Loi immigration: la réunion députés-sénateurs encalminée, reprise mardi matin

Le conclave de députés et sénateurs qui doit décider du sort de la loi immigration doit reprendre mardi matin, après s'être interrompu dans la nuit, butant sur des désaccords de dernière minute entre l'exécutif et la droite qui font planer des nuages sur...

Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Sacha Houlié, lors d'un débat sur le projet de loi immigration à l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2023 à Paris © Ludovic MARIN
Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Sacha Houlié, lors d'un débat sur le projet de loi immigration à l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2023 à Paris © Ludovic MARIN

Le conclave de députés et sénateurs qui doit décider du sort de la loi immigration doit reprendre mardi matin, après s'être interrompu dans la nuit, butant sur des désaccords de dernière minute entre l'exécutif et la droite qui font planer des nuages sur ce texte comme sur l'avenir du quinquennat d'Emmanuel Macron.

Déjà freinée dès son démarrage à 17H00 par une suspension de 4 heures, cette commission mixte paritaire (CMP), que beaucoup pensaient voir se terminer dans la soirée, a finalement été arrêtée à minuit trente, et ne reprendra que mardi à 10H30, avec encore plusieurs dizaines d'articles à examiner.

Alors qu'un accord se dessinait entre la droite et le camp présidentiel, les négociations ont pâti d'un différend inattendu sur les allocations familiales.

La droite veut conditionner les prestations sociales à cinq ans de présence sur le territoire (30 mois pour ceux qui travaillent), y compris les aides personnalisées au logement (APL), que la majorité souhaite au contraire voir échapper à ces restrictions.

Cette position macroniste "n'est pas conforme" aux "engagements", a protesté sur le réseau social X le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.

Le patron des députés Renaissance Sylvain Maillard, a reproché au parti de droite Les Républicains de ne "pas tenir" l'accord conclu avant la CMP. 

La mesure devenue crispante au point de menacer le texte dans son intégralité a d'ores et déjà été repoussée à la fin des débats, le temps de trouver un nouvel accord. Une délégation de députés de la majorité chargés du projet de loi sur l'immigration a fait un passage rapide à Matignon lundi soir avant de retourner siéger.

Cette CMP est "une mascarade de démocratie", a fustigé la cheffe de file du groupe La France insoumise Mathilde Panot, appelant à l'unisson de plusieurs élus de gauche au retrait du texte. L'exécutif avait promis de le faire en cas d'échec de la CMP.

Lignes bleu marine

"Tous les sujets sont possibles sur les APL", a estimé le député Renaissance Guillaume Kasbarian, mais ces questions "ne se règlent pas à minuit la veille" d'un vote sur l'ensemble du texte.

"On sera extrêmement ferme sur le fait que les APL fassent partie du texte final", a promis le LR Pierre-Henri Dumont.

En attendant l'arrivée du fameux article sur les allocations, la CMP a validé plusieurs mesures introduites par la droite au Sénat: des quotas d'immigration pluriannuels définis au Parlement, un délit de séjour irrégulier puni d'une amende, ou encore une restriction de l'accès aux tarifs réduits dans les transports pour les sans papiers.

"La majorité a cédé sur toutes les lignes rouges et a dépassé les lignes bleu marine", a dénoncé devant les journalistes le président du groupe socialiste Boris Vallaud, membre de la CMP.

Plusieurs milliers de manifestants ont également défilé lundi en France à l'appel de collectifs pour appeler à la "résistance" contre un "reniement des valeurs" républicaines.

"On se réjouit que ce texte reprenne un nombre considérable de propositions de Marine Le Pen", souligne au contraire la députée RN Edwige Diaz.

Capables de légiférer

Les principaux obstacles semblaient pourtant avoir été levés avant cette réunion de sept députés et sept sénateurs de tous bords censés rechercher l'ultime compromis.

Ajoutant à la dramaturgie, la Première ministre avait répondu in extremis à un ultimatum de la droite sur l'Aide médicale d'Etat, promettant par écrit d'"engager en début d'année 2024" une réforme de ce dispositif qui permet aux étrangers sans papiers de bénéficier de soins médicaux.

Pour Emmanuel Macron, qui avait prôné vendredi "un compromis intelligent", c'est une étape cruciale de son second quinquennat.

Pour décrocher un accord, il a dû entériner un net virage à droite au risque de désunir le camp présidentiel.

Certains élus favorables au président avouent néanmoins compter sur le Conseil constitutionnel pour censurer plusieurs mesures très droitières, comme le resserrement du regroupement familial ou l'instauration de quotas migratoires annuels.

La droite semble également avoir obtenu gain de cause sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui resteraient à la discrétion des préfets.

Si les dernières dissensions sont finalement surmontées, le texte de la CMP reviendra devant chaque chambre. Le vote du Sénat semble acquis, mais celui de l'Assemblée est beaucoup plus incertain en raison notamment des divisions du camp présidentiel.

Élisabeth Borne, dont le gouvernement a survécu dans la soirée à une nouvelle motion de censure à l'Assemblée, était attendue mardi matin face aux députés Renaissance pour tenter de convaincre les récalcitrants de l'aile gauche.

"Malgré les couleuvres avalées, on garde des mesures qu'on avait portées", positive un élu, insistant sur "l'intérêt de montrer qu'on est encore capables de légiférer".

Les membres du groupe centriste Liot, jusqu'ici en soutien du gouvernement, risquent eux aussi de se diviser. Et même les LR, réputés peu disciplinés, pourraient compter dans leurs rangs des opposants autour du frondeur Aurélien Pradié.

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