” pour les créateurs : création d’une autre entreprise, départ à la retraite, départ pour un autre poste, etc.
Il existe bien une vie après l’échec et cette vie n’est pas synonyme de catastrophe. C’est ce message que les acteurs de l’entrepreneuriat veulent faire passer aux jeunes lesquels ont souhaité cette rencontre autour de l’échec après la création. “Il faut oser, martèle Laurine Herreman de Je crée en Nord-Pas-de- Calais. L’échec n’est pas une fatalité.” Un optimisme résolument relayé par bien des chefs d’entreprise qui, comme Anne Montaye, sont passés par une cessation d’activité. “Quand on parle d’échec, il faut parler de rebond”, indique Didier Gesp, aujourd’hui dirigeant fondateur d’Audace, structure de formation à l’esprit d’entreprendre et ex-gérant de Covitex, entreprise du textile liquidée judiciairement. L’expérience de l’entrepreneuriat peut même être un tremplin pour une réinsertion professionnelle. C’est le cas d’Edouard Pick qui, “deux heures” après la fin définitive de son projet de création de salles de vidéoprojection à Lille, affirme avoir décroché un poste de consultant en stratégie en “activant” les contacts noués au cours de son expérience de création. En région, près de 23% des créateurs sont âgés de moins de 30 ans. Cette clarification les rendra-telle plus optimistes ?