Les ports français du Détroit entre deux eaux
Les résultats annuels des ports de Calais et Boulogne-sur-Mer sont sortis le 20 janvier dernier, commentés par la Société d’exploitation des ports du Détroit (SEPD). Si les trafics sont pour la plupart en recul, dans une année 2019 plongée dans la nébulosité du Brexit, l’ensemble portuaire vit une mutation complète à moins d’un an de la réception du nouveau port.
Les ports de Calais et Boulogne-sur-Mer n’ont pas passé une année 2019 particulièrement faste. Celui de Boulogne-sur-Mer reste pourtant en tête des ports de pêche français «tant en valeur qu’en tonnage», souligne la SEPD. S’il recule de 2,8% sur la valeur des produits (soit une moyenne de 2,54 euros/kilo), la chute est moins marquée en tonnages avec une baisse de 1,88% (soit 21 538 tonnes enregistrées). «Selon la présence plus ou moins importante de l’encornet, les chiffres fluctuent», explique Jean-Marc Puissesseau, président de la société portuaire. Cette espèce représente en effet à elle seule 28% de la valeur totale des transactions. Point positif, la coquille Saint-Jacques se porte très bien avec une hausse de 11%. Problème : la sole est devenue rare et la baisse est très forte avec -24%. Pourtant, 2019 avait bien commencé avec une saison du hareng bien orientée, mais le printemps fut mitigé, notamment en raison d’aléas climatiques.
La criée peut se féliciter d’avoir mis en place la vente à distance en 2017 : elle pèse aujourd’hui 13% des ventes aux enchères (en hausse de 17,5%). De nouveaux acheteurs, espagnols, hollandais et belges, y font désormais une partie de leurs affaires.
Sur le transmanche, l’activité aura été marquée par les incertitudes liées au Brexit. La direction des ports aura passé l’année à préparer le Brexit fixé pour mars, puis reporté en juin puis octobre 2019 et finalement en janvier 2020… Des incertitudes qui ont influé sur le marché et généré une baisse de l’activité outre-Manche selon la SEPD.
Le port de Calais dans l’accordéon du Brexit
Les trafics sont donc chahutés : perte de 5% sur le fret (avec 1 813 067 unités), baisse de 4,79% en tonnages (avec 43,4 millions de tonnes). Le volume des véhicules légers perd 8,9% tandis que le nombre des voyageurs dévisse de 7%, passant sous la barre des 9 millions. «Les Britanniques n’ont pas écoulé les stocks qu’ils avaient constitués fin 2018. Le fret a mécaniquement baissé au deuxième et troisième trimestres. En octobre, on s’attendait à un regain qui n’est pas venu. Pour autant, nos parts de marché ont légèrement augmenté pendant le même temps», détaille Jean-Marc Puissesseau. En outre, les mouvements sociaux ont été nombreux (Gilets jaunes, douaniers, manifestants contre la réforme des retraite), et l’actualité sociale a pesé sur l’activité. Mais le port de Calais a vu de belles perspectives se profiler : «Le terminal intermodal a confirmé la hausse attendue de son activité en 2018. Le trafic de remorques non accompagnées poursuit sa progression pour atteindre 42 483 unités, soit une augmentation de 11,2% sur une année», indique la SEPD. Une croissance qui s’amplifie avec un mois d’octobre 2019 qui a enregistré 4 962 remorques transbordées du rail aux flots.
Le compte à rebours a commencé
Le port de Calais est aussi à moins d’une année de la réception du nouveau port, qui sera inauguré en janvier 2021. Celui-ci comportera trois eaux postes à quai dans le nouveau grand bassin, dont la digue (de 2,9 km) est quasiment terminée. Un événement qui récompensera bien des années d’efforts : le projet lancé par Jean-Marc Puissesseau date de plus de dix ans. D’ici là, le port de Calais essayera d’éviter l’impact des problèmes migratoires que connaît à nouveau le territoire. La direction du port n’a pas caché son inquiétude face à la recrudescence des incidents sur la rocade portuaire : comme en 2015 et 2016, les migrants tentent d’investir les camions. Un scénario que la SEPD ne veut plus revivre : «Au moment de la Jungle, personne n’est venu s’inquiéter de notre sort. On a perdu 1,5 million de passagers. Nous n’avons jamais eu le moindre dédommagement alors que si quelqu’un a bien souffert, c’est le port de Calais», a rappelé Jean-Parc Puissesseau. Si 2020 est l’année du Brexit, la question migratoire reste donc inquiétante. La direction du port dénonce l’absence de compagnies de CRS, pourtant prévues.