L'intermodalité, l'avenir du transport régional
Alors que le transport ferroviaire en Europe avoisine une moyenne de 18%, la France traîne encore les pieds avec un petit 9%. Une part vouée à doubler d'ici 2030 si l'on veut prendre en compte les transformations sociétales et économiques. En Hauts-de-France, les acteurs de la dynamique Norlink – Norlink ports, Norlink ferroviaire, Norlink fluvial et Norlink plaisance – viennent de s'engager dans la Fédération Norlink pour accélérer le mouvement.
Malgré une baisse significative du chiffre d’affaires durant la crise sanitaire (évaluée à 30% pour les gestionnaires d’infrastructures portuaires intérieurs et maritimes, ainsi que pour les opérateurs de transports), les services de transports de marchandises et les plateformes multimodales régionales n’ont jamais cessé leur activité. Une preuve supplémentaire de la dimension stratégique et indispensable du transport de marchandises dans l’économie des Hauts-de-France, 1re région logistique de France et qui représente 10% du réseau navigable français. «En 2016, nous avions créé le réseau des ports des Hauts-de-France, Norlink ports, devenu l’interlocuteur de l’Etat, des chargeurs et de l’ensemble des partenaires du secteur. Durant cette crise, on a pu observer le rôle stratégique du transport portuaire et logistique, mais aussi que l’intermodalité prouvait toute son efficacité. Nous devons accélérer», ambitionne Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France et président de la Fédération Norlink. Cette fédération regroupe près de 130 adhérents, à la fois du monde fluvial, portuaire, ferroviaire et de la plaisance. «Nous devons rester dans la coordination si on veut être dans la compétition mondiale. Nous voulons capter de la valeur ajoutée et ne pas simplement regarder les péniches passer !» renchérit Bruno Fontaine, président de la CCI Grand Hainaut et de Norlink ports.
Des perspectives en berne
Malgré des difficultés d’approvisionnement dès le mois de janvier pour les conteneurs en provenance de Chine et un arrêt brutal au mois de mars, les ports régionaux ont continué de tourner, mais avec des flux déséquilibrés et des clients qui ne consommaient plus. Il donc fallu pousser les murs et stocker les conteneurs. Rien que sur le port de Saint-Saulve, Toyota y livre en moyenne cinq conteneurs par jour. «Puis on a commencé à consommer de nouveau, mais les livraisons n’arrivaient plus ! Il a donc fallu gérer les conteneurs vides», poursuit Bruno Fontaine. Le stockage a ainsi augmenté de près de 40%. Même combat du côté du Dunkerque-Port, comme l’explique son directeur Daniel Deschodt : «Nous avons dû gérer un afflux de conteneurs à l’importation, notamment d’Asie, à destination de la grande distribution. Nous avons offert aux importateurs des franchises de stationnement.» Le premier port français d’importation de fruits et légumes en conteneurs a aussi dû faire face à un approvisionnement important en agroalimentaire. Par contre, ralentissement total du côté des autres piliers du port, la sidérurgie et le transmanche. Déjà impactées par le Brexit, les liaisons de passagers vers ou en provenance de Douvres se sont écroulées malgré le maintien des trois navires de DFDS Seaways. Au total, sur l’ensemble des activités du port, Daniel Deschodt table sur une baisse de 20 à 25%. «Clairement, les perspectives 2020 ne sont pas bonnes et celles de 2021 sont assez moyennes. Il faut attendre le dernier trimestre de cette année pour pouvoir analyser la reprise post-Covid.»
Agir collectivement pour plus d’impact
Pour Calais, essentiellement tourné vers le trafic transmanche avec 9 millions de passagers chaque année, la chute a été brutale (-97%), affichant aussi -30% pour le trafic de marchandises, même si le transport de céréales et de matières dangereuses a augmenté durant la période de crise. Si François Lavallée, président de la CCI Littoral Hauts-de-France, se garde de donner des chiffres précis, il avoue que les pertes pour le port de Calais se chiffrent à plusieurs millions d’euros. En France, à fin juin, les pertes pour le secteur fret ferroviaire ont été estimées à 200 M€… Entre la crise de la Covid-19 et la mise en œuvre effective du Brexit au 1er janvier 2021, les organisations au sein des ports maritimes doivent évoluer pour faire face au retour de cette frontière entre les Hauts-de-France et le Royaume-Uni, et éviter ainsi le déplacement des flux vers d’autres axes de transports européens. D’où l’importance de se fédérer et d’agir collectivement via la Fédération, notamment pour présenter un plan au Gouvernement, dans le cadre de l’article 51 de la loi LOM (loi d’orientations des mobilités) qui engage l’Etat à élaborer une stratégie pour le développement du fret ferroviaire. «A échéance 2030, il faut doubler la part modale du fret ferroviaire et passer de 9 à 18%. Et 18%, c’est la moyenne nationale, autant dire que nous sommes très en retard en France. Ce plan incite l’Etat à investir dans le fret ferroviaire», explique Pascal Sainson, président de Norlink ferroviaire et PDG d’Europorte. Concrètement, il s’agira de travailler sur la mise au gabarit de certains axes européens, de réaliser des voies d’évitement pour contourner les grandes villes, avec une première phase d’ici 2024 – à hauteur d’un milliard d’euros investis –, suivie d’une seconde phase (11,5 milliards d’euros investis), notamment via des fonds européens. «Les externalités économisées (pollution, congestion routière…) sont estimés à 25 à 30 milliards d’euros sur la période 2020-2040», ajoute Pascal Sainson. Fin juin, le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a d’ailleurs décidé de passer à l’offensive sur le fret ferroviaire, avec un plan de relance présenté fin août ou début septembre, avec des «dispositions très fortes pour la relance du fret ferroviaire et du transport ferroviaire», pour en faire un moyen de transport «propre et moins coûteux». A l’image du port d’Anvers (7% du PIB belge) avec ses 50% en transport routier et le reste en modes doux, les Hauts-de-France ont leur carte à jouer sur l’intermodalité, d’autant plus que la logistique portuaire et industrielle représente près de 150 000 emplois régionaux. A l’heure de la transformation environnementale et sociétale, amplifiée par la crise, il semble plus qu’urgent de prendre le train en marche.
Dunkerque-Port récompensé pour sa performance environnementale
Le 24 juin dernier, Dunkerque-Port s’est vu décerner à nouveau la certification PERS (Port environmental Review System) du réseau EcoPorts et délivrée par l’EPSO (Europen Sea Ports Organisation). Cette certification de management environnemental labellise le bon suivi des règles et normes en vigueur et récompense l’implication dans des démarches et initiatives en faveur d’une meilleure performance environnementale portuaire. Pour Dunkerque-Port, il s’agit par exemple des opérations de reconversion des friches, d’un cahier de recommandations environnementales lors de l’installation de nouveaux industriels et de l’implication du port dans le programme PaQte (Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises), mais aussi la traçabilité financière des opérations environnementales, la planification, l’implication écoresponsable et le suivi du plan d’aménagement et de développement durable. Parmi les axes de travail des prochaines années : le soutien à l’innovation pour le déploiement de la transition énergétique en territoire portuaire, en lien avec la décarbonation du territoire et le renforcement de l’économie circulaire. Avec cette certification, Dunkerque rejoint le réseau des 112 ports européens et méditerranéens du label EcoPorts et des 21 ports certifiés PERS.