Les lycées professionnels en mode réforme structurelle

Former au plus près des besoins des entreprises ! C’est l’un des axes forts de la vaste réforme des lycées professionnels aujourd’hui en marche. Mi-décembre, Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels s’est rendue au lycée Boutet de Monvel à Lunéville, l’occasion de décrypter cette vaste réforme mise en œuvre progressivement à la rentrée prochaine.

Mi-décembre, Carole Grandjean, ministre délégué chargée de l'Enseignement et de la formation professionnels s'est rendu au lycée Boutet de Monvel à Lunéville histoire de présenter la réforme du lycée professionnel en cours.
Mi-décembre, Carole Grandjean, ministre délégué chargée de l'Enseignement et de la formation professionnels s'est rendu au lycée Boutet de Monvel à Lunéville histoire de présenter la réforme du lycée professionnel en cours.



«Ce n’est pas une déconstruction mais réellement la construction du lycée professionnel du XXIe siècle. C’est du cas par cas, de la véritable dentelle. Cette réforme sera progressive et elle prendra du temps.» Le 15 décembre dernier au cœur des ateliers techniques pédagogiques du lycée professionnel Boutet de Monvel à Lunéville, Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels, se veut pédagogue et rassurante par rapport à la vaste réforme des lycées professionnels qui commence, en ce début d’année, une phase d’expérimentations avant une entrée en vigueur progressive à la rentrée prochaine. «La voie professionnelle est une voie d’excellence. Il faut donner envie aux jeunes de la prendre. Il faut prendre en compte leurs singularités, leur transmettre le goût de l’engagement, dans leur propre parcours et les préparer à l’emploi. » À l’instar de la réforme mise en œuvre précédemment au niveau de l’apprentissage et de l’alternance dans le cadre de la TVP (Transformation de la voie professionnelle), la réforme des lycées professionnels se veut notamment une réponse aux véritables besoins des entreprises et ce au niveau des territoires. «Cette réforme, c’est un enjeu stratégique en matière de compétences pour les entreprises de notre pays», continue la ministre. Reste que la tâche est rude. Deux tiers des décrocheurs scolaires sont aujourd’hui issus des lycées professionnels et le déficit d’image de ces filières est toujours bien présent. L’équation, sur le papier, apparaît pourtant simple : faire concilier les envies des jeunes en termes d’orientation et l’employabilité des formations. «L’objectif est de faire du lycée professionnel une véritable voie de réussite pour les élèves et pour leurs familles, alors qu’encore trop de jeunes peinent à trouver un emploi après l’obtention de leur diplôme ou décrochent trop rapidement lorsqu’ils poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur.»


Réponse aux métiers en tension

Quatre groupes de travail ont été mis en place pour construire pas à pas cette réforme. Le groupe 1 : «Comment réduire le nombre de décrocheurs ?» est piloté par Christine Gavini-Chevet, rectrice de la région académique de Normandie. «Le décrochage, par abandon de la formation ou rupture du contrat d’apprentissage, est encore trop fréquent au lycée professionnel. Ce phénomène doit être endigué pour lutter contre toutes les formes d’inégalités, qu’elles soient scolaires, sociales ou encore territoriales. Il nous impose d’améliorer le processus d’orientation en amont du lycée professionnel (…). Notre groupe de travail élabore des pistes de propositions pour aider les élèves à poursuivre leur apprentissage sans rupture, dans les meilleures conditions possibles, et d’envisager également les conditions de retour en formation. Il s’attache à réfléchir à l’orientation des élèves aux différents niveaux (fin de troisième, fin de seconde, terminale) mais également aux conditions d’apprentissages proposées en lycée professionnel, tant au plan pédagogique, qu’organisationnel.» Le groupe 2 : «Comment mieux préparer les poursuite d’études supérieures requises par certains métiers », est piloté par Olivier Dugrip, recteur de la région académique d’Auvergne Rhône-Alples. «Il faut faciliter et améliorer la préparation des élèves vers les études supérieures après l’obtention de leur diplôme. Il convient d’appréhender la sécurisation des parcours et les modalités de transition d’un diplôme validé vers un autre diplôme (du CAP au baccalauréat professionnel, du baccalauréat professionnel au BTS). Si des progrès ont été enregistrés du point de vue des taux de réussite, on relève aussi des fragilités chez les publics préparant le CAP, dont certains abandonnent en cours de formation.» Le constat est quasi identique pour les titulaires d’un bac professionnel s’orientant vers un BTS. Ils réussissent moins bien (50 % environ) que les bacheliers technologiques (66%) et généraux (81 %). «Cela implique de s’interroger sur l’accueil des élèves de la voie professionnelle dans ces sections de BTS, identifier leurs besoins, travailler sur leur projet tant scolaire que professionnel, faire évoluer les pratiques pédagogiques des enseignants de BTS.» Le groupe 3 : «Comment améliorer le taux d’accès à l’emploi après le diplôme ?» est piloté par Olivier Faron, recteur de l’académie de Strasbourg. «La délivrance des différents diplômes (CAP, baccalauréat professionnel, BTS) constitue l’un des objectifs majeurs de la voie professionnelle. Force est de constater que ces diplômes professionnels obtiennent des résultats encore insatisfaisants pour l’insertion des jeunes, alors que les métiers en tension se multiplient dans notre pays. Dans le cadre de la réforme à venir, il s’agit de renforcer l’employabilité de chacun des diplômés concernés, de les adapter à tous les publics et de les inscrire dans des parcours ciblés.»


Relation formation-emploi

Le dernier groupe, le groupe 4 : «Comment donner des marges de manœuvre aux établissements tout en conservant le caractère national des diplômés ?» est piloté par Anne Bisagni-Faure, rectrice de la région académique de la Nouvelle-Aquitaine. «Une place importante doit être donnée à l’organisation pédagogique et à la personnalisation des parcours, qu’il s’agisse de la planification des périodes de formation en milieu professionnel à adopter dans la voie scolaire, des ajustements possibles sur l’organisation de la formation au lycée afin d’améliorer la relation formation-emploi et la poursuite d’études ou encore de l’accroissement de la professionnalisation pour une insertion réussie des élèves dans le monde du travail.» L’employabilité, la réponse aux besoins réels des entreprises d’un territoire et l’insertion professionnelle s’affirment, aux regards de ces différents groupes de travail (qui ont dû rendre leurs conclusions le 27 janvier dernier), comme les objectifs principaux de cette réforme des lycées professionnels. Comme toute réforme, elle ne fait pas l’unanimité, plusieurs journées de mobilisation (dont notamment celle du 17 janvier dernier) se sont déroulaient. Les craintes, d’une partie du corps professoral et autres observateurs portent notamment sur le temps alloué à la formation, tant sur les enseignements généraux que les enseignements professionnels. Certains assurent que cette réforme «réduirait» les élèves de la voie professionnelle à un statut de futurs jeunes travailleurs. À y regarder de plus près, c’est un peu le cas ! «Cette réforme est structurelle et résolument tournée au service des jeunes : encore mieux prendre en compte leurs singularités, leur transmettre le goût de l’engagement dans leur propre parcours, les former aux enseignements généraux et ainsi les préparer à l’emploi, enfin encore mieux accompagner celles et ceux qui le souhaitent vers une poursuite d’études réussie», assure la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels. On est rassuré…

Le lycée pro aujourd’hui

32,1 % des élèves de 3e poursuivent leurs études en voie professionnelle (21,4 % vers un bac professionnel, 10,7 % vers un CAP (Certificat d’aptitude professionnelle). 61 % des sortants précoces sont issus de la voie professionnelle. 82,3 % de réussite au bac pro et 83,6 % au CAP (session 2020-2021). 49 % des diplômés des lycées professionnels poursuivent leurs études. À la rentrée 2021, on comptait 626 700 lycéens professionnels (un lycéen sur trois). 72 900 enseignants et 2 090 établissements pour 440 diplômés préparés.

Source : Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.