Rencontre avec Romain Boulet, président de l'association des paysans du Grand Site des 2 Caps
«Les normes agricoles ne cessent de s’ajouter les unes aux autres»
Romain Boulet, éleveur à Tardinghen, en GAEC avec deux associés, était l’invité de la tribune organisée par le Cercle Côte d'Opale Synergie le 10 avril.
Le 10 avril dernier, le Cercle Côte d'Opale Synergie a invité, pour sa tribune diffusée sur sa chaîne YouTube, Romain Boulet, agriculteur et président de l'association des paysans du Grand Site des 2 Caps. L’occasion de revenir sur les difficultés rencontrées par la profession et ses revendications.
Pas de simplification en vue
Parmi les thématiques évoquées : la réglementation, principal sujet de colère lors des manifestations de janvier dernier. «Les normes ne cessent de s’ajouter les unes aux autres. On nous promet une simplification qui n’arrive jamais» explique l’éleveur de 100 vaches laitières et de 140 brebis boulonnaises à Tardinghen. L’agriculteur de 35 ans, associé en GAEC avec son père et son frère, illustre ses propos. «Nous demandons des aides pour le maintien de la race ovine boulonnaise. Cette année, pour la première fois, c’est la Région qui gère les dossiers… Et elle demande des informations supplémentaires», se désole-t-il.
Une partie des règlements ont une visée environnementale. Une préoccupation que Romain Boulet, installé depuis 2015, comprend parfaitement. «Nous exploitons 107 hectares dont 80 sont en herbe» souligne-t-il, ajoutant que «depuis dix ans, nous plantons des haies qui n’existaient pas forcément à l’origine sur nos parcellaires dans le passé». Pour autant, l’agriculteur estime que certains débats sociétaux s’emballent.
Trop d’eau…
«Si les températures n’ont pas été impactées chez nous, la pluviométrie a augmenté. Dans les années 1980, les précipitations annuelles atteignaient, en moyenne, 784 mm. Sur la période 2021 à 2023, nous sommes à 1 069 mm». Un phénomène qui conduit à des printemps secs, nuisibles aux semis et à des automnes très pluvieux, nuisibles aux récoltes. La question de la gestion de l’eau apparaît donc comme un enjeu primordial dans les années à venir.
L’éleveur a également abordé la question délicate des prix de vente, celui-ci étant plutôt favorable à l’instauration de valeurs seuils. «Si ma coopérative (laitière, ndlr) s’engage sur des volumes annuels, elle ne le fait pas sur le prix. À ce titre, je trouve qu’il n’y a pas grande différence à travailler avec un privé» estime Romain Boulet. Une situation qui précarise les exploitations. Et le trentenaire de revenir sur ses débuts de chef d’exploitation. «Mon étude d’installation s’était appuyée sur un prix moyen de 32 centimes par litre de lait, alors qu’il était en moyenne à 35 centimes du litre».
Et des prix incertains
Mais six mois plus tard, ce prix chute à 0,28 euro du litre. «Pour notre exploitation qui produit un million de litres de lait, c’est une perte de 40 000 euros, alors que les charges restent identiques». Une difficulté qu’il ne rencontre pas avec son élevage ovin, puisque la production est vendue en circuit court, notamment dans le magasin de producteurs Vert de terre à Saint-Martin-Boulogne.
Face à ces difficultés, Romain Boulet croit en la diversification. Son exploitation a installé des panneaux photovoltaïques et un gîte a été construit. Méthanisation, semis direct, séchoir en grange… ont été évoqués comme autant de pistes prometteuses pour le secteur. «Mais ce sont souvent des investissements importants qui nécessitent de se grouper. Ce n’est pas toujours évident à réaliser» avertit l’agriculteur.