Patrimoine naturel
Les Jardins de Ly : un petit bout de Japon à Sénarpont
Fruits de la passion partagée de Louisette et Yves Piteau, les Jardins de Ly accueillent le public durant toute la période estivale. 12 000 m² de plaisirs botaniques et d’apaisement.
Jardin d'inspiration japonaise, plus de 150 bonsaïs, topiaires, potager de légumes anciens ou insolites… À Sénarpont, les Jardins de Ly offrent un moment d’apaisement et de détente aux visiteurs. En écoutant sa propriétaire Louisette Piteau, on arriverait presqu’à croire que ce havre de paix n’est que le fruit de petites envies. « Les arbres en nuages, ce n’est pas bien compliqué… », « les bonsaïs, ça n’a rien de sorcier »… C’est pourtant le travail de toute une vie, ou presque.
L’histoire commence en 1965, lorsqu’avec son mari Yves, ils achètent un terrain pour construire leur maison. Un champ, fraîchement semé de ray-grass. « Au départ, nous avions simplement un verger, un potager, et un tout petit jardin d’agrément », raconte Louisette Piteau. Mais suite à la visite d’un jardin, en Belgique, à Hulste, le couple tombe amoureux des jardins à la japonaise. « C’était une maison qui mettait en scène les éléments décoratifs qu’ils vendaient, raconte Louisette. Elle a fermé depuis, mais nous avons ramené un cèdre en souvenir qui est à l’entrée du jardin. » Dès leur retour, ils prennent une décision radicale : tout raser et faire leur propre jardin à la japonaise.
L’ouverture au public : pas une évidence
S’ensuivent des années de travail, ou plutôt de plaisir au grand air. D’abord le soir, après le travail, pour se détendre. Puis, une fois l’heure de la retraite arrivée, à plein temps ! « Il n’y a eu aucun plan de fait, insiste Louisette. C’est mon mari qui avait en tête ce qu’il voulait. » Peu à peu, le jardin s’étoffe, se décore… sans l’aide de gros matériel. Une bambouseraie, des pièces d’eau, une rivière sèche, un pont de bois, des éléments décoratifs… les 12 000 m2 s’enrichissent peu à peu. « Nous faisions toutes les expositions en Belgique, pour ramener des idées, des décorations », se souvient encore Louisette.
Mais jusque-là, cet endroit merveilleux, restait le jardin secret d’Yves et de Louisette. « C’est le Comité régional de tourosme qui est venu visiter un jour, qui nous a dit qu’il fallait absolument que nous l’ouvrions au public. » Une démarche pas si évidente pour le couple. « Au début, j’étais très gênée pour demander de l’argent pour l’entrée, avoue Louisette. Cela me paraissait totalement déplacé. Mais ce sont les gens qui demandaient. Maintenant, je me suis un peu habituée. »
Le visiteur en a généralement pour son argent. Les particuliers se voient remettre un plan du jardin, et peuvent ensuite venir partager leurs impressions et leurs questions avec Louisette. Celle-ci accompagne aussi tous les groupes, pour une visite guidée. L’ancienne institutrice peut ainsi continuer à véhiculer son savoir. Une foule d’anecdotes enrichit le plaisir des sens. Cette plante est comestible. Celle-ci, la férule, abrite une moelle qui se consume lentement et aurait été utilisée dans l’Antiquité pour transporter le feu… Elle connaît aussi l’histoire de ses arbres, comme ce cèdre dont les cicatrices racontent ses affrontements avec le vent.
Le plaisir du partage
Plus technique, elle évoque les floraisons des rosiers lianes, de l’araucaria (le fameux désespoir des singes)… Elle partage aussi volontiers ses techniques paysagères. Elle présente la taille en transparence, dont l’objectif est d’ouvrir des espaces pour que l’œil se porte plus loin dans le jardin. Elle est incollable sur la taille des bonsaïs, celle en nuages ou comment guider un cèdre bleu pleureur pour lui donner toute la majesté qu’il mérite. « Les visites durent au minimum deux heures, mais il vaut mieux compter trois heures. »
Aujourd’hui seule depuis la disparition d’Yves, il y a huit ans, Louisette poursuit l’aventure. Dans le jardin toute l’année, elle se fait aussi un peu aider. Les élèves du lycée professionnel agricole de la Baie de Somme (à Abbeville), viennent parfois réaliser un chantier pédagogique. Un ancien professeur du lycée vient aussi l’aider à réaliser les tailles, et aussi les visites quand les groupes sont nombreux. Si elle admet avoir des moments de fatigue, Louisette Piteau accueille toujours les visiteurs avec le sourire. « Assise dans un fauteuil, devant la télé, ce n’est pas pour moi. Ce que je veux c’est continuer à faire vivre ce jardin. Si je ne m’en occupe plus, il va s’abîmer. »
Un paradis pour les petits aventuriers
Par-delà le labyrinthe de bambous et l’espace aquatique où flânent les carpes Koï, le visiteur trouvera à l’extrémité des Jardins de Ly, des parcs abritant une basse-cour remarquable. Paons, cygnes noirs, poules de Yokohama, de La Flèche (la poule du diable)… Tout ce petit monde s’ébat à l’ombre des arbres, et autour des visiteurs qui peuvent traverser les parcs. « J’ai beaucoup d’affection pour ma basse-cour », sourit Louisette Piteau, tout en jetant quelques feuilles d’endives à la volée. De quoi occuper joyeusement les plus jeunes, qui, s’ils ont l’esprit aventureux, sauront aussi apprécier les petits chemins tortueux, et les monstres gentils (des décorations) qui se cachent au cœur du jardin.