Les professionnels du logement demandent un changement de politique publique
Même si le secteur du logement connaît un regain d’activité, les professionnels estiment que la politique publique actuelle les freine et émettent leurs recommandations, lors d’un débat organisé par le Medef.
Le secteur du logement affiche des résultats qui s’améliorent, mais les professionnels du secteur n’en demeurent pas moins très critiques vis-à-vis de la politique publique qui encadre leur activité, et ils émettent leurs recommandations pour la faire évoluer. Lors de la conférence “Comment redonner du sens à la politique du logement et la rendre plus efficiente” organisée par le Medef à Paris le 7 janvier, la FNAIM, Fédération nationale de l’immobilier, a rappelé que ses adhérents avaient réalisé plus de 700 000 transactions en 2015, un chiffre qualifié de “raisonnable” par Jean-François Buet, président de la Fédération. Quant à Jacques Chanut, président de la FFB, Fédération française du bâtiment, et de l’UESL-Action logement, il s’estime “assez optimiste pour 2016”, escomptant une poursuite de la reprise de l’activité, basée notamment sur les maisons individuelles. Les promoteurs immobiliers, eux, se montrent plus réservés, par la voix d’Alexandra François- Cuxac, présidente de la FPI France, Fédération des promoteurs immobiliers de France. La représentante des promoteurs constate que les investisseurs ont retrouvé le chemin des bureaux de vente et que les ventes en accession à la propriété ont augmenté. “Le marché s’est un peu réveillé. 2015 sera vraisemblablement en progression, en se rapprochant péniblement du niveau de 2011”, estime Alexandra François-Cuxac. Le regard de l’analyste concorde avec le constat des professionnels : pour Valérie Plagnol, présidente de la Société d’économie politique, think tank sur les questions économiques, “on est sur une période de reprise qui a commencé l’an dernier”. Et pour la suite, les perspectives s’améliorent, notamment grâce aux baisses de taux d’intérêt qui contribuent à rendre la demande plus solvable. Toutefois, “en termes de niveau cumulé, on reste à 350 000 logements nouveaux sur douze mois, ce qui semble très inférieur, depuis un certain temps, aux 500 000 qu’il faudrait mettre en chantier en France”, rappelle Valérie Plagnol.
Réglementation et fiscalité. Parmi les difficultés qui pourraient entraver la croissance, Valérie Plagnol pointe également une trop grande focalisation politiques publiques du logement sur le soutien de la demande. Ce type d’action représente environ la moitié la quarantaine de milliards d’euros de dépenses publiques annuelles consacrées par l’Etat au logement, après Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. enseignant rappelle que face à ces 40 milliards euros, l’Etat reçoit 63 milliards d’euros (dont 20 milliards pour la taxe foncière) prélèvements obligatoires recensés dans le “compte satellite logement” du budget de l’Etat. Or, sur le long terme, cette politique publique est d’une “efficacité qui n’est pas totale”, avance diplomatiquement Bruno Deletré, directeur général du Crédit foncier France et président du groupe de travail rédacteur rappor t “Politique du logement : faire sauter les verrous”, de l’Institut Montaigne. Ce dernier dresse le constat d’une construction logements neufs insuffisante, de jeunes générations exclues de l’accès à la propriété et des difficultés que connaît le secteur du bâtiment, riche en maind’Tmuvre. Côté professionnels, Jean- François Buet pointe une réglementation trop tatillonne. Quant à la loi ALUR, elle renforce un déséquilibre entre les locataires et les propriétaires, susceptible de décourager ces derniers. Exemple, le dépôt de garantie passé de deux à un mois, qui engendrerait une multiplication des départs des locataires avec un “solde négatif” pour le propriétaire. La mesure d’encadrement des loyers, elle, provoque un “découragement des propriétaires”, estime Jean- François Buet, pour qui l’ensemble de ces mesures risque d’engendrer une diminution du parc locatif. Pour sa part, Alexandra François- Cuxac souligne “l’inflation législative” et normative, responsable à ses yeux d’une part importante des coûts de construction, lesquels ont augmenté de 50% depuis dix ans. Or, “cela pèse sur les prix de vente”, rappellet-elle. Autres griefs avancés par la présidente de la FPI France : la fiscalité, l’une des plus élevées d’Europe en matière d’immobilier neuf, mais également “le malthu- sianisme local” en matière d’attribution de permis de construire, ainsi que les trop nombreux recours…
“Des crises du logement”. Le zonage de la politique publique en matière de logement apparaît également inopérant aux professionnels. Car les situations sont très diverses selon les territoires, rappelle Jean-François Buet. “Des territoires deviennent en déshérence, avec des logements vides. D’autres ont une demande de logements qui ne peut être assouvie. Le zonage actuel n’est plus efficient. Il faut regarder par bassin économique”, estime-t-il. “Il n’y a pas une crise du logement, il y a des crises du logement”, renchérit Jacques Chanut, qui note une difficulté particulière : dans les zones où la valeur mobilière est faible, le montant des travaux de réhabilitation n’en diminue pas pour autant, ce qui impliquerait des accompagnements différenciés en fonction de ce critère. En matière de politique publique, “nous avons connu des mouvements réguliers de réglementation toujours plus forte du marché du loge- ment, comme par exemple l’encadrement des loyers, une taxation plus forte et une dépense publique qui augmente pour tenter de corriger les effets négatifs des réglementations”, analyse Bruno Deletré, évoquant un “cercle inefficace et coûteux”. Problème : “il est compliqué d’en sortir”, poursuit le directeur général du Crédit foncier de France. Exemple avec l’encouragement de l’investissement locatif : que le gouvernement y mette un frein ou le stoppe, et cela impacte négativement le bâtiment, ce qui incite à remettre en place une mesure pour le faire redémarrer…
Le Medef a formulé plusieurs “recommandations pour refonder la politique du logement”. Elles passent, en particulier, par la “sortie d’une logique interventionniste” et la poursuite du chantier de simplification, la relance de l’offre immobilière par une évolution de la fiscalité et de meilleures conditions réservées à l’investissement privé. Autres préconisations : une baisse des dépenses publiques du logement et un décloisonnement des différents marchés du logement.