Malgré les livraisons et plats à emporter

Les restaurateurs sous perfusion

Alors que les restaurateurs n'ont plus l'autorisation de recevoir leurs clients en salle, les plateformes de livraison leur sont devenues le principal moyen de continuer leur activité. Entre commissions et investissements supplémentaires, cette solution permet tout juste de garder la tête hors de l'eau. Les gérants lillois témoignent.


Les plateformes de livraison de repas sont devenues indispensables pour maintenir l'activité des restaurateurs.(crédit : Deliveroo press)
Les plateformes de livraison de repas sont devenues indispensables pour maintenir l'activité des restaurateurs.(crédit : Deliveroo press)

Depuis la fermeture des restaurants en mars 2020, et malgré une courte réouverture pendant la saison estivale, la livraison de repas est devenue la principale bouée de sauvetage pour les restaurateurs en temps de pandémie.

Ce n'est donc pas une surprise si, dans ses dernières publications, Deliveroo annonce avoir gagné 8 000 restaurants partenaires en France, en 2020. Soit une augmentation de +66% sur une année. Lille n'a pas échappé à cette tendance, avec un nombre de restaurants partenaires passant de 478 à 512.

La plateforme, comme ses concurrents tels que Just Eat et Uber Eats, permet de passer des commandes auprès de restaurants situés à proximité du bureau ou du domicile. Les restaurants répertoriés sont souvent des grandes chaînes, mais pas seulement. «De la pizza au burger, en passant par la cuisine asiatique ou traditionnelle, notre ADN est de proposer le choix le plus large possible au client pour qu'il ne tombe pas dans une routine. Et dès nos débuts, nous avons mis en avant des pépites de quartier», indique Damien Stéffan, porte-parole de Deliveroo.

Commissions et emballages supplémentaires...

Les plats proposés relèvent tout de même souvent de la restauration rapide, comme le fait remarquer Clément Hottin, gérant de La P'tite Poutine, situé dans le Vieux-Lille. Grâce à son inscription à plusieurs plateformes, dont Deliveroo en mars dernier, il livre une centaine de spécialités québécoises par jour. C'est un peu plus que lorsqu'il pouvait encore ouvrir son étage avec une capacité de 16 couverts. «Il n'y a pas de quoi se réjouir car je sais que je récupère une clientèle de restaurants traditionnels qui ne font pas de livraison», remarque-t-il. Surtout, il ne gagne pas tant au change. «Je ne peux pas dire que je ne gagne pas d'argent, mais je ne gagne pas plus qu'avant. La marge que prennent les plateformes sur chaque commande et le prix que nous investissons dans les emballages sont des dépenses que nous n'avions pas avant. Si je continue mon activité en cette période, c'est plutôt pour garder le moral...» et celui de ses effectifs, qu'il a réussi à préserver. Clément Hottin estime à 1 euro le coût de l'emballage investi dans chaque plat à livrer. La commission prélevée par les plateformes comme Deliveroo, quant à elle, s'élève en moyenne à 25%, voire 30% sur chaque commande. «Cette commission est justifiée par la visibilité que nous donnons au restaurateur, mais aussi par l'accompagnement dont il bénéficie : nous lui apportons des conseils sur l'adaptation de sa carte, nous gérons l'interface digitale, le moyen de transaction et la livraison», justifie Damien Stéffan.

Patrick Faye, dirigeant de Jaldi Jaldi, un restaurant indien situé dans le centre de Lille, le concède : cette décharge logistique s'avère pratique. Lui aussi reçoit deux fois plus de commandes qu'avant la crise. Si bien qu'il se voit obligé de recruter des préparateurs pour faire face à cet afflux. «Nous travaillons deux fois plus pour garder nos marges à égalité par rapport aux années précédentes.» Car lui aussi perd beaucoup d'argent à cause des commissions. «Cela représente 30% en moins sur notre chiffre d'affaires. A quoi il faut encore soustraire 5% pour le prix des emballages», confirme-t-il. Toutefois, Patrick Faye ne compte pas embaucher de livreurs indépendants pour contourner le recours aux grandes plateformes : «Cela reviendrait encore plus cher de payer un vrai salaire, un véhicule, une assurance, et de créer un service réclamations...» Pour tenir le coup, le dirigeant a plutôt décidé d'augmenter l'ensemble de sa carte d'un euro. «On récupère ainsi 6% à 7% du manque à gagner. Mais nous n'augmenterons pas davantage à l'avenir, sinon les clients ne comprendraient pas.»

De quoi rester rentable, sans perspective de croissance

Reste une solution pour éviter les frais de livraison : le click and collect. Deliveroo a d'ailleurs décidé d'annuler la commission sur les commandes à emporter. «Cela fait partie des efforts menés pour aider les restaurateurs en 2020, raconte Damien Stéffan. Nous avons également accéléré les démarches de trésorerie pour que les virements arrivent plus rapidement sur le compte des restaurateurs. Une option pourboire a aussi été créée, au bon vouloir du client, pour soutenir les indépendants uniquement et non les chaînes.» Ces chantiers ont tant occupé l'entreprise que sa stratégie d'expansion territoriale a été mise en pause. Elle reprendra cependant au cours de 2021, notamment avec l'arrivée de l'application à Dunkerque et Calais dans la région. «Nous nous implantons dans des villes où la clientèle est déjà habituée à se faire livrer des plats. Et il faut, bien entendu, une densité de population importante, car nous livrons dans un rayon de 3 km autour du restaurant», explique le porte-parole. Ce qui n'aidera malheureusement pas les restaurateurs situés en zone rurale, tout autant en difficulté...