Les pionniers d'une économie alternative s'efforcent d'être
Diffuser la pratique de nouveaux comportements économiques et sociétaux avant que la planète ne soit complètement détruite… Des pionniers d'une économie alternative, réunis lors de la 33ème rencontre nationale du groupe Crédit Coopératif, explorent des voies pour changer d'échelle. Et veulent continuer à croire en la possibilité d'un changement.
Les pionniers sont parfois fatigués. «Tout le monde dit : on a fait des efforts colossaux, mais la réalité est que, malgré les efforts réels, on n’a pas commencé à résoudre les problèmes», estime Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies, qui accompagne les entreprises dans une démarche de conversion au développement durable. C’était le 10 octobre à Paris, lors d’un débat organisé dans le cadre de la 33ème rencontre du groupe Crédit Coopératif. «J’ai l’impression de donner les mêmes exemples qu’il y a vingt ans», ajoute cette pionnière, régulièrement appelée à témoigner de comportements vertueux d’entreprises, dans des débats publics. Tristan Lecomte se montre plus optimiste. Après avoir fondé Alter Éco, entreprise de commerce équitable, il a mis sur pied «Pur Projet», qui accompagne les entreprises dans des projets de développement durable. «Nous voulons aider les entreprises à se réconcilier avec leurs écosystèmes», explique Tristan Lecomte, qui revendique de travailler avec des sociétés très diverses, depuis un grand groupe spécialisé dans le luxe à des PME. Pour ce pionnier de l’économie sociale et solidaire, qui compare la situation actuelle à son démarrage avec Alter Éco, «Le monde a complètement changé. J’ai déjà assisté à une révolution culturelle, dans le domaine agricole, par exemple».
Les freins à la diffusion
Il est de fait que si les préoccupations environnementales et sociales se diffusent dans la société, les comportements ne suivent pas forcément. À ce titre, «la généralisation des comportements passe par l’éducation des enfants dès leur plus jeune âge, pour qu’ils aient un comportement différent du nôtre», estime Elisabeth Laville. «Les sociologues disent qu’il faut d’abord prendre conscience», rappelle-t-elle. Autre difficulté, celle d’une diffusion difficile des initiatives. Dans le domaine énergétique, par exemple, des initiatives se développent, constate Thierry Salomon. Toutefois, «on a du mal sur l’articulation entre les niches et la massification qu’il faut faire», ajoutet- il. Exemple avec les trente millions de logements à rénover dans les années qui viennent… «La seule action éducative ne suffira pas. Il faut une action réglementaire», commente Thierry Salomon. C’est également l’avis de Paul Jorion, anthropologue, membre de la commission Attali sur l’économie positive, qui prône une interdiction de la spéculation financière. Démonstration par la hausse du prix du baril de pétrole, au premier semestre 2008. «C’était de la spéculation. Des PME se sont créées dans le secteur de l’énergie renouvelable, car il paraissait raisonnable d’aller dans cette direction. Puis, avec la baisse du prix de pétrole, ces PME qui s’étaient créées sur cette bulle spéculative ont disparu. Notre économie est l’annexe d’un casino», illustre Paul Jorion, insistant sur le rôle nécessaire des pouvoirs publics. Dans le domaine de l’énergie, «il s’agit aussi d’une sobriété collective, d’une réflexion sur l’urbanisme, avec des équipements qui doivent être sobres.»,
Optimisme, dernier recours ?
Si la nécessité d’une politique publique claire et volontaire se dessine, pour Thierry Salomon, l’un des grands freins à la transition réside dans la «centralisation, (…) qui empêche des initiatives d’émerger. Par exemple, il n’y a pas de normes pour expérimenter dans les collectivités locales. En matière thermique, les normes sont décrétées au ministère par quelques personnes. Cela crée une vision très pyramidale et qui coince à la base. La transition ne peut s’opérer». Même son de cloche chez Elisabeth Laville. «Nous avons une culture très descendante. Il faut aussi être à l’écoute de ce qui se passe sur le terrain. », estime la fondatrice du cabinet Utopies. Toutefois, «il y a un équilibre à trouver entre France colbertiste d’autrefois et décentralisation», tempère Paul Jorion. Pour Tristan Lecomte, une chose est certaine. «L’optimisme, c’est ce qui est moteur du changement. Plus la crise est grave, plus il faut être optimiste».