Les investisseurs étrangers vont-ils déserter l’Hexagone ?

La moitié des investisseurs étrangers en France revoient leurs plans à la baisse, inquiets des conséquences de la dissolution de l’Assemblée nationale, révèle le baromètre du cabinet EY. A terme, ils pourraient rester dans le pays à condition que la politique d'attractivité mise en place depuis dix ans soit confirmée.

(c) Adobe Stock
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Douche glaciale. En mai dernier, des entreprises étrangères comme Microsoft ou Amazon annonçaient des projets d'investissement à hauteur de plusieurs milliards d'euros, lors de la 7e édition du salon Choose France, emblème de la politique d'attractivité économique voulue par Emmanuel Macron, président de la République. Six mois et une dissolution de l'Assemblée Nationale plus tard, près de la moitié des investisseurs étrangers revoient leurs plans d'investissement à la baisse, révèle une édition spéciale du baromètre de l'attractivité du cabinet EY. Publiée en novembre, elle a été réalisée le mois précédent, auprès de 200 groupes à capitaux étrangers présents ou pas dans l'Hexagone. Et selon cette étude, la moitié des entreprises étrangères estiment que l'attractivité du pays s'est dégradée depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, en juin dernier. En premier lieu, 59% de ces sociétés s'inquiètent des incertitudes législatives et réglementaires et pointent la difficulté de bâtir des business plans dans un tel contexte. Elles sont aussi 47% à redouter le ralentissement de réformes attendues, comme la simplification administrative ou les retraites, ainsi qu'une éventuelle remise en question des décisions publiques dans des secteurs clés. Et enfin, ces entreprises se préoccupent de la situation budgétaire et économique du pays.

Les conséquences de cette méfiance sont immédiates : près de la moitié des sociétés ont déjà revu leurs plans d'investissement existants à la baisse. Et pour la suite, prudence : 84% des dirigeants indiquent avoir reporté leurs décisions à 2025, au moins concernant les investissements non réalisés cette année. Toutefois, tous les types de projets ne sont pas impactés de la même manière. « Les dirigeants comptent toujours sur la France, notamment pour l’investissement dans l’innovation et les services, mais sont plus réservés sur l’implantation d’usines et de sièges », note l'étude. D’ici 2027, plus de 60% des investisseurs prévoient de développer des activités de R&D ou de services en France. En revanche, les intentions à trois ans d'implantation ou d'extension d'usines sont plus basses (49%). Pis, à peine 15% des dirigeants étrangers envisagent de développer des centres de décision dans l'Hexagone.

L'attractivité de la France pourrait « s'améliorer »

Le Royaume-Uni pourrait bien se révéler le grand gagnant de cette « panne française ». Selon 42% des dirigeants interrogés, depuis six mois, ce pays a gagné en attractivité par rapport à la France (vs. 29% qui pensent le contraire), en dépit de ses propres évolutions politiques et de l’augmentation de la pression fiscale. A contrario, l'Allemagne est, quant à elle, évaluée plus négativement que la France. Pour autant, même au bout de six mois d'incertitude et en plein débat sur le futur cadre budgétaire et fiscal, les investisseurs étrangers n'ont pas définitivement fait une croix sur l'Hexagone. Un quart d'entre eux continuent de trouver le pays attractif en raison de la baisse du coût de l'énergie, de la bonne résistance de la croissance économique et du reflux de l'inflation. Et de manière générale, compétences, potentiel d’innovation et qualité des infrastructures continuent d'être reconnus comme des atouts français par les investisseurs.

Mais surtout, 57% d'entre eux estiment que l’attractivité de la France pourrait « s’améliorer » au cours des 12 prochains mois. La voie de cette amélioration passerait par plusieurs axes, en priorité par le maintien de la politique menée depuis dix ans pour attirer ces investisseurs. A commencer par la compétitivité fiscale (Crédit impôt recherche, taux d’IS à 25 %, baisse des impôts de production, etc.). Les attentes concernent aussi des conditions spécifiques suivant les typologies d'investissements ( dans le domaine de la décarbonation ou pour les sites industriels, par exemple). Sans oublier une réduction et une optimisation de la dépense publique... Autant dire que le projet de loi de Finances 2025 est scruté de très près.

En juin dernier, le baromètre de l'attractivité de la France de EY plaçait cette dernière en tête des pays les plus attractifs d'Europe pour les investissements étrangers, pour la cinquième année consécutive. Et Business France, entité chargée par l'Etat d'accompagner les investisseurs étrangers en France, recensait 1 815 décisions d'investissement nouvelles en 2023, un chiffre en croissance depuis trois ans. Combien la dissolution remet-elle en question cette tendance ? Après le choc du Brexit, 18 % des projets étrangers avaient disparu du Royaume-Uni entre 2016 et 2023...