Les outils juridiques de «l’urbanisme transitoire»
Les trop nombreux terrains et friches délaissés, ainsi que les délais excessifs permettant de faire «sortir de terre» des projets d’aménagement amènent les communes à trouver des solutions innovantes pour redynamiser de façon temporaire ces espaces vacants, les transformer en lieux d’animations et d’échanges : c’est l’enjeu de l’urbanisme transitoire.
Une pratique née d’un constat
«Ville durable», «smart city»… les expressions ne manquent pas pour souligner le besoin de renouveler la vision traditionnelle de la ville et de son urbanisme. L’accent est désormais mis sur la mixité fonctionnelle et sociale des espaces. Toutefois, le constat des communes est parfois amer : les études techniques, les études de faisabilité, celles environnementales, le temps de négociation avec les opérateurs, les délais d’instruction et, en bout de course, les recours contre les permis de construire bloquent, parfois presque indéfiniment, la réalisation des projets. Pendant ce temps, les terrains (parfois d’anciennes friches) sont laissés à l’abandon permettant ainsi toute sorte d’occupation illégale et les troubles qui vont avec.
De ce constat est né une pratique consistant à redynamiser provisoirement un espace, le temps que le projet d’aménagement en question voit le jour : «l’urbanisme transitoire». Ainsi, peuvent fleurir sur un terrain ou dans des bâtiments, des collectifs d’artistes, des potagers urbains, des foyers d’hébergements, un incubateur de start-up, un lieu de «médiation culturelle», des boutiques éphémères …
Principes généraux en matière d’urbanisme transitoire
Le montage juridique d’une opération d’urbanisme transitoire repose sur un partenariat tissé entre un opérateur privé, porteur du projet, le propriétaire du terrain ou des locaux (public ou privé), et le plus souvent une collectivité territoriale.
L’urbanisme transitoire ne repose toutefois pas sur un régime juridique propre. Cette politique nécessite, au contraire, la mobilisation des outils juridiques classiques des opérations immobilières.
L’aspect «occupation du sol» est régit par le droit commun de la propriété (droit civil, Code général de la propriété des personnes publiques) et l’aspect urbanisme par le droit commun de l’urbanisme (permis de construire, déclarations préalables …). Ainsi plusieurs règles sont amenées à se superposer pour une même opération. La mise en place d’une telle opération nécessite une anticipation et donc une planification particulière.
Les outils relatifs à l’occupation des terrains
Lorsque le terrain objet du projet d’urbanisme transitoire relève du domaine public, une simple Autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public pourra suffire à son occupation par une personne privée. L’autorisation peut prendre la forme d’un arrêté ou d’une convention et est accordée en contrepartie d’une redevance. Depuis l’ordonnance du 19 avril 2017, les occupations poursuivant un motif d’ordre économique sont soumises à des mesures de publicité et de mise en concurrence.
Une fois délivrés, conformément à l’article L. 2122-3 du CG3P, ces autorisations présentent «un caractère précaire et révocable» : l’autorisation, même délivrée pour une durée déterminée et même si elle est conventionnelle, est révocable à tout moment dans l’intérêt du domaine occupé (par exemple, en cas de faute de l’occupant). A fortiori il n’y a aucun droit au renouvellement d’une autorisation venue à échéance.
Lorsque le terrain objet du projet d’urbanisme transitoire relève du domaine privé, alors les outils classiques de la mise à disposition d’un bien privé pourront utilement être envisagés : bail commercial dérogatoire (pour une location inférieure à trois ans), convention d’occupation précaire, ou prêt à usage, en fonction des besoins.
Les outils relatifs à l’urbanisme
Une fois l’autorisation d’occupation délivrée, qu’elle soit privée ou publique, l’occupant peut souhaiter effectuer des travaux. Dans ce cas, le régime juridique classique du Code de l’urbanisme s’appliquera à ses démarches.
Les travaux de faible importance, les constructions nécessaires au relogement d'urgence de personnes victimes d'un sinistre, ainsi que les installations dont la durée d'implantation n'excède pas trois mois sont dispensés de toute formalité. Les constructions d’une surface inférieure à 20 m2 nécessitent une simple déclaration préalable.
Pour tout le reste, si un permis de construire est nécessaire à l’opération envisagée, alors il pourra s’agir d’un permis de construire précaire dont le régime juridique est fixé aux articles L. 433-1 et suivants du Code de l’urbanisme.
Bien entendu, la construction doit respecter toutes les dispositions d’urbanisme en vigueur sur le terrain (PLU, RNU …). Un état descriptif des lieux doit être dressé avant construction. L’intérêt de cette autorisation, pour la commune, est de pouvoir fixer un délai à l'expiration duquel le pétitionnaire doit enlever la construction autorisée par le permis précaire. A expiration, celle-ci doit être retirée aux frais du bénéficiaire et le terrain, bien entendu, être remis en l’état. Contrairement à l’AOT, ce n’est qu’en cas de demande de remise en l’état anticipée que le bénéficiaire a droit à une indemnité.
Les changements de destinations répondent eux également du régime de droit commun : ils nécessitent une déclaration préalable ou un permis de construire lorsque les travaux associés sont conséquents.