Les régions au chevet des villes moyennes

Deux régions, les Hauts-de-France et l’Occitanie, ont annoncé leur intention de mutualiser leurs expériences concrètes de revitalisation urbaine. Celles-ci ne concernent pas seulement les préfectures concernées par le programme gouvernemental «Action cœur de ville», mais également les bourgades plus petites, qui ont besoin d’ingénierie.

Dans les Hauts-de-France, la région a proposé un financement de 60 millions d’euros auquel ont répondu 140 communes. © Melvin Dupont - Fotolia.com
Dans les Hauts-de-France, la région a proposé un financement de 60 millions d’euros auquel ont répondu 140 communes. © Melvin Dupont - Fotolia.com

Lovée au bord d’une rivière capricieuse au pied des Cévennes, Alès (Gard, 40 000 habitants) ne présente a priori pas beaucoup de points communs avec Saint-Quentin (Aisne, 55 000 habitants), dans la plaine picarde. Les deux villes, également touchées par la dévitalisation économique et commerciale, bénéficient pourtant toutes les deux de l’attention de leur président de région respectif. Sans oublier celle de l’Etat.

Annoncé fin 2017 par
le Premier ministre, Edouard Philippe, le plan «Action cœur de ville» a permis de sortir de l’anonymat les villes
moyennes atteintes par la fermeture des commerces, le départ des habitants et
la paupérisation. Cinq milliards d’euros issus de différentes structures
publiques doivent être répartis entre 222 municipalités pour répondre à des
projets précis. Mais pour Carole Delga, présidente de la région Occitanie et
Xavier Bertrand, son homologue des Hauts-de-France, cela ne suffit pas. «Cela fait 30 ou 40 ans qu’on a laissé filer
les choses, mais il n’est pas trop tard»
, estime l’homme fort de la région
nordiste, au cours d’une récente réunion publique à l’Assemblée nationale. La
dévitalisation urbaine, insiste son homologue du sud, «produit de la pauvreté, de l’insécurité, un sentiment de déclassement».

Les deux régions n’ont pas attendu la concrétisation du plan du gouvernement pour financer, chacune de leur côté, des programmes destinés aux centre-bourgs. Ces localités abritent quelques milliers d’habitants et ne sont pas visées par le dispositif «Action cœur de ville», qui cible en priorité les préfectures et sous-préfectures de départements. En Occitanie, 650 communes ont répondu favorablement au dispositif «bourgs-centres» qui ambitionne de revitaliser le commerce local, mais aussi l’habitat désaffecté ou le cadre de vie. Dans ces bourgades, «les trottoirs sont trop élevés par rapport à la chaussée, et cela gêne les personnes âgées, qui préfèrent les surfaces planes des supermarchés», explique la présidente de région et ancienne maire de Martres-Tolosane (Haute-Garonne, 2 300 habitants). L’élue rappelle aussi que la dévitalisation urbaine est une conséquence de la «consommation de foncier agricole», en partie responsable du «changement climatique».
Dans les Hauts-de-France, la région a proposé un financement de 60 millions d’euros auquel ont répondu 140 communes, indique Xavier Bertrand. Ces sommes peuvent contribuer à «financer des halles couvertes, acquérir des locaux vacants, créer des accès indépendants pour les logements situés au-dessus des anciens commerces, encourager les boutiques éphémères», détaille-t-il.

Boulangers, marchés, notaires

Les deux présidents de
région ont trouvé un allié, Patrick Vignal, député de l’Hérault, président de
l’association «Centre-ville en mouvement».
Un peu isolé au sein de la majorité, cet ancien député socialiste bataille,
depuis plus de deux ans, pour sauver les villes moyennes, et notamment leurs
commerces subissant la concurrence des zones commerciales. Patrick Vignal
espère «mutualiser les expériences»
et ériger en modèle les initiatives qui ont fait leurs preuves, afin de
convaincre le gouvernement de les encourager. Pour y parvenir, il a convié les
organisations professionnelles, des boulangers (car «10 millions de personnes entrent chaque jour dans une boulangerie»)
aux fromagers en passant par les marchés, la Française des jeux ou le Conseil
supérieur du notariat, qui a consacré son congrès, en 2018, au sort des «territoires». «C’est un travail d’ensemblier», résume le député.

Dans le mille-feuilles
institutionnel, les régions, plus puissantes depuis la réforme territoriale de
2015, sont bien placées pour apporter leur soutien aux cités en difficulté.
Moins sujettes aux jeux politiques locaux que les départements, elles sont
aussi dotées de davantage de moyens. Il ne s’agit pas seulement de budget, mais
aussi d’ingénierie. «Souvent les maires
sont démunis face à des bâtiments désaffectés qu’ils ont rachetés, et nous
pouvons leur suggérer des projets»
, explique Carole Delga. La région
voisine de Provence-Alpes-Côte d’Azur a ainsi établi une étude très complète
recensant les atouts et les faiblesses de chaque ville concernée. «Mais attention. Les projets ne doivent pas
non plus venir du siège de la région»
, amende Xavier Bertrand.

Les exécutifs
régionaux accordent-ils leurs actes avec leurs paroles ? Ils disposent en
effet d’une voix au sein des Commissions départementales d’aménagement
commercial (CDAC), qui valident, le plus souvent, les projets de zones
périphériques, y compris là où la vacance commerciale est élevée. «Des chambres d’enregistrement», résume
Patrick Vignal. La réponse de la présidente de l’Occitanie est sans
ambiguïté : «nous votons contre les
projets d’extensions de zones commerciales à l’extérieur»
, assure-t-elle, à
l’unisson avec le président de la Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, qui
l’avait confirmé lors d’un débat à Bordeaux, en novembre dernier. Le président
des Hauts-de-France se montre également ferme, mais sans répondre directement à
la question : «Un maire qui prend de
l’argent d’Action cœur de ville ne développe pas de zone périphérique, sinon,
c’est zéro euro de la région»
. Fort de ce partenariat, Patrick Vignal
espère convaincre d’autres régions de se joindre à ce travail de mutualisation
des compétences.