Les Français protègent peu leurs données personnelles
Les scandales se succèdent mais les réseaux sociaux font désormais partie du quotidien des Français. Alors, ces derniers ont beau juger leurs données personnelles précieuses, ils font peu pour les protéger, montre un récent sondage OpinionWay.
En matière de données personnelles sur Internet, le réel clivage est générationnel et non social. Le 11 juillet, un sondage sur : «Les Français et le scandale des données personnelles», réalisé par l’institut OpinionWay, pour Dolmen, société de marketing, était présenté à la presse, à Paris. L’étude a été menée en ligne auprès d’un millier de personnes au mois de juin, les «données personnelles» étant définies au sens large. À première vue, il règne un large consensus social à propos des données personnelles sur Internet : plus de neuf Français sur dix jugent ces données précieuses et qu’il faut les protéger. Car le danger, pour presque autant de Français, ce sont les géants de l’Internet, vus comme des prédateurs de ces données. «Le constat est massif», confirme Frédéric Micheau, directeur des études du département opinions, chez OpinionWay. Autre tendance lourde, pour 78 % des sondés ces données personnelles ont un prix, «avec l’ambivalence que contient ce mot prix, valeur personnelle et valeur marchande», pointe Frédéric Micheau. A contrario, toutefois, 29 % des Français considèrent que les données personnelles ne leur appartiennent pas, une proportion qui monte à 34 % dans les catégories populaires. Globalement, toutefois, «il y a un seul clivage, c’est celui générationnel», commente Frédéric Micheau. Ainsi, les 18-24 ans sont nettement moins préoccupés et moins sensibles à la protection des données personnelles que les autres tranches d’âge. Par exemple, les trois quarts seulement d’entre eux considèrent qu’elles devraient être mieux protégées, contre 92 % des 35 à 49 ans. A contrario, 34 % estiment qu’elles ne leur appartiennent pas, contre 30 % des 35-49 ans et 26 % des 65 ans et plus. Pour Michael Stora, psychanalyste et cofondateur de l’OMNSH, Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, cette tendance n’est pas surprenante : elle témoigne d’un clivage entre des générations, celles qui étaient «dans la culture du : vivons bien, vivons cachés», et la nouvelle, «une génération de la transparence, qui, d’emblée, a été habituée à s’exhiber de façon décomplexée.»
Problèmes de confidentialité non rédhibitoires
Autre constat de l’étude : «61% des Français ont perdu confiance dans l’honnêteté des acteurs de l’Internet», suite aux différents scandales, comme lorsque Facebook a laissé d’autres entreprises accéder aux données personnelles de ses utilisateurs. Pour parer à cette menace, chez les Français, «un seul acteur se détache, c’est eux-mêmes. Ils ne font confiance à personne (…) ils sont un peu désemparés», note Frédéric Micheau. De fait, plus de la moitié des sondés se désignent eux-mêmes comme les plus aptes à protéger leurs données, très loin devant tous les autres acteurs : 32 % mentionnent les pouvoirs publics, 25 % les fournisseurs d’accès, 22 % leur propre banque et 17 % l’Union européenne. Sur ce thème aussi, les jeunes se distinguent : au sein des 18-24 ans, 38 % seulement se considèrent comme la meilleure protection de leurs données, et ils sont 25 % à évoquer l’Europe. Seraient-ils mieux renseignés sur les actions menées par l’UE, notamment avec la mise en place du règlement RGPD, (Règlement général sur la protection des données) ? D’une manière générale, 56 % des sondés se déclarent insatisfaits des actions engagées par les pouvoirs publics, et 2 % seulement, très satisfaits. Mais, 11 % des Français n’ont jamais entendu parler des actions publiques, un taux qui grimpe à 18 % chez les 18-24 ans. Quant aux initiatives que les sondés prennent eux-mêmes pour contrer les menaces, elles demeurent limitées : 53 % indiquent avoir sensibilisé leurs proches, 41 % lu les textes concernant la politique de confidentialité des sites, 37 % avoir boycotté les applications et sites concernés, et 20 % ont réduit leur temps passé sur Internet. Ces affirmations, déjà statistiquement minoritaires, ne relèvent que du déclaratif, et doivent donc probablement être encore minorées… «Cela dit à quel point Internet est rentré dans les mœurs des Français. Et aussi que les problèmes de confidentialité ne sont pas jugés rédhibitoires», analyse Frédéric Micheau. «Beaucoup de gens se sentent seuls derrière leur écran. ( …) Quitter les géants des GAFA va bien au-delà d’une démarche rationnelle, cela recouvre des dimensions très affectives», complète Michel Stora. Pour 52 % des sondés, seules des amendes réellement dissuasives pourraient éviter le renouvellement de scandales. Une politique publique réellement contraignante pourrait donc leur redonner confiance dans les pouvoirs publics, comme rempart aux excès des GAFA.