Les voix conservatrices montent le volume dans la progressiste Silicon Valley

Royaume des start-up et des nouvelles technologies, la Silicon Valley est largement acquise à la cause progressiste incarnée par les démocrates. Mais un nombre croissant de voix s'élèvent pour soutenir...

Elon Musk serre la main de Donald Trump lors d'un meeting de campagne à Butler, en Pennsylvanie le 5 octobre 2024. © Jim WATSON
Elon Musk serre la main de Donald Trump lors d'un meeting de campagne à Butler, en Pennsylvanie le 5 octobre 2024. © Jim WATSON

Royaume des start-up et des nouvelles technologies, la Silicon Valley est largement acquise à la cause progressiste incarnée par les démocrates. Mais un nombre croissant de voix s'élèvent pour soutenir Donald Trump, dans le sillage d'Elon Musk.

"Les gens vénèrent Elon Musk ici, il a une grande influence", assure Vivek Wadhwa, professeur à l'université Carnegie Mellon Silicon Valley.

"De plus en plus de gens de droite disent en avoir marre et voter pour Trump. Ils ne s'en cachent plus", continue cet éditorialiste.

Aucun patron de la tech n'avait jamais soutenu aussi ouvertement un candidat de la droite. Elon Musk fait campagne à coup de dizaines de millions de dollars, d'interventions sur son réseau social (X, anciennement Twitter) et en personne.

Le patron de Tesla et SpaceX a récemment rencontré des électeurs en Pennsylvanie, un Etat-clef pour remporter le scrutin présidentiel de mardi, et distribué des chèques d'un million de dollars.

Le milieu de la tech a toujours compté des libertariens, comme Peter Thiel (cofondateur de PayPal avec Elon Musk), rappelle Nick Pinkston, fondateur de Volition.

"Certains étaient déjà très conservateurs, et maintenant ils ont toute latitude pour s'exprimer", analyse cet entrepreneur, très investi en politique.

Selon lui, les libertariens espèrent voir le gouvernement réduire la voilure - "c'est-à-dire moins d'impôts et moins de régulations" - en ramenant Trump à la Maison Blanche. Tout comme les partisans des cryptomonnaies.

Trop loin

En 2020, l'ancien président a récolté 34% des suffrages en Californie et 12,7% à San Francisco.

Personne ne s'attend à une percée du milliardaire dans la baie de San Francisco, mais les voix de droite sont devenues plus audibles.

Surtout depuis la pandémie: les autorités locales se sont fait des ennemis en appliquant des règles sanitaires strictes, dont la fermeture temporaire d'entreprises comme Tesla.

"San Francisco est beaucoup plus à gauche que le reste du pays, et beaucoup de personnes pensent que ça va trop loin", constate Sheel Mohnot, cofondateur du fonds d'investissement Better Tomorrow Ventures.

"Nous avons beaucoup de problèmes, la criminalité, les sans-abri... Les gens veulent que ça change", a-t-il ajouté.

Les républicains dépeignent régulièrement San Francisco comme un cloaque invivable, preuve d'après eux que les démocrates favorisent l'insécurité, même si la ville a un taux d'homicides inférieur à la plupart des métropoles américaines de taille comparable.

Les conservateurs de la Silicon Valley rejettent par ailleurs les politiques de diversité dans les entreprises, et ne se reconnaissent pas dans l'attention accordée à la protection des droits des personnes LGBT+.

"Cela va trop loin, nous n'avons pas les mêmes valeurs progressistes extrêmes, surtout les immigrants comme moi, nous sommes plus conservateurs",note Vivek Wadhwa, précisant avoir "des amis gays et des amis trans".

Oligarque

La plupart des employés de la tech sont "des démocrates centristes, relativement apolitiques", estime Nick Pinkston, "qui ne passent pas beaucoup de temps à penser aux femmes".

Le droit à l'avortement, protégé en Californie mais aboli dans de nombreux Etats américains, fait partie des thèmes majeurs de la campagne de Kamala Harris.

Et puis les start-up aux slogans idéalistes à leurs débuts ont grandi.

"Elles se considéraient comme des révolutionnaires, des gentils", souligne Lawrence Quill, professeur de sciences politiques à l'université San Jose State. "Cette vision simpliste est difficile à maintenir sur un marché mondial."

Engagé dans un bras de fer avec Donald Trump pendant sa présidence au sujet de gros contrats de défense, Jeff Bezos, fondateur d'Amazon et propriétaire du Washington Post, a empêché le quotidien de soutenir officiellement la démocrate.

Mark Zuckerberg, PDG de Meta, préfère désormais se tenir à l'écart de la politique, d'autant que Donald Trump ne décolère pas contre les réseaux sociaux qui l'avaient banni pour son rôle dans l'assaut du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021.

Le républicain s'est félicité d'avoir reçu des appels téléphoniques de dirigeants, dont Sundar Pichai (Google), et Tim Cook (Apple).

Mais si les patrons font profil bas, Elon Musk et le trumpisme n'en irritent pas moins de nombreux "techies".

"Objectivement, *vous* êtes la plus grande menace pour la démocratie en Amérique aujourd'hui", a écrit cette semaine Yann LeCun, directeur scientifique de l'IA chez Meta, à Elon Musk sur X.

"Vous êtes un oligarque qui s'est acheté un énorme mégaphone pour soutenir un dictateur en puissance."

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