Les experts-comptables, une profession en pleine mutation qui s'interroge

Deux cent-vingt experts-comptables et experts-comptables stagiaires se sont retrouvés à Chantilly pour une journée de réflexion et d’échanges placée sous le thème des "Perspectives économiques". Quel(s) rôle(s) l’expertcomptable peut-il jouer, tant auprès des entreprises que des particuliers dans un contexte de crise ?

Claude Deruelle, Président de l’Ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes.
Claude Deruelle, Président de l’Ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes.

 

Une salle très attentive lors du long exposé de Christian de Boissieu.

Une salle très attentive lors du long exposé de Christian de Boissieu.

C’est un programme particulièrement chargé qui attendait les experts-comptablesde la région Picardie-Ardennes le 21 septembre dernier, lors de leur assemblée générale organisée dans le cadre prestigieux de l’hippodrome de Chantilly. Entre échanges de vues sur une profession en plein devenir, conférence de haut vol et débats nourris, les nombreux participants n’ont guère eu le temps de souffler. Joseph Zorgniotti, président d’honneur du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, devait aborder dans l’après-midi l’actualité de la profession, avant la remise du prix du meilleur mémoire à Laëtitia Bilbault, jeune expert-comptable de Compiègne (titre du mémoire : “Le familybuy out : une technique innovante pour la transmission d’entreprises familiales, une source d’opportunités pour l’expert-comptable”), et les médailles de la profession. Plus de deux cents membres– dont des expertscomptables stagiaires –de l’ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes, avaient répondu présent à l’appel de leur président, Claude Deruelle. « Un chiffre de participation très élevé », reflétant les interrogations d’une profession aux avantpostes de la crise économique et financière puisqu’elle accompagne au quotidien et sur le terrain une multitude de chefs d’entreprise. Le thème choisi pour cette journée de réflexions et d’échanges,”Perspectives économiques, confiance et finances : quel rôle à jouer pour l’expert-comptable ?”, illustrait du reste ces préoccupations.

Il faut tendre vers une épargne simplifiée
En fin de matinée, Christian de Boissieu, universitaire et économiste français, spécialiste de questions monétaires et bancaires, consultant auprès de la Banque mondiale et de la Commission européenne, chroniqueur pour Le Figaro, le Financial Times et une multitude d’autres médias, livra son ana-lyse de la situation économique entre crise grecque et pacte budgétaire européen,avant de revenir à des problématiques plus hexagonales. « Les défis de la rentrée seront les finances locales, répondit-il à une question posée dans l’assemblée.Vous allez peut-être le constater: il y aura moins de marchés locaux à glaner pour vos clients», plaidant dans la foulée pour une « épargne simplifiée » et non « 36 produits financiers ». «Hier, on ne parlait pas de croissance à 0,3%, expliquait un peu plus tard Claude Deruelle, en aparté, les repères ont changé. Nous sommes des chefs d’entreprise au sens large du terme, des vigies qui donnent l’alerte lorsque les voyants sont au rouge. La grande nouveauté dans ce métier, c’est que l’expert-comptable est devenu le DRH des TPE. »L’expertise-comptable, un métier qui a su accompagner les mutations sociales et économiques de notre société et sortir de soncostume étriqué de gendarme des comptes. Avec un nouveau rôle social plutôt méconnu que le président de l’ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes s’enorgueillit d’avoir joué très tôt. «Mon cabinet a été le premier à créer un service social voici

Claude Deruelle, Président de l’Ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes.

Claude Deruelle, Président de l’Ordre des experts-comptables Picardie-Ardennes.

trente-deux ans,soulignait-il. Dans les petites entreprises, c’est l’expert- comptable qui s’occupe des contrats et non un avocat comme c’est le cas pour les grandes entreprises. Nous avons un rôle d’accompagnement : les banques demandent du prévisionnel et qui d’autre que l’expert-comptable est en mesure de leur répondre ? » La mission de conseil de l’expert-comptable est pourtant souvent négligée par certains chefs d’entreprise. Or, il est en réalité son premier partenaire : il se doit de l’assister dans ses prises de décisions stratégiques comme l’évaluation ou la cession d’un fonds de commerce, la pertinence d’un investissement ou d’un recrutement. « C’est l’homme de proximité, celui que l’entrepreneur interroge : que vais-je faire dans cinq ou dix ans ? », poursuivait Claude Deruelle.

Les experts-comptables veulent communiquer

Celui que l’entrepreneur interroge? Pas seulement, car cette profession régie par l’ordonnance du 19 septembre 1945 a connu une importante évolution avec les récents textes de 2011,permettant notamment une ouverture aux particuliers. L’expert-comptable peut désormais dispenser des conseils en gestion patrimoniale sans compter son temps – ou presque –, contrairement à une idée reçue que la profession s’emploie à combattre. « Nous avons entrepris un gros travail de communication depuis deux ans, poursuivait le président Deruelle, comme les 12 heures de conseil offertes par l’expert-comptable, une initiative nationale déclinée dans chaque région. Nous voulons communiquer sur le fait qu’un expert-comptable est capable de passer beaucoup de temps à écouter une personne afin de bien cerner sa situation pour ensuite mieuxla conseiller. » Sachez que les honoraires de ces super pros (huit années d’études tout de même) se situent autour d’une centaine d’euros de l’heure suivant la nature de leur intervention et du problème posé. Un petit investissementqui peut se révéler au final…très rentable.