Ressources humaines
Les DRH gardent difficilement le cap
Difficultés de recrutement toujours bien présentes sur des métiers pénuriques, une situation inflationniste entraînant des négociations salariales parfois tendues et un moral des collaborateurs en interne loin d’être au top, le tout additionné à une mutation des codes et des comportements, les directeurs des ressources humaines demeurent en première ligne faisant face à des problèmes structurels. Le point avec Frédéric Lemoine, président de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) Lorraine Centre.
Les professionnels des ressources humaines tiennent le cap malgré le stress et l’épuisement ! C’est la principale conclusion d’une enquête du cabinet Gereso, spécialisée dans les formations RH, parue à la fin de l’année dernière. 65 % des professionnels RH assurent avoir perçu de manière positive l’année 2023 même si la moitié (48 %) se disent tout simplement épuisés et 86 % estiment avoir ressenti du stress dans leur environnement professionnel.
Le tout avec une augmentation de leur charge de travail. 56 % estiment avoir travaillé plus, voire beaucoup plus, l’année passée par rapport à 2022. Une augmentation de la charge de travail qui impacte négativement l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée . 31 % des professionnels RH affirment ressentir une dégradation de cet équilibre entraînant une volonté accrue de mobilité professionnelle de 26 % d’entre eux pour cette année. Quand on prend le pouls des directeurs des ressources humaines avec Frédéric Lemoine, le président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) Lorraine Centre, et que l’on utilise le terme «rincer» pour qualifier l'état général de ces professionnels, il acquiesce sans aucun problème.
«La charge émotionnelle des DRH est de plus en plus lourde car ils sont de plus en plus sollicités et exposés à de très fortes tensions.» Évocation notamment de la situation inflationniste entraînant de fortes pressions sur les salaires. L’une des principales raisons de cet état général demeure les difficultés de recrutement sur des métiers aujourd’hui non pas sous tensions mais tout simplement pénuriques. Ils sont connus et redondants, techniciens de maintenance, tourneurs-fraiseurs, les métiers du BTP. La liste est longue !
Problème structurel plus que conjoncturel
«Cette situation pénurique demeure liée à l’image de ces métiers même si les choses ont évolué mais également sur la formation à ces métiers. Les différentes politiques qui sont menées, notamment celle de la réforme des lycées professionnels vont dans le bon sens mais il faudra du temps pour avoir les compétences sur le marché. Nous sommes plus face à un problème structurel que conjoncturel», assure Frédéric Lemoine. À ses yeux, des solutions existent à l’image du CPF (Mon Compte Formation). «L’outil est bon mais il est mal piloté. Potentiellement avec ce dispositif, tout le monde a à y gagner.»
À cette situation pénurique s’ajoute une accélération des changements de code, des nouvelles attentes des collaborateurs par rapport à l’entreprise. «Les managers en ont pris conscience, d’ailleurs ils n’ont pas réellement le choix. Travailler sur l’attractivité de l’entreprise, répondre aux attentes des collaborateurs en leur proposant un accompagnement sur le long terme en leur donnant un cap. Être également en adéquation avec leurs valeurs s’affiche comme primordial. Des valeurs d’ordre social et environnemental.»
Des tendances hier, la norme aujourd’hui, tout semble le confirmer. Note positive dans cet écosystème RH bouleversé, la place même du DRH au sein de l’entreprise semble avoir retrouvé toute sa place.
«Avant la période de la Covid-19, la fonction RH n’était pas reconnue à sa juste valeur. Avec la crise sanitaire, les entreprises ont retrouvé la fonction de RH. Les DRH ont repris leur place centrale qu’ils n’auraient jamais dû perdre.» C’est déjà çà….
L’IA : question d’éthique
IA et RH, un bon ménage ? À cette question, Frédéric Lemoine, le président de l’ANDRH Lorraine Centre semble tendre vers l’affirmatif. «Il faut s’approprier l’Intelligence artificielle et non la subir. En interne, il est certain que cela va nous permettre de gagner du temps sur des tâches administratives répétitives et faire évoluer nos personnels. Il nous faut accompagner nos collaborateurs dans ce changement. Il ne faut pas avoir peur de l’IA.» Pour ce professionnel RH, la grande question est de savoir où l’on met le curseur dans son utilisation. «Jusqu’où utiliser l’IA ? C’est la grande question qui entraîne la notion d’éthique des RH.»