Les Groenlandais votent dans l'ombre de Trump

Les Groenlandais votent mardi dans des législatives susceptibles de déboucher sur un début de calendrier menant à l'indépendance, un scrutin marqué par les sorties de Donald Trump qui convoite l'île...

Carte montrant le Groenland, les Etats-Unis et le Danemark © Valentina BRESCHI
Carte montrant le Groenland, les Etats-Unis et le Danemark © Valentina BRESCHI

Les Groenlandais votent mardi dans des législatives susceptibles de déboucher sur un début de calendrier menant à l'indépendance, un scrutin marqué par les sorties de Donald Trump qui convoite l'île arctique avec une insistance parfois menaçante.

Convaincu de pouvoir s'emparer "d'une manière ou d'une autre" du territoire autonome danois, le président américain a tenté jusqu'à la dernière minute de peser sur les élections, provoquant stupéfaction, rejet et, plus rarement, enthousiasme parmi les 57.000 habitants.

Après avoir patienté dans une longue file d'attente, le Premier ministre sortant du Groenland, Mute Egede -- dont c'est le 38e anniversaire --, a voté peu après l'ouverture du bureau de vote de Nuuk, la capitale. 

"Notre pays se trouve dans l'œil du cyclone", a-t-il lancé lundi dans une vidéo sur Facebook.  

"Le monde extérieur nous regarde de près et nous avons vu récemment à quel point ils essaient d'influencer notre pays", a ajouté le chef du parti Inuit Ataqatigiit (IA, gauche écologiste).

Le vote qui vise à renouveler les 31 sièges de l'Inatsisartut, le Parlement local, clôturera à 20H00 (22H00 GMT), les résultats étant attendus dans la nuit.

Pendant la campagne, il a été beaucoup question de santé, d'éducation, d'économie et des liens futurs avec le Danemark qui continue d'exercer les fonctions régaliennes (diplomatie, défense, monnaie...) sur l'île.

L'indépendance oui, mais à quel prix?

A près de 90% inuits, les Groenlandais déplorent avoir été traités historiquement comme des citoyens de second rang par l'ex-puissance coloniale accusée d'avoir étouffé leur culture, procédé à des stérilisations forcées et retiré des enfants à leurs familles. 

Un sentiment renforcé par la diffusion récente à la télévision publique danoise d'un documentaire - critiqué et finalement retiré - affirmant que le Danemark avait tiré d'énormes bénéfices de l'exploitation d'une mine de cryolite sur l'île, pourtant souvent présentée comme un fardeau financier.   

A l'image de l'immense majorité de la population, les principaux partis groenlandais souhaitent tous l'indépendance, mais ils divergent sur le calendrier.

Certains la veulent rapidement comme les nationalistes de Naleraq, principale force d'opposition, tandis que les autres, comme les deux composantes de la coalition sortante, IA et Siumut (sociaux-démocrates), la conditionnent aux progrès économiques du Groenland.

Recouvert à 80% de glace, le territoire est économiquement dépendant de la pêche, qui représente la quasi-totalité de ses exportations, et de l'aide annuelle d'environ 530 millions d'euros versée par Copenhague, soit 20% du produit intérieur brut (PIB) local.

Pour les indépendantistes les plus impatients, le Groenland pourra voler de ses propres ailes grâce à ses ressources minérales. 

Mais le secteur minier reste pour l'heure ultra-embryonnaire, plombé par des coûts d'exploitation élevés.

"Nous sommes à l'aube d'un changement énorme pour l'indépendance du Groenland et la lutte pour qui nous sommes en tant qu'Inuit", a déclaré à l'AFP l'influenceuse Qupanuk Olsen, candidate de Naleraq, avant de glisser son bulletin.

Polarisation accrue

Après avoir déjà lancé l'idée d'acheter le Groenland durant son premier mandat, s'attirant une fin de non-recevoir des autorités danoises et groenlandaises, Donald Trump martèle ces derniers mois sa volonté de mettre la main - sans exclure la force - sur le territoire jugé important pour la sécurité américaine.

Dans la nuit de dimanche à lundi, il a de nouveau promis, sur son réseau Truth Social, sécurité et prospérité aux Groenlandais qui souhaiteraient faire partie des Etats-Unis.

Selon un sondage paru en janvier, quelque 85% des Groenlandais excluent cette éventualité.

"Ils ne peuvent pas nous posséder", indique Aka-Mark Thor-Møller, un comptable de 28 ans. La date souhaitable pour l'indépendance? "Aussi tôt que possible mais pas maintenant. Nous devons d'abord planifier notre développement économique".

Les déclarations de Donald Trump, qualifié d'"imprévisible" par le Premier ministre groenlandais, ont pesé sur la campagne électorale.

Les nationalistes de Naleraq voient dans l'intérêt américain pour l'île un levier dans de futures négociations avec le Danemark.

Mais ces sorties refroidissent aussi parfois les ardeurs indépendantistes et incitent au maintien des liens avec Copenhague, au moins pour l'instant. 

"Rester avec le Danemark est plus important que jamais en ce moment parce que je pense que le Danemark a été principalement bon envers nous", affirme un électeur qui s'identifie comme Ittukusuk. "Si nous devenons indépendants, Trump pourrait devenir trop agressif, c'est ce qui me fait peur".

Pour les analystes, l'immixtion de Donald Trump dans la campagne contribue à polariser le débat, renforçant chacun dans ses convictions, mais ne devrait pas influer sur l'issue du scrutin.

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