Alban Vibrac, président de la Fédération du BTP 54 : «les donneurs d’ordre doivent honorer leurs promesses.»

«Si nous n’avons de projets à très court terme, il y aura des licenciements et des entreprises vont disparaître», assure Alban Vibrac, le président de la Fédération BTP 54.
«Si nous n’avons de projets à très court terme, il y aura des licenciements et des entreprises vont disparaître», assure Alban Vibrac, le président de la Fédération BTP 54.

Une activité qui a repris voire même à un rythme soutenu aujourd’hui mais jusqu’à quand ? Le Bâtiment, dans son ensemble, tourne à plein régime mais la vigilance et l’inquiétude sont de mise pour l’année prochaine. Le renouvellement des carnets de commandes se fait attendre tout comme la tenue des promesses des donneurs d’ordre publics et privés. Décryptage avec Alban Vibrac, le président de la Fédération du BTP de Meurthe-et-Moselle.

Les Tablettes Lorraines : La reprise d’activité est-elle vraiment présente aujourd’hui dans le Bâtiment ?

Alban Vibrac : Elle est même soutenue ! Depuis le 11 mai avec la fin du confinement, nos chantiers ont repris et nous devons honorer nos commandes prises au début de l’année. Comme tout doit être livré en même temps cela entraîne des problématiques de pénalités pour bon nombre d’entreprises qui ont du mal à respecter les délais. C’est très paradoxal comme situation car nous devons également faire face à des problèmes de recrutement importants. Nous avons besoin de collaborateurs dans quasiment tous les corps de métiers.

L’action se veut donc soutenue pour le moment mais jusqu’à quand ?

Nous avons d’importantes inquiétudes pour le début de l’année prochaine. Aujourd’hui, nos entreprises tournent mais dans trois mois quelle sera la situation ? Il est impératif que les différents donneurs d’ordre publics et privés (les pouvoirs publics, les bailleurs, les promoteurs) honorent leurs promesses. Il faut un renouvellement rapide des commandes et que les projets annoncés sortent réellement des cartons.

Pourquoi le renouvellement des commandes semble-t-il tarder à venir ?

Le changement de l’écosystème politique après les différentes échéances électorales que nous avons connues peut expliquer ce retard mais il faut que cela change rapidement. Les équipes sont aujourd’hui en place et l’urgence est tout de même de mise. Les projets sont là, si on prend juste la ville de Nancy et la Métropole du Grand Nancy, sur les vingt ans à venir c’est près d’un milliard d’euros de projets qui sont annoncés. Nos entreprises attendent un calendrier pour pouvoir réellement se projeter dans l’avenir. D’autre part, certains grands donneurs d’ordre sur des projets conséquents (et d’autres) jouent la montre aujourd’hui pour faire baisser les prix avant de lancer leurs marchés. Si nos entreprises veulent retrouver de l’activité dans les mois à venir, bon nombre n’auront pas d’autres choix que d’accepter des chantiers à des prix bas pour avoir de l’activité. Il va falloir également être vigilant sur ce point.

Le plan de relance a fléché plusieurs milliards d’euros vers le domaine spécifique de la rénovation énergétique, est-ce suffisant ?

C’est une bonne chose mais il faut encore que les barèmes des aides annoncés soient à la hauteur des enjeux pour que la machine reprenne réellement. Les projets sont là mais notre secteur ne se limite pas à la rénovation énergétique. Il est tout de même regrettable que la construction neuve et le non résidentiel soient quasiment oubliés. Quand les chantiers en cours seront livrés, il est à craindre qu’un véritable choc se produise.

Comment se porte aujourd’hui la trésorerie des entreprises ?

2019 a été une bonne année pour notre secteur ce qui a permis, dans l’ensemble, de renforcer les trésoreries et de pouvoir tenir jusqu’à maintenant. Au niveau de nos adhérents, pour le moment, nous n’avons pas de remontées de ce type de problème. Il faut être prudent car les chefs d’entreprise n’aiment pas vraiment mettre en avant ce type de souci, question de fierté.

Les trésoreries ne seront pas éternelles ?

Elles commencent franchement à s’essouffler. Si le renouvellement des commandes n’est pas rapide et que les promesses annoncées ne sont pas honorées, elles vont indéniablement se réduire comme peau de chagrin. Aujourd’hui, nous constatons que les permis de construire ont du mal à sortir, il y a un blocage et une lenteur administrative qui nous pénalise. Si nous n’avons pas de projets à très court terme qui sortent des cartons, il y aura des licenciements et il est certain que plusieurs de nos entreprises vont tout simplement disparaître.

Apprentissage : le salut ?

«Il nous faut répondre aux besoins d’aujourd’hui, tout en préparant ceux de demain !» Alban Vibrac sait pertinemment que l’ADN de l’apprentissage se doit d’être renforcé. La grande majorité des entreprises du secteur continuent à abattre cette carte. Histoire d’attirer les jeunes vers les métiers du secteur, l’opération Les Coulisses du Bâtiment (organisée par la Fédération française du Bâtiment) s’est tenue la semaine dernière (les 8 et 9 octobre). En Meurthe-et-Moselle, elles continuent encore quelques jours. Crise sanitaire oblige, elles sont adaptées avec la tenue de stands d’informations dans différents établissement scolaires du département. Les traditionnelles visites de chantier pourraient revenir l’année prochaine, on l’espère !