«Les entreprises familiales fonctionnent mieux que les autres»

Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux entreprises familiales ?

Bertrand Louapre : L’idée de cet ouvrage est venue à l’occasion d’une fête des lauréats de Réseau Entreprendre il y a deux ans. Le président national du réseau avait l’idée de s’intéresser particulièrement à cette typologie d’entreprise. Du fait de mon parcours et de mon expérience, je me suis proposé pour le réaliser.

Vous avez été directement concerné par le sujet ?

J’ai été dirigeant dans une entreprise familiale où j’ai managé le rachat d’une entreprise consœur où le fils du fondateur ne souhaitait pas succéder à son père. Ensuite, au sein même de l’entreprise familiale, où j’étais salarié, le président a décidé de transmettre la majorité des actions à une vingtaine de ses cadres, dont je faisais partie. Quelques années plus tard, le jeu de valorisation des actions a conduit les repreneurs à céder l’entreprise à un concurrent. Au sein de Réseau Entreprendre Lorraine où j’ai été directeur, j’ai rencontré un candidat qui sollicitait l’accompagnement du réseau pour en racheter l’entreprise de son père et de son oncle. C’était aux prémices de l’accompagnement de Réseau Entreprendre en Lorraine, et nous avons estimé ne pas être en mesure d’apporter un appui significatif à ce candidat au motif qu’il bénéficiait déjà d’un accompagnement familial. Sans doute aurions-nous aujourd’hui approfondi la sollicitation et les besoins du repreneur. Avec ces expériences, j’ai vécu les particularités de l’entreprise familiale sans alors m’en rendre compte.

Comment avez-vous procédé ?

J’ai débuté par l’étude d’une centaine de documents (thèses, articles, rapport sur les entreprises familiales) mais pour comprendre pourquoi elles étaient différentes des autres. J’ai surtout rencontré une vingtaine d’entreprises familiales (*) et conduit des rendez-vous avec leurs dirigeants pour analyser les enjeux et comprendre les stratégies et ressources qui font la différence.

Quel est le poids des entreprises familiales en France ?

Aujourd’hui, 80 % des entreprises en France sont familiales et près de 60 % des salariés du secteur marchand (non financier, non agricole) y travaillent. Elles créent plus d’emplois que les autres entreprises avec la particularité d’être fortement ancrées dans leurs territoires. En cas de transmission, la préservation des emplois est meilleure lorsqu’il s’agit d’une transmission intrafamiliale plutôt qu’à un tiers.

Quelles sont les caractéristiques principales des entreprises familiales ?

Elles portent des valeurs fortes à savoir : le respect de l’humain, la préservation de l’environnement, la responsabilité sociétale et leur stratégie privilégie le long terme. Les entreprises familiales font de la RSE comme Mr Jourdain faisait de la prose. C’est dans leur ADN chez elles. Elles suscitent de la part de leurs parties prenantes, une grande confiance. Elles sont également plus sobres que les autres et prudentes en matière d’investissement.

Sont-elles plus performantes ?

Leur croissance est régulière. Elles fonctionnent mieux que les autres car leur stratégie de développement allie : système de management efficaces, des modèles économiques originaux, une agilité économique avec une diversification et une innovation soutenue du fait de leur structure où les prises de décisions sont rapides.

Un modèle à suivre pour les autres entreprises ?

À l’heure où la plupart des entreprises mettent en avant les valeurs qui structurent leurs actions où elles s’évertuent à décrire la responsabilité sociale et sociétale, le modèle des entreprises familiales est un terreau fécond pour développer de réelles valeurs d’entreprises et favoriser un développement véritablement durable.

(*) : Groupe Imi, Association familiale Mulliez, Groupe Giffard, Conserverie La Belle-Îloise, Gris Group, Groupe Maurel, Cognac Camus, Brasserie Meteor, Groupe Livio, Groupe Fayat, Groupe Tesson, Groupe Ragni, Groupe Dubreuil, Simone Pérèle, Les Thermes Marins de Saint-Malo.