Régis Cao, directeur général de WeBulk : «les grandes marques aussi s'interrogent sur la «vracisation» de leurs produit…
WeBulk, qui met en relation épiceries spécialistes du vrac et petits producteurs bio, a connu un démarrage foudroyant. Le signe de la vitalité d'un secteur encore très petit, où beaucoup reste à inventer, mais que surveillent déjà de près les grands distributeurs.
Quels services rend votre plateforme ?
WeBulk a démarré en septembre 2020. Aujourd'hui, l'entreprise occupe une dizaine de personnes. Il s'agit d'une marketplace qui met en relation des épiceries de vrac indépendantes et de petits producteurs. Elle se pose en tiers de confiance entre eux, avec des critères d'évaluation très stricts. Le projet a été imaginé par deux pionniers du vrac, Sébastien Becker, qui a notamment fondé une entreprise de menuiserie spécialiste des aménagements pour les boutiques de vrac, et Gérard Bellet, fondateur de Jean Bouteille. Ils souhaitaient encourager le commerce de proximité et le bio. Alors, pour faciliter l'approvisionnement des petites épiceries, ils ont conçu WeBulk. Notre entrepôt est basé en Bourgogne. Nous y recevons les stocks des producteurs et nous traitons les commandes des épiceries, puis, nous leur expédions les produits. Nous avons beaucoup de clients dans l'Ouest, en Bretagne, Normandie et Pays de la Loire, où le vrac est très dynamique, mais nous sommes présents dans presque tous les départements. Au total, nous proposons 2 000 références dans différents domaines, produits alimentaires secs, boissons, cosmétiques, détergents, accessoires zéro déchet... Nos meilleures ventes : huile d'olive, biscuits et liquide vaisselle en bidons de 10 litres.
En quelques mois, vous avez gagné 300 clients et réuni 100 fournisseurs. Comment expliquez-vous ce démarrage très rapide ?
Nous aidons deux mondes très fragmentés à se rencontrer. Souvent, les personnes qui ouvrent des épiceries zéro déchet sont dans une démarche de reconversion professionnelle ; elles ont envie d'apporter leur contribution à la société. Ce ne sont pas nécessairement des pros de la distribution ! Elles ont besoin de solutions simples. Et à l'exception des produits frais, pour lesquels elles travaillent avec des producteurs locaux, il leur faut aussi trouver des fournisseurs. Or, ceux-ci ne sont pas organisés en réseau. Il s'agit en général de très petites entreprises, par exemple des artisans savonniers, des petits fabricants de pâtes, comme «Le Champ des 1 000 pâtes», ou parfois, aussi, des coopératives agricoles un peu plus importantes. Notre site leur permet de se rendre visibles auprès des épiceries, sans être obligés de créer un site Internet. Toutefois, nous avons été surpris d'atteindre 300 clients en moins d'un an ! Cela veut dire qu'il existe une demande, que le marché se développe. Au début, les magasins de vrac se sont implantés dans les centres-villes, portés par un phénomène de «boboïsation» de la consommation, mais aujourd'hui, ils se développent partout, en province, dans les petites villes, avec des camions sur les marchés...
Quels sont vos objectifs pour 2021 et comment voyez-vous l'avenir du vrac ?
À court terme, nous voulons ouvrir une base logistique à l'Ouest, puis, à terme, quatre ou cinq autres sur le territoire. Pour l'instant, si un produit breton est vendu à une épicerie bretonne via WeBulk, il passe par la Bourgogne : c'est un point à améliorer... Notre autre objectif consiste à créer une supply chain zéro déchet. Le principe : utiliser des contenants réutilisables pour livrer les épiceries. Une fois que celles-ci les ont vidés de leur contenu, ils sont nettoyés et réutilisés. Cette année, nous avons réalisé une expérimentation à Paris, avec Réseau Vrac, une dizaine d'épiceries et une start-up, Petrel. Nous sommes en train d'évaluer les résultats, sur le plan écologique et économique. Aujourd'hui, il reste beaucoup de domaines à explorer dans le vrac : technique, marketing, hygiène... Des fabricants inventent de nouveaux produits, comme le dentifrice solide. Jean Bouteille a inventé un dispositif pour distribuer en vrac des produits pâteux, comme la confiture. Et les grandes enseignes et les grandes marques aussi s'interrogent sur la «vracisation» de leurs produits. Si le marché continue de se développer, cela va devenir un enjeu aussi pour elles...
Propos recueillis par Anne DAUBRÉE