Les Palestiniens, sans permis de travail en Israël, reviennent à la terre
Avec la guerre à Gaza, Hussein Jamil a perdu le permis de travail qu'Israël lui délivrait...
Avec la guerre à Gaza, Hussein Jamil a perdu le permis de travail qu'Israël lui délivrait depuis 22 ans.
Après une longue attente, ce Palestinien a décidé de monter sa serre et, aujourd'hui, en récoltant ses tomates, il jure qu'il ne l'abandonnera pour rien au monde.
Son ancien patron israélien l'a déjà appelé plusieurs fois pour lui demander de revenir, assure ce Palestinien de Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967 et séparé géographiquement de Gaza par le territoire israélien.
"Mais je lui ai dit que je ne retournerai jamais travailler là-bas", martèle l'homme de 46 ans.
Dans son village de Beit Dajan, près de Naplouse, la grande ville commerçante dans le nord de la Cisjordanie, ils sont désormais des dizaines d'hommes à travailler la terre sur place plutôt qu'à monter dans les bus vers les check-points pour pouvoir se rendre Israël.
"C'est un travail très utile et surtout plus sûr", assure M. Jamil qui a bien espéré pendant un temps décrocher un permis de travail israélien.
Mais, comme pour 200.000 Palestiniens, ces sésames ne sont plus délivrés depuis le 7 octobre quand le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza, a mené une attaque sans précédent sur le sol israélien.
Chômage record
L'attaque a entrainé la mort de 1.198 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles israéliennes.
Les représailles israéliennes à Gaza ont fait 39.790 morts, d'après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants tués.
En Cisjordanie aussi, la violence a flambé. Au moins 617 Palestiniens y ont été tués par l'armée israélienne ou des colons, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles palestiniennes, et au moins 18 Israéliens parmi lesquels des soldats dans des attaques palestiniennes, selon les données officielles israéliennes.
Avant le 7 octobre, la Confédération générale du travail palestinienne estimait à 200.000 le nombre des Palestiniens de Cisjordanie travaillant --légalement ou illégalement-- en Israël où 18.500 Gazaouis étaient également employés, selon le ministère israélien de la Défense.
Tous ceux-là ont perdu soudainement leur travail et --un salaire plus de deux fois plus élevé que dans les Territoires palestiniens selon la Banque mondiale.
Et ils ne sont pas les seuls: 200.000 emplois ont été perdus à Gaza, où le chômage atteignait déjà des records mondiaux avant la guerre.
144.000 autres en Cisjordanie à cause des violences, des routes coupées, des difficultés d'approvisionnement et de la fonte du pouvoir d'achat qui s'est ensuivie.
Le chômage a d'ailleurs atteint fin 2023 son plus haut historique en Cisjordanie: il a bondi de 12,9% à 32% en trois mois.
Selon l'Organisation internationale du travail environ 22 millions de dollars de revenus sont perdus chaque jour dans les territoires palestiniens où l'agro-alimentaire représentait 15% du PIB avant la guerre.
Rien qu'à Beit Dajan, entre 300 et 350 hommes travaillaient en Israël sur 5.000 habitants.
Nombre d'entre eux s'activent désormais dans les serres montées ces derniers mois à flanc de colline, là où avant, racontent les anciens, on cultivait du blé.
Notre terre
Avec ces plants, "on est indépendants et tranquilles", assure M. Jamil. "C'est bien mieux que de travailler en Israël, ici on travaille sur notre terre".
Mazen Abou Jaich, 43 ans dont dix passés à travailler en Israël, a lui aussi mis du temps avant de prendre pelle et râteau pour monter sa serre de tomates.
"On a attendu en se disant qu'on retrouverait notre travail après la guerre", dit-il à l'AFP. Mais contrairement aux guerres précédentes à Gaza, qui n'ont jamais dépassé la poignée de semaines, celle-ci s'approche de son premier anniversaire.
"Donc, avec 35 autres habitants du village, on a décidé de se lancer dans l'agriculture plutôt que de continuer à attendre", raconte celui qui nourrit désormais sa famille de sept personnes grâce à ses récoltes.
Et il est loin d'être un cas isolé: depuis le 7 octobre, 15 hectares de Beit Dajan se sont couverts de serres abritant tomates et concombres plantées par d'anciens travailleurs en Israël, selon des employés municipaux.
Mohammed Redouane, membre du conseil municipal, voit d'autres avantages encore.
"Des chômeurs du coin ont trouvé du travail et surtout, on préserve des terres de la zone C", dit-il.
La Zone C est la longue vallée du Jourdain où Israël exerce seul son autorité sur 59% de la Cisjordanie.
Là, Israël exerce seul son autorité et seul 1% des terres peut servir au développement palestinien, selon les organisations de défense des droits humains. Le reste profite aux colonies israéliennes, illégales aux yeux du droit international.
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