Les enjeux de la modernité et du numérique
La Chambre interdépartementale est née de la volonté des notaires de rationaliser leur gouvernance régionale. Initialement constituée de deux chambres départementales (Nord et Pas-de-Calais) ainsi que d'un Conseil régional, l’idée était de restructurer l’organisation pour répondre aux nouveaux enjeux et défis économiques actuels.
Lors de l’assemblée générale de novembre 2016, une nouvelle Chambre est née. Composée de 27 membres (17 dans le Nord et 10 dans le Pas-de-Calais), dont 19 femmes et avec une moyenne d’âge de 38 ans, elle a son siège rue de Puebla à Lille. Nous avons rencontré son nouveau président, Éric Nonclercq, notaire à Arras, qui a accepté de nous confier ses premières réflexions.
La Gazette. Quels sont les enjeux de la nouvelle Chambre interdépartementale ?
Éric Nonclercq. C’est avant tout de renforcer notre collaboration avec les pouvoirs publics. Dans le cadre de la modernisation des services de la publicité foncière (appelés antérieurement Conservation des hypothèques), les notaires doivent publier les actes et verser de manière sécurisée les droits de mutation par un système informatique et numérique dénommé téléacte. Ce partenariat avec l’État nous a amenés à signer le 8 décembre une convention afin d’arriver à téléacter 100% des actes dès le début 2017, concrétisant ainsi la dématérialisation.
La réforme des services de l’État et du notariat ont pour objectif partagé de rendre un service public plus rapide et plus efficace. N’oublions pas que cette publicité est la garantie pour chaque propriétaire, après signature d’un acte authentique chez son notaire, d’avoir la certitude de sa qualité de propriétaire. Cette garantie ainsi que le paiement sécurisé des droits de mutation renforcent un secteur majeur de l’activité économique du pays qu’est l’immobilier. La crise de 2007 des subprimes a mis en relief la fiabilité et la solidité de notre système par rapport au système anglo-saxon. Ne perdons pas de vue que la Chine, le Viêtnam et bien d’autres pays s’inspirent de notre organisation. La Chambre interdépartementale facilitera les ajustements nécessaires pour répondre d’une seule voix aux enjeux de la publicité foncière. Ce lien transversal entre le notariat et l’administration est aujourd’hui impératif pour la réussite d’un service public efficace et moderne.
Vous êtes personnellement très sensibilisé aux nouvelles technologies. Comment la Chambre envisage-t-elle de les développer ?
La Chambre met l’accent sur ce développement et accompagne les offices qui ont plus de difficulté pour passer les caps incontournables. Le Conseil supérieur du notariat, notre ordre national, met en place et à notre disposition une multitude d’outils modernes pour servir les clients et pour que le notariat soit une interface efficace pour les services de l’État. La révolution numérique et technologique n’est qu’au début. Inévitablement seront développés des blockchains (technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle), des lieux de stockage, etc., qui bouleversent déjà notre organisation et le travail dans nos offices. Les algorithmes permettront à nos clients d’avoir des solutions par le Net. Les clients nous consulteront pour rechercher une plus-value, une confirmation, une autre vision ou approche. Ils auront à cœur de sécuriser leurs choix. Ainsi, la confiance, la sécurité, la conservation et le savoir seront au cœur de cette plus-value. C’est pourquoi la Chambre, avec l’appui du Conseil supérieur du notariat, accompagne d’une seule voix nos confrères dans le respect des règles régissant notre métier. Le parquet y veillera également. Contrairement aux idées reçues, les outils, soit nous les avons, soit sont en cours d’élaboration. La Chambre ne laissera pas véhiculer l’image balzacienne du notariat que certains veulent nous coller. Les notaires de la Compagnie s’adaptent parfaitement à ces nouveaux enjeux et ces nouvelles technologies.
Et le “zéro papier” annoncé ?
La Chambre souscrit à la nécessité du «zéro papier». Depuis bientôt dix ans, la profession s’est orientée vers la signature électronique. C’est une véritable réussite. Les actes authentiques sont visionnés par le client lors du rendez-vous, puis gardés à Venelles dans un lieu de stockage approprié. Comme indiqué précédemment, l’acte est ensuite téléacté (publié de manière dématérialisée). Bientôt le client pourra, à l’aide d’un code, accéder à son dossier. Imaginez l’économie de papier, de courriers, de déplacements… La Chambre met également en place la vidéoconférence. Par ailleurs, chaque confrère peut maintenant signer à distance sur tablette. Tous ces outils sont source de gain de temps, tout en évitant les déplacements pour le client et le notaire. La vidéo permettra également aux notaires et leurs collaborateurs de se former à l’étude, et ainsi de limiter les déplacements. Ces développements entraînent et facilitent une démarche écoresponsable. Nous sommes entrés dans l’authenticité durable.
Comment se caractérise la relation entre l’État et les notaires ?
Cette relation a pour but l’exercice d’un service public moderne. Il n’y a pas d’État fort et efficace sans la construction d’un service public réactif, coopératif entre l’administration et les acteurs du droit dans leur diversité. Ce n’est qu’à ce prix que nous établirons la sécurité de notre service et la confiance de nos clients. La Chambre, avec ses 502 notaires, a pour seul objectif de faire évoluer d’une seule voix ce service public. Même si des esprits chagrins médiatiquement écoutés verraient bien la profession glisser dans une profession unique où l’homme et la femme du droit seraient ce couteau suisse aux multiples fonctions. Nous nous efforcerons plus simplement, au sein de la Chambre, de renforcer au quotidien progressivement et efficacement le triptyque État, notaire et client dans ce lien sécurisé et de confiance nécessaire.
Quels sont les autres sujets sur lesquels vous êtes particulièrement attentif ?
Ils sont nombreux et multiples. Ainsi, un centre de médiation notarial composé exclusivement de notaires est né. La Chambre des notaires incite par des formations les confrères à favoriser la médiation. Quoi de plus naturel que de demander au notaire, professionnel du contrat, de favoriser la médiation ? Un Etat moderne passe par la déjudiciarisation − observez les pays du nord de l’Europe − par une collaboration entre ses services et le notariat dans ce lien transversal incontournable évoqué ci-dessus. La médiation est un maillon nécessaire favorisé par la réforme du droit des obligations.
Par ailleurs, la Chambre est munie d’outils en lien avec les confrères et l’instance nationale qu’est le Conseil supérieur du notariat. Un lieu de stockage (“data room”) et un site existent depuis plusieurs années. Nous mettons en place actuellement un intranet performant pour garantir avec plus d’efficacité le suivi de l’information et de la formation. Pour assurer cette rigueur et cette continuité, la Chambre est entrée dans une démarche de certification. La démarche est d’autant plus intéressante que les procédures ont déjà été mises en place dans le passé.
Un ou des projets particuliers ?
Nous accueillerons à Lille début septembre le congrès national sur le thème du patrimoine. Une trentaine de nationalités sera présente. Ces confrères étrangers, fervents représentants du droit continental, viennent pour échanger et proposer. La Chambre accueillera nos confrères roumains et vietnamiens avec lesquels nous avons un lien historique. Nous mettons l’accent sur un congrès écoresponsable, convivial et constructif. Tous les ans, la profession, à travers son congrès, est force de propositions législatives pour faire évoluer le droit mais aussi la technologie. Rappelons que le droit et la technologie deviennent indissociables et doivent être au cœur de la construction d’une société moderne, sécurisée, où règne la confiance. La Chambre va mettre tout en œuvre pour que cet événement soit une réussite pour notre représentation.
Encadré :
Chambre interdépartementale des notaires du Nord et du Pas-de-Calais
. Président : Éric Nonclercq (Arras)
. Vice-présidents : Stéphane Bruniau (Hersin-Coupigny) et Jean-François Ryssen (Seclin)
. 1er syndic : Anne Pringère (Liévin)
. 2e syndic : Daniel Gallet (Calais)
. 3e syndic : Franck Beauvalot (Lille)
. 4e syndic : Bernard Courdent (Hazebrouck)
. Rapporteur : Marie-Hélène Waquet (Saint-Omer)
. Chargée de déontologie : Caroline Lamiot (Chéreng)
. Chargée de communication : Anne-Sophie Hébert-Vidal (Lille)
. Secrétaire : Anne Dubois (Le Quesnoy)
. Secrétaire adjoint : Nicolas Pagniez (Douai)
. Trésorier : Christophe Singer (Pont-à-Marcq)
. Membres : Nathalie Loock (Lille), Géraldine Dartois (Carvin), Nathalie Couteau (Dunkerque), Laurent Dietsch (Douai), Isabelle Richez-Béal (Hardinghem), Emmanuelle Fossaert-Réquillart (Roubaix), Juliette de Parcevaux (Auxi-le-Château), Séverine Faviez-Fourmaintraux (Roubaix), Laure Géronnez (Saint-Omer), Florence Dehouck-Graux (Lille), Julie Fauquet (Dunkerque), Hélène Frémaux (Lille), Maxime Houyez (Béthune) et Marie-Christine Bataille-Sage (Valenciennes).