Les indemnités résultant des clauses de garantie d’actif et
S’il est d’usage de s’attacher aux indemnités résultant des garanties d’actif et de passif, il convient désormais de ne pas oublier les indemnisations qui seraient dues dans le cadre de la sortie de la société cédée d’un groupe fiscal intégré. Cette article est la seconde et dernière partie du texte publié dans notre édition précédente.
Cette partie sera beaucoup plus pratique. Nous nous sommes attachés, d’une part, de partir d’un exemple concret pour définir le préjudice à réparer et, d’autre part, pour calculer le préjudice net.
II-A / Exemple retenu en présence d’une société cédée non membre d’un groupe fiscal.
Afin d’analyser les incidences d’une rédaction d’une clause fixant le quantum du préjudice, nous avons pris un extrait d’une convention de garantie de passif et d’actif conclue entre des parties dans lequel nous avons inséré nos commentaires. “Le montant du dédommagement solidairement dû par les Vendeurs devra couvrir l’intégralité du préjudice supporté par l’Acquéreur sur le prix des Parts Sociales en application de l’article 2.2, et cette indemnisation qui vaudra réduction de prix, sera versée au choix de l’Acquéreur, soit à son bénéfice, soit à titre de stipulation pour autrui à la Société pour la part du préjudice net supporté par cette dernière.”
Commentaire : Nous avons ici clairement une clause de révision de prix et, de façon classique, l’indemnisation ne devrait pas excéder le prix de cession.
“Pour la détermination du montant net du préjudice supporté par la Société, et/ou l’Acquéreur, il sera tenu compte des éléments suivants :
a) Tout préjudice sera déterminé pour son montant à la date à laquelle l’évènement garanti qui en est la cause aura été effectivement réparé par les Vendeurs, en ce compris toutes pénalités et intérêt de retard;
b) Aucune somme autre qu’au titre des intérêts de retard ou pénalités ne sera due par les Vendeurs au titre de redressements fiscaux aboutissant à un simple transfert de revenu ou de charge d’un exercice sur un autre et n’engendrant aucun coût fiscal supplémentaire pour la Société par rapport à celui qu’elles auraient supporté en l’absence d’un tel redressement; en ce cas, la somme sera limitée au montant des intérêts et pénalités, et à la différence de taux d’imposition à l’impôt sur les sociétés et contributions additionnelles entre l’exercice redressé et le ou les exercices de constatation fiscale de la charge”.
Commentaire : Dans ce paragraphe, les rédacteurs ont traité ce que le jargon des fiscalistes qualifie d’écarts temporaires. Vous observerez que la question de la participation des salariés n’est pas envisagée. Sans doute, la société cédée comprend moins de 50 salariés et n’a pas mis en place volontairement un tel régime. La question des impacts fiscaux autres que l’impôt sur les sociétés est traitée par le terme “et n’engendrant aucun coût fiscal supplémentaire pour la Société par rapport à celui qu’elles auraient supporté en l’absence d’un tel redressement.”
c) “Pour le calcul du préjudice, il sera tenu compte des atténuations définitives de charges et de tout avantage réellement encaissé par la Société, au plus tard à la date de mise en jeu de la garantie pour le préjudice dont il s’agit et notamment, des éventuelles provisions et passifs y afférent figurant dans les Comptes de Référence et devenus sans objet ou dont la Société a obtenu décharge ou qui étaient supérieurs aux décaissements effectifs de la Société, de l’indemnisation perçue en vertu des polices d’assurance souscrites par la Société.”
Commentaire : Cette disposition vise à s’assurer que le préjudice subi par la société cédée soit net des gains liés à ce préjudice.
d) “Il sera tenu compte également de la déductibilité éventuelle de la charge résultant du préjudice garanti au regard de l’impôt sur les sociétés effectivement acquitté au titre de l’exercice où cette charge sera comptabilisée.”
Commentaire : Cette disposition pose le principe d’un montant du préjudice net d’impôt sur les sociétés. Il conviendra de se référer à la définition donnée dans le contrat si la contribution sociale (3,3%) et la majoration exceptionnelle de 5% sur l’impôt sur les sociétés sont inclues.
II-B / Notion de préjudice net en présence d’un acquéreur soumis à l’IS et d’une société cédée soumise à l’IS
Dans le cadre d’une garantie stricto sensu, le plus généralement, l’indemnisation est calculée sur la base d’un préjudice net. Encore faut-il déterminer qui subit le préjudice. Le plus souvent, il est dit que l’indemnisation est nette des impacts fiscaux au niveau de la société cédée. Ainsi, comme nous l’avons vu plus haut si la charge est déductible, l’indemnité est de 66,67% de celle-ci, si la charge est non déductible l’indemnité est de 100%.
Si le bénéficiaire est l’acquéreur : il reçoit un montant pour lequel il est taxé. Le solde net de son indemnisation est donc de 66,67% – 22,23% soit : 44,44% (ou 66,67% si la charge n’était pas déductible). Si le bénéficiaire est la société cédée : force est de constater que le montant nette indemnisée est de 44,44% si la charge est déductible ou 100% si l’indemnité couvre des charges non déductibles (indemnité non taxable).
Face à ces différentiels préjudiciables aux personnes indemnisées, certains rédacteurs ajoutent des clauses dites de “Gross up”. Cette pratique, connue également dans le cadre de la rémunération des expatriés ou impatriés, vise à ce que l’acquéreur ou la société cédée touche une indemnisation du préjudice net d’impôt sans supporter le coût fiscal lié à la perception de ladite indemnité. Si nous reprenons nos exemples :
L’acquéreur : en application de l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 Avril 1981 précité, il sera taxé sur cette indemnité. Si nous prévoyons une clause de “Gross up”, il touchera 100% du préjudice avant impact de l’impôt.
La société cédée : l’indemnité est taxable sauf lorsqu’elle vise à indemniser des charges non déductibles. Par suite, un “Gross up” doit être envisagée. Dans les deux hypothèses (charges déductibles ou non déductibles) cela correspondra à 100% de la charge avant l’impact de l’impôt.
III / Incidence du régime de l’intégration fiscale
Plusieurs questions se posent lorsqu’un Groupe fiscal intégré cède une société filiale intégrée ayant contribué au résultat par des déficits. En effet, la filiale sort du Groupe fiscal sans les déficits qu’elle a réalisés durant sa période d’intégration. Ceux-ci restent la propriété de la société mère intégrante. Cette situation donne lieu en principe à une indemnisation de ladite filiale.
III-A / Indemnisation de la filiale pour les pertes de ces déficits
A l’instar de nombreux groupes, la convention d’intégration fiscale pose, généralement, le principe d’une indemnisation dans la convention d’intégration et remet à plus tard les modalités de détermination de son montant. Maintenant que la jurisprudence a posé le principe de l’absence de taxation de l’indemnité couvrant une charge non déductible, le versement de celle-ci n’est plus, au plan fiscal, un enjeu de discussion. Parfois, la filiale n’est pas indemnisée de cette perte, la négociation du prix convenu par les parties intégrant le fait que la société cédée est sans report déficitaire. Dans cette hypothèse, le conseil du cédant demande à établir un avenant à la convention d’intégration passée entre la société mère et la filiale prévoyant que celle-ci renonce à toute indemnité. En droit des sociétés, cette renonciation pose une question relative à la normalité de la décision de gestion prise par le dirigeant. Quelle que soit la solution retenue (subventions, augmentation de capital, aucun versement), elle aura nécessairement un impact sur le calcul du quantum de l’indemnisation.
III-B / Calcul du quantum de l’indemnisation liée à la convention de la Garantie d’actif et de passif
A titre liminaire, il convient de rappeler que, durant la période au cours de laquelle la filiale cédée a été membre du groupe fiscal intégré, c’est la société mère qui a été le redevable légal de l’impôt sur les sociétés. La filiale contribuant à la charge de l’impôt en fonction de son résultat fiscal. En cas de sortie d’une de ses filiales, la société mère reste redevable de l’impôt sur les sociétés au titre des propositions de rectification acceptées et des éventuels rappels consécutifs à des rectifications opérées sur la période au cours de laquelle la société cédée est membre de son groupe fiscal intégré. Ainsi, en présence d’une société filiale qui a été bénéficiaire durant sa période d’intégration visée par la garantie d’actif et de passif, les modalités de calcul de l’indemnisation ne devraient pas, à notre avis, changer par rapport aux règles communes. La question du “Gross up” non plus, étant observé qu’il serait fait une compensation entre l’impôt qui aurait été dû par la filiale à sa société mère si elle avait continué à être membre du groupe fiscal et l’impôt supporté par la société mère.
En présence d’une filiale déficitaire, deux hypothèses doivent être envisagées :
La filiale a été indemnisée ou réputée indemnisée par les parties : dans cette hypothèse, le quantum du préjudice doit être calculé net d’un impôt virtuel. La question du “Gross up” devrait, à notre avis, être éliminée. En effet, l’indemnisation de la perte des déficits a couvert, selon nous, cette charge que ce soit à hauteur de l’acquéreur ou à hauteur de la société cédée. On observera que certaines rectifications fiscales, qualifiées d’écarts temporaires, génèrent à terme des économies d’impôt pour la filiale. Par suite, dans le cadre des négociations de la convention de garantie, le Cédant demandera une compensation avec d’autres passifs constatés au cours de la même période. Il conviendra de s’attacher, dans la rédaction de la clause relative aux incidences fiscales, à anticiper ces hypothèses.
La filiale n’a pas été indemnisée ou est réputée ne pas l’être : comme précédemment, le quantum du préjudice doit être calculé net d’un impôt virtuel. En revanche, il y aura lieu de prévoir le “Gross up” sur le montant de l’indemnité versé. On pourra également prévoir, de compenser le “Gross up” avec les économies d’impôt à venir sur les écarts temporaires.
Lors de l’acquisition d’un groupe fiscal intégré, l’acquéreur peut, en fonction de son statut, avoir plusieurs options :
• Absorber immédiatement la société mère intégrante et faire rentrer l’ancien Groupe dans le groupe fiscal existant pour élargir immédiatement son groupe fiscal;
• Attendre l’exercice suivant pour élargir son groupe fiscal;
• Ne pas intégrer ce groupe immédiatement ou l’année qui suit.
Selon les décisions qu’il va prendre, les calculs du quantum du préjudice ou de son droit à compensation seront différents. Nous ne prendrons que deux exemples pour montrer la complexité de la question.
1 / Une filiale a provisionné une créance sur sa société soeur. Elle a qualifié cette provision de déductible. Au niveau du résultat d’ensemble, cette provision a été neutralisée. La filiale est vérifiée après cession et l’administration conteste la déductibilité de cette provision.
Si nous sommes dans les deux premières options, il n’y a aucun impact fiscal puisque cette provision a été neutralisée au niveau du résultat d’ensemble et lorsqu’elle sera reprise, elle ne générera aucun impact fiscal pour l’acquéreur. Si nous sommes dans la troisième hypothèse (absence d’intégration), il n’y a pas d’impact fiscal au nom de l’ex société mère intégrante puisque cette provision a été neutralisée dans le cadre de la détermination du résultat d’ensemble à l’époque de sa dotation. En revanche, lorsque la provision sera reprise, elle ne sera pas taxable au niveau de la filiale.
2 / Le groupe fiscal acquis est déficitaire. Selon les options retenues par l’acquéreur quel montant du déficit peut-il être garanti par le cédant ?
Dans la première option, un agrément fiscal doit être demandé. Dans cette hypothèse, si la mère intégrante était une holding, une quote-part des déficits provenant de cette activité de holding ne pourrait pas être transférée (CAA Douai 8 Mars 2011 n° 09DA00967 Numericable SJ éd. Entreprise n°38 -1678 commentaires critiques par Roland Poirier). Dans la seconde option, comme pour la première, du fait de l’option pour la base élargie, les déficits du Groupe provenant des sociétés ayant quitté le groupe ne sont pas à retenir. Dans la troisième option, les déficits du groupe deviennent ceux de l’ancienne mère intégrante imputable sur son activité au jour de la cessation dudit groupe.
Nous pourrions multiplier les exemples. Par suite, il paraît nécessaire aux rédacteurs de connaître la stratégie fiscale de l’acquéreur dans le cadre de l’acquisition d’un groupe fiscal intégré et de prendre celle-ci comme base pour la rédaction de la convention de garantie et plus particulièrement pour en fixer quantum.
En conclusion, il nous semble que, dans le cadre de la cession de sociétés, le régime fiscal des sommes versées au titre des conventions de garantie de passif et d’actif n’est pas, en réalité, définitivement établi comme nous pourrions le penser pour les professionnels ayant inscrit leur participation à l’actif de leur patrimoine professionnel ou les sociétés cédantes soumises à l’IS à la différence des personnes physiques non professionnelles cédantes. De plus, les modalités de calcul du quantum de l’indemnisation nécessitent, in fine, une analyse plus fine des impacts fiscaux pour le bénéficiaire de l’indemnité. Dans le cadre d’une cession d’un groupe fiscal intégré déficitaire, les rédacteurs doivent, à notre avis, prendre en compte la stratégie fiscale de l’acquéreur et, surtout, ne pas oublier les indemnisations consécutives à une sortie de groupe fiscal intégré. Cela ne simplifiera pas la rédaction des conventions de garantie de passif et d’actif mais, comme la Cour de Cassation n’en retient qu’une lecture littérale de celles-ci, une collaboration, si elle n’est déjà pas présente entre les rédacteurs et les fiscalistes, s’impose nécessairement.