Les endeuillés s'expriment au procès de l'attentat de la basilique de Nice

Le Tunisien Brahim Aouissaoui, accusé d'avoir assassiné trois personnes dans la basilique de Nice le 29 octobre 2020, s'est de nouveau muré dans le silence mercredi, affirmant n'avoir "rien à dire" alors que s'exprimaient à...

Croquis d'audience de Brahim Aouissaoui lors de son son procès, le 10 février 2025 à Paris © Benoit PEYRUCQ
Croquis d'audience de Brahim Aouissaoui lors de son son procès, le 10 février 2025 à Paris © Benoit PEYRUCQ

Le Tunisien Brahim Aouissaoui, accusé d'avoir assassiné trois personnes dans la basilique de Nice le 29 octobre 2020, s'est de nouveau muré dans le silence mercredi, affirmant n'avoir "rien à dire" alors que s'exprimaient à la barre les proches des trois victimes.

Tour à tour, les deux filles de Vincent Loquès, le sacristain égorgé par Brahim Aouissaoui, les sœurs et les fils de Simone Barreto Silva, une mère de famille tuée de 25 coups de couteau et le mari de Nadine Devillers, une paroissienne décapitée avec un couteau de cuisine, ont dit devant la cour d'assises spéciale "la difficulté à vivre" des endeuillés.

Émilie, 28 ans, et Marjorie, 30 ans, les deux filles de Vincent Loquès, intervenant en visio depuis Nice, ont raconté avec pudeur "le deuil impossible" d'un père qu'elles chérissaient. "Je n'arrive pas à faire mon deuil", dit, les yeux rougis, la cadette devenue institutrice.

Marjorie, l'aînée, enceinte peu de temps après l'assassinat de son père, évoque son sentiment de culpabilité. "Je me sentais coupable de fabriquer la vie alors que j'avais perdu mon père, de mettre au monde un enfant dans un moment où on peut mourir dans un parc, dans un concert, dans une église", dit-elle. 

Simone Barreto Silva, une mère de famille franco-brésilienne de 44 ans, c'était "la joie de vivre... et cela nous a été retiré", disent à leur tour deux de ses sœurs, en pleurs.

C'est très courageux

L'émotion est à son comble quand le fils de 15 ans de Simone Barreto Silva s'approche de la barre. "Ma mère est décédée quand j'avais 10 ans", commence l'adolescent à l'allure très juvénile.

Il se tient bien droit face à la cour, décrit sa vie bouleversée, en larmes, tout en s'efforçant de rester digne. Des juges assesseurs se frottent les yeux.

Le président de la cour d'assises, Christophe Petiteau, tutoie le jeune témoin. "C'est très courageux de venir ici, il n'y a pas beaucoup d'adultes qui peuvent le faire. Je sais que toute ta famille pourra compter sur toi", dit le président, visiblement ému lui aussi.

Un autre fils de Simone Barreto Silva, âgé de 20 ans et mineur au moment des faits, fustige les crimes "impardonnables" de l'accusé. "Pour lui, c'étaient des +mécréants+, des +chiens+. Pour nous, c'étaient un père, une mère, une sœur, une épouse...". 

Le premier jour du procès, "je t'ai insulté", poursuit le jeune homme qui avait lancé un véhément "Va te faire foutre !" à l'accusé avant d'être expulsé de la salle d'audience. "Je suis désolé pour ça", s'excuse-t-il auprès de la cour. Puis se tournant vers l'accusé, il précise: "Aujourd'hui, je te regarde et ça me fait sourire".

Joffrey Devillers, marié pendant 26 ans à Nadine Devillers, raconte ses "insomnies" et ses "cauchemars" depuis sa mort.

Arrive le tour de la jeune sapeur-pompier volontaire qui a tenté de porter secours à Simone Barreto Silva. Sentant sa fin approcher, la paroissienne prie la jeune femme de dire à ses enfants qu'elle "les aime très fort". "J'ai promis", dit la sapeur-pompier, en sanglots.

Avant la suspension d'audience, un expert-psychiatre qui a examiné l'accusé à Fleury-Mérogis le 14 février estime "hautement improbable" l'hypothèse d'une "amnésie dissociative" mise en avant par Brahim Aouissaoui. Il s'agit davantage d'un "mécanisme de défense", dit l'expert.

Après avoir soutenu qu'il ne se souvenait de rien, l'accusé a reconnu au procès qu'il était présent dans la basilique le jour de l'attentat, mais s'est dit incapable d'expliquer son geste.

L'accusé, à l'isolement total en détention, est dans un état "dépressif", indique encore l'expert qui convient qu'il n'a "pas de comportement violent ou agressif" en prison.

Cependant, pointe le médecin, Brahim Aouissaoui "présente une faible capacité de réadaptation à ce stade en raison de son absence totale de remise en question et de son maintien dans une posture idéologique rigide".

Les proches des victimes ont quitté la salle d'audience depuis longtemps quand l'expert termine sa déposition.

Dans son box, l'accusé semble hors de son procès, joue avec ses mains, se tait.

Le procès doit s'achever le 26 février.

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