Entretien avec Joffrey Zbierski, maire de Provin et président de l'AMN

«Les maires ont le service public chevillé au corps»

Après une année et demie marquée par la crise Covid, les 648 maires du département du Nord vont se retrouver le 30 septembre prochain à Gayant Expo, pour le 65e Congrès des maires du Nord et des présidents d'EPCI. Joffrey Zbierski, président de l'Association des maires du Nord depuis janvier 2021, revient sur les enseignements de la crise et les défis qui attendent les élus.

"Cette situation post-Covid nécessite des moyens locaux", prône Joffrey Zbierski, président de l'AMN et maire de Provin.
"Cette situation post-Covid nécessite des moyens locaux", prône Joffrey Zbierski, président de l'AMN et maire de Provin.

La Gazette : Les maires ont été en première ligne lors de cette crise Covid. Une vraie prouesse au quotidien ?

Nous avions une réunion stratégique avec la préfecture du Nord toutes les semaines durant la période de confinement. Ce qui pêche, c'est le temps entre l'arrivée de l'arrêté dans les mairies et sa mise en place : bien souvent, nous n'avons qu'une journée pour mettre en place les mesures préconisées par la préfecture et il est difficile pour les communes de petite taille de gérer l'urgence.

Quelles sont les attentes remontées par les élus ?

Après l'année et demie que nous avons vécue, nous sommes rompus à ce qui pourrait nous arriver. Mais nous souhaitons être entendus et entrer dans le débat en amont. Bien souvent on nous demande d'agir quand il y a déjà le feu !

D'autant plus que le département du Nord est un paysage communal assez spécifique.

En effet, les situations géographiques et économiques sont différentes et certaines communes sont très étendues. A mon arrivée à la présidence en janvier 2021, nous avons mis un point d'honneur à nous adapter aux spécificités des territoires : quand on fait une formation sur l'urbanisme, on ne peut pas mélanger une commune de la métropole lilloise et du littoral. Le but, c'est de faire du sur-mesure et d'adapter les arrêtés selon les spécificités.

A la gestion de la crise Covid s'est ajoutée la sempiternelle question des ressources financières des communes. Comment gérer cela au quotidien ?

Nous avons des préoccupations financières depuis 2014 avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement, désormais stabilisée, fort heureusement. Aujourd'hui, une mairie se gère comme une véritable entreprise et nous devons utiliser tous les leviers à notre disposition pour faire face aux nouvelles problématiques. On a de plus en plus de responsabilités avec de moins en moins de moyens.

"J'ai coutume de dire que nous avons tous la même écharpe mais pas le même métier..."

On nous demande densifier les centres-villes et de ne plus construire sur les terres agricoles, mais dans beaucoup de communes, on va arriver à des situations de saturation des centres-villes. Et si l'on ne peut plus construire, on va souffrir d'un manque d'attractivité.

Diriez-vous que les administrés sont de plus en plus exigeants ?

Ils veulent bénéficier de services de qualité, encore plus depuis les confinements. En tant que maire, nous avons le service public chevillé au corps ! Il faut que l'Etat soit moins centralisateur. Néanmoins, l'Etat a conscience du rôle du maire : les masques, ce sont les maires, les centres de vaccination aussi. 

Mais notre quotidien est de plus en plus compliqué. J'ai coutume de dire que nous avons tous la même écharpe mais pas le même métier... Cette situation post-Covid nécessite des moyens locaux. Economiquement, la crise sanitaire a été bien gérée, mais peut être aurait-il fallu nous donner plus de pouvoir pour aller plus vite.

En agissant localement ?

Dans le cadre du plan de relance, la commande publique a été simplifiée : les marchés publics inférieurs à 40 000€ HT pouvaient être passés selon une procédure «allégée», avec une dispense de mesures formelles de publicité et de mise en concurrence. Cela été très efficace et on a pu relancer l'économie locale. Les collectivités sont de bons pourvoyeurs d'emplois dans les entreprises (la commande publique représente plus de 110 milliards d'euros, dont 38 milliards de marchés des collectivités territoriales, source OECP 2019, ndlr).

De nombreuses communes en ont bénéficié et si aujourd'hui, nous devons repasser des marchés publics comme avant, on aura six mois de retard. Beaucoup d'entreprises ne peuvent pas attendre six mois et vont devoir rembourser leurs PGE. Il va falloir payer le «quoi qu'il en coûte». J'espère que cela ne va pas se répercuter sur les collectivités. Les maires font attention au moindre euro, c'en est fini de l'après-Trente Glorieuses dans les collectivités.