Les tribunaux de commerce veulentrenforcer le secret des affaires
Le Congrès régional de la 8e région consulaire, organisé par la Conférence générale des juges consulaires de France et présidé par Jean-Bertrand Drummen, s’est tenu à Valenciennes le 17 juin dernier. Orchestré par Serge Moreau, président du tribunal de commerce de Valenciennes, et Bernard Lataix, président de la 8e délégation régionale, le congrès avait pour sujet cette année “Le secret des affaires et la confidentialité des procédures”. Un thème d’importance pour les tribunaux de commerce et les juges consulaires puisqu’il touche à la protection du patrimoine informationnel de l’entreprise et à celle des fruits de la recherche des données stratégiques. Jean-Louis Equipart, président de chambre au tribunal de commerce, a été désigné comme rapporteur régional pour la 8e région consulaire.
Le secret des affaires et la confidentialité des procédures est un sujet auquel les entrepreneurs ont tous été un jour ou l’autre confrontés, un débat d’actualité comme le démontrent les récentes affaires Renault et Wikileaks. Il est aussi très vaste et intéresse toutes les branches du droit – entre autres le droit des sociétés, le droit social, le droit commercial, le droit bancaire, le droit financier, le droit de la concurrence, sans oublier le droit des procédures collectives –, et tant au niveau du droit interne que du droit communautaire. Jean-Louis Equipart s’est attaché à définir tout d’abord les définitions du secret – “ce qui n’est pas ou qui ne doit pas être connu d’autrui, du grand nombre” –, de la confidentialité – “c’est ce qui se fait ou se dit sous le sceau du secret et entre les seules personnes autorisées” –, et de la procédure – “une façon de procéder, une marche à suivre, c’est dans une situation déterminée un ensemble de règles qu’il faut appliquer strictement, de formalités auxquelles il faut se soumettre. Plus précisément, en ce qui nous concerne, la procédure est l’ensemble des règles juridiques à suivre, ou des règles qui permettent d’instruire un procès”. On l’a compris, le secret des affaires comprend toute information dont la divulgation serait de nature à nuire à l’entreprise : situation financière, organisation commerciale, procédés de fabrication, projets industriels… “Le secret des affaires”, “l’anonymat des transactions”, “les informations confidentielles” ou “le secret de fabrication” sont autant de formules qui, appliquées à la vie des entreprises, témoignent à la fois du besoin et de l’usage du secret.
“Le secret est l’âme des affaires”. Pour réussir, l’entreprise défend donc ce qui constitue son patrimoine, à savoir des hommes et leurs idées, un savoir-faire, des réseaux relationnels et commerciaux, des méthodes de gestion et aussi un patrimoine informationnel – l’ensemble des pratiques non brevetées mais testées résultant de l’expérience.
Selon le juge consulaire, “le secret est l’âme des affaires et on mesure donc toute l’importance pour les entreprises du secret de leurs affaires et lorsqu’une procédure est engagée, l’importance de sa confidentialité”. A noter que le secret des affaires et la confidentialité des procédures peuvent être contestés au nom du “droit à l’information” ou du “devoir de transparence”. Et dans certaines hypothèses précises, la loi oblige les entreprises à transmettre certaines de leurs données à une pluralité d’acteurs économiques (actionnaires, épargnants, marchés financiers…) ou étatiques, ainsi qu’aux membres de leur personnel.
Il a conclu son propos par l’amélioration du secret des affaires et de la confidentialité des procédures, et a proposé quelques pistes à explorer pour aller dans ce sens telles que la création d’un cachet “confidentiel entreprise”, un projet de loi évoqué par le gouvernement. Ce cachet (un label) serait créé pour protéger les informations et les documents sensibles de l’entreprise. Il s’agirait aussi de définir la liste des personnes de l’entreprise et extérieures à celle-ci qui auraient accès à ces documents ou informations. Les entreprises auraient des outils pour se protéger et préserver leurs emplois et des armes pour poursuivre ceux qui leur auraient volé des informations stratégiques ou les auraient utilisées à leur détriment. Ce cachet “confidentiel entreprise” serait laissé à la libre initiative des entreprises. En cas d’abus, le juge pourrait aussi reconsidérer le caractère confidentiel d’une information en cas de plainte. Il ne pourrait pas lui être opposé. Le juge aurait toujours la possibilité de perquisition ou de faire la demande des documents concernés. Ce cachet pourrait, le cas échéant, permettre de qualifier un délit. Et Jean- Louis Equipart de rappeler “qu’à l’heure où nos hommes politiques occupent les médias avec le dysfonctionnement présumé ou réel de leur vie privée, et où Internet s’introduit en force chez chacun d’entre nous, il me semble pertinent de rappeler l’article 9 du code civil qui dispose que ‘chacun a droit au respect de sa vie privée’”. Cette notion de droit au respect de la vie privée pourrait, si elle était étendue aux entreprises, être le fondement de la protection du droit des affaires et de la confidentialité des entreprises.