Loi immigration: la voix singulière de la macroniste Huguette Tiegna, Française depuis 2016

C'est un profil inhabituel au Palais Bourbon: ingénieure venue du Burkina Faso et naturalisée française fin 2016, la députée macroniste Huguette Tiegna redoute "les postures jusqu'au-boutistes" lors des débats inflammables sur l'immigration...

La députée Renaissance Huguette Tiegna, à l'Assemblée nationale, le 7 décembre 2023 à Paris © Ludovic MARIN
La députée Renaissance Huguette Tiegna, à l'Assemblée nationale, le 7 décembre 2023 à Paris © Ludovic MARIN

C'est un profil inhabituel au Palais Bourbon: ingénieure venue du Burkina Faso et naturalisée française fin 2016, la députée macroniste Huguette Tiegna redoute "les postures jusqu'au-boutistes" lors des débats inflammables sur l'immigration à l'Assemblée, loin de son parcours "d'intégration".

"Derrière l'immigration, il y a aussi des belles histoires qui contribuent au bon fonctionnement de la nation. Beaucoup comme moi en ont marre d'entendre le seul discours stigmatisant tout le temps", souligne l'élue Renaissance de 41 ans, dans un entretien accordé à l'AFP.

Benjamine d'une famille de neuf enfants, Huguette Tiegna a empilé les diplômes et les kilomètres, loin des champs de son père agriculteur dans un village burkinabé: une licence en électronique à Bobo-Dioulasso, un diplôme d'ingénieure au Niger, puis un doctorat en "génie électrique" au Havre, avec un titre de séjour étudiant renouvelé chaque année.

Jusqu'à travailler sur les moteurs électriques innovants dans une start-up du Lot, que viendra visiter Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, et pour lequel elle s'engagera en politique.

En novembre 2016, cette Bac+8 est "naturalisée" Française comme "scientifique pour participer à la construction du pays", raconte-t-elle, avant d'être élue six mois plus tard députée du Lot dans un bastion socialiste, avec la vague de "marcheurs" issus de la société civile.

Mariée à un Normand et mère de deux jeunes enfants, elle convoque son parcours "d'intégration", face au "débat braqué" et "impulsif" sur l'immigration.

Dans son viseur, le "jusqu'au-boutisme" des élus LR, notamment de son voisin de circonscription Aurélien Pradié. "J'ai l'impression que tout le monde fait la course avec l'extrême droite", accuse-t-elle.

Pradié, qui assume son "intransigeance" contre l'immigration illégale, balaie le reproche. "Huguette Tiegna a été réélue de justesse", grince le trublion de la droite.  Et "elle a tendance à surjouer son parcours. Ce n'est ni un modèle, ni un contre-modèle. Je n'aime pas cette espèce de revendication d'identité".

Le 49.3, "hors de question

Dans l'hémicycle, Huguette Tiegna espère qu'on ne va "pas résumer la question des étrangers aux expulsions ou aux régularisations".

Elle plaide pour la création d'une "maison du service public dédiée à l'intégration". Et voit dans certaines mesures du projet de loi un "bon début" encore insuffisant, par exemple sur les demandeurs d'asile qu'elle voudrait tous autoriser à travailler sans attendre le délai actuel de six mois.

"Je ne vois pas comment on s'épanouit si on reste sans rien faire", dit la députée. Et "il faut laisser le débat se faire calmement. Pour moi, il est absolument hors de question qu'il y ait un 49.3 sur la loi immigration", prévient-elle à propos de cet outil constitutionnel que le gouvernement peut utiliser pour faire passer un texte sans vote.

Ce n'est pas à l'ordre du jour, mais Huguette Tiegna voudrait aussi le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales, au moins pour ceux qui entament une démarche de naturalisation.

Plutôt réservée, cette scientifique se tourne surtout vers l'après débat immigration. Pour le mois de juin, elle planche sur un rapport consacré à l'intelligence artificielle, un "enjeu de souveraineté", afin de "cadrer" des outils comme ChatGPT sans pour autant "inhiber les innovations".

Elle porte aussi une proposition de loi dédiée à la santé mentale des enfants et des adolescents, qui fait écho au travail mené par l'Institut Camille Miret, dans son territoire du Lot.

Et lorsqu'elle est loin du Palais-Bourbon, elle cultive son jardin, réminiscence des champs de son père, décédé en 2009 et qui fut aussi "ancien combattant" dans l'armée française, "tirailleur pendant la guerre d'Indochine et d'Algérie".

Quand elle ne s'arrache pas les cheveux pour avoir sa mère au téléphone, si difficile à joindre au Burkina, dans leur village isolé, à la frontière malienne.

347A7DK