«Les Voix des terres rouges», pour ne jamais oublier les «gueules noires et jaunes»…

«Les Voix des terres rouges». C’est la dénomination évocatrice du concert choral de la Cité musicale de Metz et de l’Orchestre national de Metz présenté au public cette semaine. Le vendredi 17 juin à l’Arche de Villerupt et le samedi 18 juin à l’Arsenal de Metz. La compositrice luxembourgeoise, Catherine Kontz, en a écrit la partition, en se référant à l’histoire industrielle de la région et sur le récit des habitants pour créer une œuvre humaniste, porté par des accents de nostalgie et de respect pour cette épopée ouvrière qui imprégna durablement nos territoires. Fer et charbon. Deux mots du dictionnaire qui veulent dire tant de choses, et plus encore, dans les foyers mosellans. Autrefois, sur ces terres marquées du sceau de l'Histoire, de tant de drames et de réconciliations, de guerres et de paix, l’industrie sidérurgique étalait sa puissance.

C'était hier...

Et ces images, ces flashs, comme une pellicule que l'on rembobine, ressurgies des mémoires des anciens, transmises dans les familles, comme un trésor qu’on ne voudrait jamais voir s’évanouir dans les limbes du temps. Lors des Trente Glorieuses, mines et usines mosellanes tournaient à plein régime. C’était le plein emploi, l’augmentation des salaires et du niveau de vie. En Vallée de Moselle, en Val de l’Orne, dans les Vallées de la Fensch et de La Chiers, le même décorum. Un terril, un haut-fourneau, des cheminées géantes, des fumées bleues, blanches ou rousses, des cités ouvrières, les rougeoiements nocturnes des coulées d’acier liquide, ces hauts-fourneaux semblables à des monstres de fer avec leurs gigantesques tuyaux, poutrelles, plates-formes et passerelles. Et cette vie des travailleurs, foisonnante, rythmée par le labeur et la solidarité ouvrière. Et puis, la crise industrielle des années 1970 à 1990. Les mines de fer et de charbon, comme les industries sidérurgiques, entamèrent leur inéluctable déclin, fermant les unes après les autres. La grande majorité des installations furent démolies, laissant place à d’immenses friches, aujourd’hui souvent revitalisées en zones d’activités : La Lorraine, la Moselle surent se diversifier, innover, prendre d'autres trajectoires pour leur prospérité économique. Le paysage changea un peu partout. Longtemps, les maisons ouvrières furent orphelines de leurs usines disparues. Les unes n’allaient pas sans les autres.

Un concert choral hommage

En 2022, quelques rares monuments vestiges demeurent, voués à la postérité, comme le Parc du Haut-Fourneau U4 à Uckange. Collectivités et associations font perdurer cette mémoire ouvrière à léguer aux générations futures. On trouve là de remarquables initiatives. «Les Voix des terres rouges» s'ancre dans cette histoire, de racines et de valeurs. L’Orchestre national de Metz interprétera la musique. Pour la partie vocale, il a sollicité sur le territoire des chœurs amateurs de tous les niveaux et de tous les âges. Français et luxembourgeois, professionnels et amateurs, produiront donc ensemble cette œuvre nouvelle inspirée du passé. L’INECC Mission Voix Lorraine et l’INECC Luxembourg participent à ce projet choral. Depuis le mois de février dernier, et jusqu’en décembre prochain, la ville luxembourgeoise d’Esch-sur-Alzette, associée à 10 communes du sud du Luxembourg et 8 communes du Pays Haut Val d’Alzette (CCPHVA), est capitale européenne de la culture.

La culture comme lien humain

Festivals, cinéma, spectacles, création numérique du territoire, sont soutenus, grâce à la participation, en particulier, pour les projets français, de l’État (DRAC Grand Est) et des collectivités territoriales (Région Grand Est, départements de Moselle et de Meurthe-et-Moselle, CCPHVA). Avec le thème «REMIX» pour fil conducteur, Esch2022 invite à la rencontre et au mélange des univers, au profit de tous les amateurs d’art et de culture. «Les Voix des terres rouges» est davantage qu’un spectacle. Une évocation intemporelle résonnant tel un vibrant témoignage pour ces «gueules noires» et ces «gueules jaunes» d’autrefois. Leurs visages et leurs voix restent si présents… La dernière mine de fer de Lorraine ferma le 30 juillet 1997, Terres Rouges à Tressange. Florange vit les derniers hauts-fourneaux lorrains s’éteindre en 2013. Enfin, la dernière mine de charbon lorraine cessa ses activités le 23 avril 2004, la Houve à Creutzwald. La Moselle demeure une pierre angulaire de cette histoire. Hier, aujourd'hui et demain.