Les trains régionaux pas assez fiables
Après la régionalisation des TER, en 2002, la fréquentation a beaucoup progressé. Mais le nombre de voyageurs stagne depuis 10 ans, en raison des suppressions de train, des retards et de la mauvaise articulation avec le TGV ou le vélo.
Ceci n’est pas une gare. A première vue, pourtant, le bâtiment blanc, dont les portes-fenêtres donnent sur une voie ferrée, ressemble à une gare. Des inscriptions en lettres capitales, mentionnant le nom de la commune, «La Bernerie», renforcent cette impression. Une affichette apposée sur une vitre prévient pourtant le voyageur : «vous ne trouverez ici ni information sur les trains, ni vente de billets». L’arrêt de La Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique), desservi par les TER de la région Pays-de-la-Loire, n’est même pas doté d’un distributeur automatique de titres de transport. Le voyageur peut acheter son billet sur une application pour smartphone, par téléphone, voire à la «gare mobile», un camion qui parcourt la campagne certains jours.
Comme
l’ancienne gare de La Bernerie, qui accueille désormais une
médiathèque, de nombreux bâtiments appartenant à la SNCF ont été
transformés, ces dernières décennies, en agences immobilières,
espaces de coworking, voire en maisons particulières. Et les
voyageurs ont perdu le réflexe d’emprunter le train. Comme le
rappelle Alain Bazot, de l’association UFC-Que choisir, «seuls
1,5% des trajets quotidiens se font aujourd’hui en TER, 16% au
total en transports publics, contre 73% en voiture».
Relancer
une dynamique
Avec la Fédération nationale des usagers des transports publics (Fnaut) et la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), l’association de consommateurs plaide pour le renouveau du train. Les régions, qui en sont les autorités organisatrices, ont consacré en 2019 4,8 milliards d’euros à ce moyen de transport, avec le succès mitigé que l’on constate. «Le taux d’occupation moyen des TER ne dépasse pas 27%», regrette Alain Bazot. Les trois associations rappellent, à l’occasion des élections régionales, que la mobilité est, avec le développement économique et l’aménagement du territoire, l’une des principales compétences des régions.
La régionalisation des chemins de fer, en 2002, s’était traduite, dans un premier temps, par un succès. Jusqu’en 2012, soulignent les associations, «la fréquentation des TER a progressé de 55%, en raison de l’augmentation du réseau et des fréquences et du renouvellement du matériel». Puis «la dynamique s’est enrayée». L’offre de transport a cessé de progresser, et elle a subi la concurrence du covoiturage, des autocars longue distance et le développement du réseau routier, tandis que, dans les trains, «la qualité de service, notamment la ponctualité», se dégradait. En conséquence, la fréquentation stagne depuis le début des années 2010, avant même la chute brutale liée à la pandémie en 2020.
«Tant
que la fiabilité ne s’améliorera pas, trop de voyageurs
renonceront à utiliser quotidiennement les trains régionaux»,
estiment les associations. Ainsi, en 2019, 10% des trains ont été
annulés ou déprogrammés, ce qui revient au même : ils n’ont
pas pris le départ. Or, ce chiffre demeurait, «pendant des
années, un secret bien gardé», et il a fallu l’intervention
de l’Autorité de régulation des transports pour qu’il soit
rendu public. En outre, 10% des trains arrivent à destination avec
un retard de plus de 5 minutes. Au total, ce sont donc 20% des trains
programmés qui ne sont pas fiables. Les salariés ou les étudiants
qui prennent ce moyen de transport matin et soir subissent donc ce
stress «deux fois par semaine, en moyenne», observe Alain
Bazot.
Disparités
régionales
Les performances du chemin de fer diffèrent d’une région à l’autre. Si la proportion des trains partis et arrivés à l’heure excède 86% en Bretagne ou dans le Grand Est, elle ne dépasse pas 79% dans les Hauts-de-France, 76% en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et 74% en Occitanie. En Europe, la France est le pays où les trains régionaux affichent la fiabilité la plus basse, avec la Suède, où les conditions météorologiques constituent une excuse recevable.
Les associations affirment qu’il est «possible d’augmenter massivement le recours aux trains régionaux». Tout le monde y gagnerait, soulignent-elles. Une augmentation de la fréquentation de 50% se traduirait par «une économie d’un million de tonnes de CO2», alors que les transports forment la plus importante contribution aux émissions de gaz à effet de serre. En outre, «les voyageurs qui délaisseraient leur véhicule personnel pour utiliser le TER bénéficieraient d’économies sur leur budget de déplacement».
Mais pour cela, il faut faciliter ce qu’on appelle «l’intermodalité», c’est-à-dire le passage d’un moyen de transport à un autre. Or, l’articulation avec les TGV demeure aléatoire. Dans certaines régions, les abonnés du TER n’ont pas le droit de monter dans un TGV, même lorsque leur train est en retard. Par ailleurs, «le vélo a besoin du train, et l’inverse est vrai aussi», estime Séraphin Elie, administrateur de la FUB, qui rappelle l’essor du vélo constaté ces dernières années, en particulier depuis le début de l’épidémie. En France «81% de la population habite à moins de 7,5 kilomètres d’une gare», une distance que l’on peut parcourir en une demi-heure. Encore faut-il, poursuit le responsable associatif, «un stationnement sécurisé des vélos» dans les gares. Le gouvernement a publié, le 10 juin, une liste des gares tenues de s’équiper en garages à vélo. Mais, pour la FUB, «ce n’est pas suffisant au regard de l’objectif, fixé par l’Etat en 2018, de 9% des trajets effectués à vélo en 2024».