Les mesures de la loi ASAP en matière de commande publique

La loi n°2020-1525 d’Accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) est entrée en vigueur le 8 décembre 2020. Elle comprend plusieurs mesures en matière de commande publique essentiellement destinées à soutenir les activités des opérateurs économiques impactées par l’épidémie de la Covid-19 en pérennisant notamment certaines dispositions mises en place durant l’état d’urgence sanitaire. Explications avec Me Mathieu Herlin, partenaire en droit public des affaires du cabinet Maestro Avocats d’Amiens, Beauvais et Compiègne.

L'un des dispositifs vise à encourager la reprise rapide dans le secteur des travaux publics en permettant aux pouvoirs adjudicateurs de contracter plus rapidement avec les entreprises et notamment les PME.© Lulu Berlu
L'un des dispositifs vise à encourager la reprise rapide dans le secteur des travaux publics en permettant aux pouvoirs adjudicateurs de contracter plus rapidement avec les entreprises et notamment les PME.© Lulu Berlu

La Gazette : Selon votre analyse, quelles sont les principales mesures concrètes à retenir de cette loi ?

Mathieu Herlin : L’une des mesures importantes de cette loi est le relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics de travaux. En effet, dans la perspective de relancer les chantiers publics, en application de l’article 142 de la loi, les acheteurs sont dispensés jusqu’au 31 décembre 2022 de procédure pour les marchés publics de travaux dont le montant est inférieur à 100 000 euros HT.

Ce dispositif vise à encourager la reprise rapide dans le secteur des travaux publics en permettant aux pouvoirs adjudicateurs de contracter plus rapidement avec les entreprises et notamment les PME. Le législateur a néanmoins posé des limites de principe à cette liberté en imposant aux acheteurs de veiller à la bonne utilisation des deniers publics et de s’abstenir de contracter systématiquement avec les mêmes opérateurs économiques sur des prestations concurrentielles.

Par ailleurs, l’article 133 de la loi ASAP étend à l’ensemble des marchés publics conclus avant le 1er avril 2016 et plus uniquement aux contrats de concession, le dispositif de modification des contrats en cours d'exécution. Les acheteurs publics peuvent désormais modifier ces marchés publics lorsqu’une telle modification est rendue nécessaire par des circonstances imprévisibles.

Enfin, il est dorénavant acquis que les marchés de service ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant peuvent être conclus sans mesure de publicité ni de mise en concurrence. En d’autres termes, dans ces deux domaines, les acheteurs publics sont libres de choisir leurs avocats en passant des contrats de gré à gré (article 140 de la loi ASAP).

"La commande publique occupe une place prépondérante dans l’économie française. L’optimisation de l’achat public a toujours constitué un formidable levier de croissance"

Peut-on parler d’un véritable assouplissement des règles de la commande publique ?

D’une manière générale, la loi ASAP s’inscrit dans une volonté de simplification visant à faciliter les démarches administratives. En raison de la crise sanitaire, la suppression de certaines formalités inutiles voire redondantes est devenue une nécessité. S’agissant plus précisément de la commande publique, plusieurs mesures apparaissent cependant difficiles à mettre en œuvre et peuvent se révéler parfois compliquées à bien cerner.

C’est notamment le cas de l’hypothèse de la dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence justifiée par un motif d’intérêt général prévue à l’article 131 de la loi ASAP. En effet, les articles L.2122-1 et L.2322-1 du code de la commande publique ne comportait pas avant la loin ASAP la mention du motif de l’intérêt général comme hypothèse de dispense de formalisme.

Néanmoins, cette disposition législative ne permet pas aux acheteurs d’apprécier eux-mêmes la notion d’intérêt général puisqu’il appartiendra toujours au pouvoir réglementaire de déterminer expressément les marchés qui, à un moment donné, pourraient bénéficier de cette dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Dans le prolongement de cette analyse, le dispositif des circonstances exceptionnelles (article 132 de la loi ASAP) tel qu’il a été déployé durant l’état d’urgence sanitaire par l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 sera soumis à la publication d’un décret permettant de déroger exceptionnellement aux règles de passation et d’exécution des marchés publics et des contrats de concession.

Que pouvons-nous alors recommander aux acheteurs publics ?

La commande publique occupe une place prépondérante dans l’économie française. L’optimisation de l’achat public a toujours constitué un formidable levier de croissance. Contrairement aux idées reçues, il ne représente pas simplement un poste de dépense mais bien un outil stratégique de performance. On ne peut raisonnablement pas envisager un plan de relance en cette période d’incertitude sans optimiser les règles de la commande publique.

Nous ne pouvons que nous réjouir des récentes évolutions de l’achat public et de son adaptabilité contextuelle. À n’en pas douter, c’est le domaine le plus dynamique et le plus moderne du droit public.

J’invite les acheteurs publics à se saisir des opportunités de souplesse offertes par le code de la commande publique. Il convient de faire preuve de pragmatisme qui, contrairement aux propos tenus par certains courants purement doctrinaux, n’est absolument pas incompatible avec une bonne gestion des deniers publics et encore moins préjudiciable à l’intérêt général. Là où le formalisme n’est pas imposé, la liberté de l’acheteur public doit reprendre ses droits pour permettre un achat adapté au besoin de l’intérêt général.

Me Matthieu Herlin, partenaire du cabinet Maestro Avocats Beauvais