Lille, chef-lieu de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie
La nouvelle région Nord -Pas-de-Calais-Picardie a sa capitale, quoique officiellement provisoire jusqu'à ce que le futur Conseil régional, issu des élections des 5 et 12 décembre 2015, décide de sa propre organisation territoriale : Lille. Le Conseil des Ministres du 31 juillet 2015 a entériné les décisions du Premier ministre, Manuel Valls, portant sur la réforme de l'administration territoriale de l’Etat.
Comme l’on pouvait s’en douter, et malgré les velléités d’Arras et surtout d’Amiens, le Premier ministre a retenu Lille comme chef-lieu provisoire de la future grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Conduite progressivement, la nouvelle organisation des services de l’Etat sera stabilisée en 2018.
Le choix de Lille n’était plus depuis longtemps un secret. Encore fallait-il “envelopper” la décision pour tenter de la faire passer auprès de ceux qui menaient la fronde contre elle. Ce qui explique la présence la veille de Manuel Valls en Picardie pour, certes, signer le contrat de plan État/Région 2015-2020 (775 M€, dont 449 M€ de la Région et 326 M€ de l’État), mais aussi pour tenter d’apaiser le scepticisme et les mécontentements picards contre la perte d’influence et les menaces présupposées sur l’emploi public régional.
Sans doute beaucoup ne retiendront-ils de ce Conseil des Ministres que le choix gouvernemental et les mesures compensatoires consenties à Amiens. Ce serait sans doute aller vite en besogne. Quelques heures après le Conseil des Ministres, Jean-François Cordet, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet préfigurateur pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, a présenté et expliqué la nouvelle organisation des services de l’Etat dans la nouvelle grande région qui doit être effective au 1er janvier 2016.
De l’État-stratège à la proximité. Avant d’entrer dans le vif du sujet de la nouvelle organisation, Jean-François Cordet a rappelé les principes et objectifs qui ont guidé les choix de l’État, insistant sur “l’ensemble cohérent que forment les mesures prises pour une action publique plus forte et plus proche des citoyens dans tous les territoires“. La réforme de l’administration territoriale de l’État répond à cinq grands objectifs : simplifier, mettre en cohérence l’action de l’État sur le territoire, renforcer la proximité, améliorer l’efficacité, faire des économies, moderniser les méthodes de travail, et conforter l’équilibre des territoires.
Trois impératifs méthodologiques se sont dès lors imposés, qui ont façonné la nouvelle organisation (lire leur traduction concrète dans l’encadré ci-dessous) :
− renforcer la fonction d’État-stratège avec un état-major de l’État resserré autour du préfet de région à Lille,
− conforter la fonction d’État-garant de l’équité des territoires avec un équilibre territorial des administrations entre Lille et Amiens,
− développer la fonction d’État-partenaire avec une administration modernisée et proche des citoyens au niveau départemental, un maillage territorial renforcé et une coopération privilégiée avec les collectivités territoriales.
Conséquence du travail, notamment de préfiguration, effectué, “on en arrive à un équilibre quasiment parfait en quantité sur les deux sites existants aujourd’hui. On ne touche pas aux grands équilibres de la répartition de la fonction publique régionale − 66,5% à Lille, 33,5 à Amiens“.
Plus dans le détail, Jean-François Cordet a détaillé l’organisation des directions en “bi-sites fonctionnels” avec des fonctions spécialisées correspondant au mieux aux spécificités des territoires. Ainsi la Dreal installera-t-elle à Amiens son pôle biodiversité, eau, environnement, pour assurer la complémentarité avec le pôle similaire de la Draaf − mais à Lille, plus concernée −, ses pôles risques technologiques et industriels et mobilité et transports. Ainsi aussi de la Drac (affaires culturelles) qui installera ses dominantes patrimoine à Amiens et arts vivants à Lille. Pour conforter le maillage territorial et renforcer la proximité et le niveau départemental de gestion, les unités territoriales (UT) deviendront des UD (unités départementales) autour des préfets de département. Si les opérateurs de l’État comme l’Ademe, Pôle emploi, la Caisse des dépôts et consignations, bpifrance, ont déjà pris en compte ou s’apprêtent à le faire la nouvelle organisation, il en est de même des directions interrégionales (pénitentiaire, douanes, jeunesse, routes…) qui deviennent de facto des directions régionales. Cette réorganisation des services de l’État génère aussi son lot de mutualisation de grandes fonctions, un volet qu’au-delà de celui des grandes politiques publiques, prendra en charge le Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR), de la politique immobilière de l’État à, demain peut-être, la création d’un pôle juridique, en passant par les politiques de ressources humaines et d’achats publics…
Et le préfet de résumer : “Le maillage territorial est renforcé ; la présence des deux grandes capitales, maintenue. Et la spécialisation des fonctions est effectuée dans chacune des grandes directions pour les rendre plus efficaces et plus appropriées à la spécificité des territoires sur lesquels elles sont appelées à servir.“
À ses “amis amiénois“, il explique ne pas les avoir oubliés, “avec la garantie du maintien de la présence de l’administration dans le même équilibre, c’est-à-dire le même nombre de fonctionnaires qu’aujourd’hui. Il n’y a pas abandon, mais même quelque chose de novateur qui est la spécialisation de l’administration par territoire. Nous avons réussi à simplifier, à densifier et à nous adapter à la spécificité du territoire“.
Rendez-vous au 1er janvier 2016. Les grandes lignes de la nouvelle organisation régionale de l’État connues, reste à la mettre en place d’ici le 1er janvier 2016 et sur le terrain au plus tard d’ici 2018. “La phase de mise en harmonie va se poursuivre (…) et la première partie de notre travail va être de faire des études d’impact“, a indiqué le préfet de région. Si, dans les trois instances locales de concertation qui se sont déjà tenues, “le dialogue s’est bien passé“, reste à passer le cap des comités techniques, un écueil préalable aux changements de fonctions, à l’adaptation concrète des organisations…
Et les élus régionaux ? “Le Conseil régional va devoir s’adapter aussi à son administration“, explique Jean-François Cordet en faisant état de réflexions sur la création de lieux d’administration régionale infra départementale, sur la participation à des maisons de service public… “Ni Claude Gewerc ni Daniel Percheron ne sont favorables à la Grande Région, mais le dialogue a été très franc. Ils sont très animés par les services publics et n’ont jamais voulu mener la politique du pire… De toute façon, il y aura une Grande Région le 1er janvier 2016 et il faudra bien la faire fonctionner…” Et de mettre en avant les grandes politiques publiques développées dans les deux régions, réseau ferroviaire, canal Seine-Nord, politique de recherche. À la revoyure fin 2016 de deux CPER, l’association des deux sera relativement aisée, va-t-il jusqu’à pronostiquer. Quant aux économies à réaliser, il donne là un premier rendez-vous début 2016 pour chiffrer les premières : “Nous sommes persuadés qu’on fera des économies, mais nous ne pouvons dire à quel rythme.”
La nouvelle organisation des services régionaux de l’État
Les sièges des directions régionales de l’État
La ville de Lille a été désignée chef-lieu provisoire de la Grande Région. Le chef-lieu définitif sera arrêté en juillet 2016 et fixé par décret en Conseil d’État avant le 1er octobre 2016, après consultation de la nouvelle assemblée régionale issue des élections des 6 et 13 décembre 2015.
Lille accueillera les sièges de la Dreal, de la Direccte, de la Drac, de la DRFip, de l’Insee, de l’ARS et du rectorat de région académique.
La ville d’Amiens accueillera les sièges de la Draaf et de la DRDJSCS. Elle conservera son académie. Elle verra également s’implanter par création une plate-forme nationale de validation des titres (passeports, cartes grises…) qui doit employer une centaine de fonctionnaires.
La ville d’Arras conservera le siège de la Chambre régionale des comptes.
La répartition de l’emploi public
Des services seront maintenus, pour chaque direction régionale, dans les villes de Lille et d’Amiens lorsqu’elles n’accueillent pas le siège. La nouvelle organisation régionale de l’État, qui se mettra progressivement en place à partir de janvier 2016, offre une répartition homogène avec un état-major resserré sur un site unique et un site distant spécialisé. L’équilibre actuel de l’emploi public régional de l’État sera maintenu, soit 66,5% pour Lille et 33,5% pour Amiens.
La fonction publique de l’État, c’est 200 000 agents : 140 000 en Nord-Pas-de-Calais et 60 000 en Picardie, dont 5 500 sur des fonctions relevant de l’administration régionale (2,8%). Les fonctions de niveau régional totalisent dans le Nord-Pas-de-Calais 2 996 agents ou 2 620,4 ETP ; en Picardie 1 595 agents, ou 1 561,6 ETP ; celles de niveau interrégional ou zonal comptent respectivement 658 agents ou 644,7 ETP et un seul pour la Picardie.