Les défis numériques de la présidence française de l’UE
La présidence française du Conseil de l’Union européenne a précisé ses priorités en matière de numérique. Éclairage.
En matière de numérique, l’objectif de la présidence française de l’Union européenne est de contribuer activement à « l’émergence d’un modèle numérique européen qui, tout à la fois, organise une concurrence loyale entre les acteurs et lutte contre la tendance des plateformes à tuer l’innovation, comme il protège les citoyens », a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son allocution devant le Parlement européen, le 19 janvier dernier. Avec le Digital Services Act et le Digital Markets Act, « nous sommes sur le point de réorganiser l’espace numérique dans notre marché intérieur, à la fois pour les aspects sociétaux et pour les aspects économiques », a précisé, le même jour, le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, devant les eurodéputés. Et ce nouveau cadre « peut devenir une référence pour les démocraties du monde entier ». Or, « je suis convaincu que nous serons en mesure d’adopter ensemble ces propositions sous présidence française, d’ici fin juin », a-t-il ajouté.
Faire valoir le modèle européen : le fil rouge de la présidence française
Face aux défis économiques, sociétaux et géopolitiques que pose le numérique aujourd’hui, « il s’agit de faire en sorte que l’Europe puisse continuer à faire prévaloir son modèle et réussir à tenir sa place dans le concert des nations », a expliqué Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, lors d’un colloque sur les priorités de la présidence française dans le domaine du numérique, organisé le lendemain de l’allocution du président de la République devant le Parlement européen.
« Si nous ne sommes pas capables d’être à la hauteur du défi économique [que représente le numérique] dans un monde où la technologie façonne de plus en plus les rapports de force, le risque est que l’Europe non seulement perde de la puissance économique, mais aussi beaucoup de souveraineté en matière politique ». Autre défi : réussir à imposer le modèle européen en matière de régulation du numérique : « nous souhaitons faire en sorte que les valeurs démocratiques, d’humanisme et de pluralisme de l’Europe puissent prévaloir en ligne ». C’est un modèle « qui à la fois promeut l’innovation, la prospérité économique et la souveraineté technologique européennes » et ce sera « le fil rouge de cette présidence », en matière de numérique.
Entre innovation et régulation, un agenda chargé pour la PFUE
Sur le plan économique, « la priorité est de faire émerger dans les années à venir des champions européens de la technologie », car « si nous voulons fixer les standards, il faut avoir des leaders », a poursuivi Cédric O. Pour promouvoir et développer l’innovation, « il faut que la puissance publique puisse, main dans la main avec le secteur privé, investir les montants nécessaires, notamment dans les technologies de pointe », et « que nous fassions de l’Europe le premier pôle d’attractivité mondiale en matière de talents ».
En matière de régulation, « l’Europe s’attache depuis plusieurs années à définir un espace européen du numérique pour faire en sorte que ses valeurs prévalent pour ses citoyens » et « nous avons aujourd’hui tout un ensemble de textes sur la table ». Ces textes concernent la régulation économique (Digital Markets Act), la modération et la responsabilité des plus grandes plateformes et réseaux sociaux sur les contenus diffusés en ligne (Digital Services Act), la cybersécurité (actualisation de la directive NIS), la régulation de l’intelligence artificielle ou encore la gouvernance des données.
Au total, « entre innovation et régulation, la présidence française de l’Union européenne a un agenda extrêmement chargé » en matière de numérique, a conclu le secrétaire d’État, qui compte notamment sur « un effet de souffle » lié à « la volonté française de se positionner sur le sujet » et à « un sentiment commun d’urgence » à avancer sur le numérique, qui « est à la fois un grand défi et une grande opportunité pour l’Europe ».
De fortes attentes de la part de Bruxelles
De son côté, la Commission européenne a développé « une stratégie à horizon 2030 qui se propose de mettre l’humain au cœur des transformations numériques et de distinguer ce qui fait notre spécificité, par rapport aux États-Unis et à la Chine, notamment », a expliqué Thibaut Kleiner, en charge de la direction des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission. Cette dernière vient d’ailleurs, le 26 janvier, de faire « une proposition de déclaration interinstitutionnelle sur les droits et principes du numérique », pour « donner corps à cette vision européenne sur le numérique, souligner les points essentiels sur lesquels nous voulons nous engager envers nos concitoyens et nos entreprises », a précisé Thibaut Kleiner .
En parallèle, la Commission européenne a mis en place « des programmes de financement significatifs » et « des outils de politique industrielle pour renforcer nos écosystèmes », a-t-il rappelé. « C’est le moment pour les entreprises (…) de se manifester, de travailler ensemble et de bénéficier de ces financements significatifs » qui doivent permettre de rattraper des retards dans certains domaines et d’être à la pointe technologique dans d’autres. « Il y a des opportunités multiples sur cette présidence française en matière de numérique » car « il y a de fortes attentes de la part des institutions européennes, et le commissaire Breton est très fortement mobilisé ».