Euratech Talks, discussion sur le «Commerce for good»
Les incubés de Blanchemaille partagent les clés d'une vente plus responsable
La mode éthique peine à trouver ses fidèles. Comment convaincre les consommateurs d'abandonner la fastfashion pour des alternatives plus respectueuses de la planète et des salariés ? Deux incubés de Blanchemaille by EuraTechnologies, fondateurs de La Vie est Belt et Greendy Pact, partagent les clés de leur réussite, entre concepts ludiques et storytelling.
Dans l'antre des anciens locaux de La
Redoute, la mode fait indéniablement partie de l'ADN de
Blanchemaille par EuraTechnologies. Cet incubateur-accélérateur,
principalement dédié au retail digital, a organisé une visioconférence sur le thème «Commerce for good».
«Vouloir faire du 'good', produire en respectant certaines
valeurs, c'est bien. Mais pour faire tenir l'équation, il faut aussi
savoir vendre», concédait Samuel Tapin, directeur du campus,
en guise d'introduction.
Défi relevé par Hubert Motte, fondateur de La vie est Belt, et Camille Courmont, fondatrice de Greendy Pact, qui ont raconté leurs débuts pour inspirer les futurs entrepreneurs prêts à se lancer.
A la recherche de belles histoires
Tous deux l'ont constaté, le storytelling est à soigner lorsqu'il s'agit de séduire un client. Le consommateur est prêt à payer un accessoire plus cher, ou à simplement tester une nouveauté, si l'histoire derrière le produit lui plaît, ou s'il peut s'identifier dans la démarche.
Hubert Motte semble rodé à ce sujet. Incubé à Blanchemaille en 2018, son projet s'est d'abord fait connaître grâce aux journaux locaux, puis à la télévision, lors d'une participation à l'émission Qui veut être mon associé ?, sur la chaîne M6. Ancien ingénieur Produit textile pour Decathlon, il rappelle la genèse de sa marque : «J'aimais l'environnement dynamique de l'entreprise dans laquelle je travaillais. Mais j'étais moins en phase avec l'impact écologique et social de la production de tee-shirts à bas coût en Asie. J'ai donc voulu continuer de créer des accessoires de mode dans un schéma de production plus vertueux. Il y a tant de gens au chômage à aider dans le Nord, et tant de déchets à exploiter...» Ainsi naît La Vie est Belt, qui, à l'origine, n'est qu'une collection de ceintures confectionnées à bases de pneus usés, transformés par des personnes en atelier d'insertion. C'est cette aventure, racontée à qui veut l'entendre, qui séduit l'acheteur avant même qu'il puisse voir l'article. «Nos consommateurs ont envie d'histoires qui font du bien», remarque le fondateur.
Camille Courmont, elle aussi, a une
histoire par laquelle tout client peut se sentir concerné :
«Pour créer Greendy Pact, je suis partie de mon vécu. Je
consommais des articles de mode quotidiennement dans des boutiques de
moyenne gamme... En prenant du recul sur mon comportement, j'ai voulu
me tourner vers des plateformes de revente ou des friperies pour
continuer d'acheter en adoptant une démarche plus responsable. Mais
ce n'était ni rentable ni à mon goût. Je me suis demandé comment me faire plaisir et renouveler mon dressing en limitant mon
impact.»
Jouer avec sa clientèle
La solution, l'entrepreneuse l'a
trouvée dans les techniques de gamification. Car le jeu est un
second moyen de convaincre un consommateur de changer ses habitudes.
Greendy Pact est une boutique phygitale ayant recours à une monnaie
virtuelle bien particulière : le «greendy». Le client vient en
boutique physique pour troquer des vêtements et enregistrer ses
échanges en ligne. Un vêtement équivaut à un greendy, quel que
soit sa catégorie ou son prix d'origine. «Le but est de revenir
à une approche utilitaire du vêtement. Seuls les manteaux valent 3
greendies», explique Camille Courmont. L'existence d'une boutique
dans le centre de Lille permet au consommateur de choisir ses
vêtements et l'incite à participer. «Cela évite aussi les coûts
de livraison et l'impact écologique de l'envoi. Ainsi, un échange
de vêtement équivaut en moyenne à 5 000 litres d'eau préservés.
Sur son application, chaque consommatrice peut comptabiliser le
nombre de litres économisés depuis le début de son utilisation, et
ça aussi, ça motive.» En un an, 12 000 pièces ont été
déposées.
Le jeu fait aussi partie intégrante de La Vie est Belt. Car le client ne sait jamais exactement quel modèle il recevra une fois sa commande passée. Après le succès de ses ceintures, Hubert Motte a décidé de créer des caleçons, cousus à Roubaix, à base de chutes de tissus. «Le consommateur commande un caleçon ou une ceinture mais ne sait pas exactement ce à quoi le produit ressemblera, quel sera le motif, car nous faisons en fonction de la matière que nous avons en stock, détaille le fondateur. C'est risqué, Mais c'est aussi ce qui attire le client : ce côté original, artisanal, authentique.» Plus que la conscience écologique, le plaisir des concepts ludiques, qui relèvent de l'expérience, serait alors le secret pour faire bouger les lignes.