Les composites textilesont le vent en poupe
La 25e Journée technologique sur les textiles techniques organisée à l’Ensait à Roubaix, le 15 septembre dernier, a mis en avant les composites textiles. En pleine évolution, ces produits bio-sourcés répondent aux besoins actuels et futurs de nouveaux matériaux à hautes performances et multifonctions. Un marché juteux.
“Il y a plus d’une dizaine de marchés différents qui sont concernés par les composites textiles”, explique Jean-François Bracq, secrétaire général de Clubtex, en citant en vrac le bâtiment, le sport, les transports automobiles, l’aéronautique, l’armée et le médical. Parmi les 15 intervenants au cours de cette 25e Journée technologique organisée par toutes les institutions textiles de la région (Clubtex, IFTH, Ensait, UP-tex), un spécialiste de ces secteurs était d’ailleurs invité à présenter les innovations actuelles ou en cours dans leur domaine avec les composites textiles. Pour l’aéronautique, par exemple, elles participent à l’allègement et au renforcement des structures et à la sécurité. Pour l’automobile et les transports terrestres, elles contribuent surtout à l’allègement. Pour de nombreux autres secteurs, elles améliorent les performances acoustiques, les propriétés d’absorption et la résistance.
Des enjeux cruciaux pour l’automobile. “Pour l’automobile en particulier, les enjeux sont de taille et le défi à relever est crucial : en 2014, les normes européennes d’émission de CO2 passe à 130g/km par véhicule. Pour l’instant, aucune voiture, sauf les électriques et les petits modèles, ne rentrent dans ces normes, explique Damien Soulat, professeur et nouveau directeur du laboratoire de Génie et Matériaux textiles (Gemtex, premier laboratoire universitaire français en textile qui axe ses thématiques autour de différentes problématiques liées à l’innovation dans le domaine textile) à Roubaix. Les industriels se sont réveillés il y a seulement un an et demi pour relever ce défi. Ils ont d’abord cherché à diminuer les frottements, à travailler sur la propulsion. Sans résultat. Le seul moyen est d’alléger les véhicules.” Pour ce faire, il y a une solution, classique et éprouvée : les fibres de carbone, déjà utilisées dans l’aéronautique, notamment pour leurs propriétés mécaniques remarquables (dureté, arrondi possible). “Mais ces produits issus du pétrole sont de plus en plus chers. Et restent polluants”, ajoute le responsable de Gemtex.
Le lin, nouvelle f ibre miracle ? L’autre solution a été trouvée par les chercheurs du textile : les fibres de lin. Elles présentent des propriétés mécaniques presque aussi bonnes que celle des fibres carbone : “Rigidifiées avec des résines naturelles biosourcées à base de résidus de betterave ou de vigne, les fibres de lin sont extrêmement solides et peuvent servir de pièces de structure.” Il reste néanmoins quelques défauts à corriger : l’épaisseur – “il faut dix couches de lin tissé rigidifié pour fabriquer une planche de 1 cm” – et la difficulté à les incurver. Mais d’autres arguments jouent en la faveur du lin sur le carbone : sa source écologique (même les résines sont bio), son recyclage possible, bref ses vertus non polluantes (qui deviennenttrès impor tantes dans l’industrie automobile) et enfin son prix, beaucoup moins cher que le carbone. L’argument proximité rentre aussi en ligne de compte, puisque “70% de la production européenne de lin est faite en France” souligne Damien Soulat. Surtout en Normandie, plus encore que dans le Nord-Pas-de-Calais. Si les teilleurs français vont diminuer leur plantation de lin l’année prochaine, en réaction à la baisse des commandes chinoises pour le textile d’habillement, ils regardent avec beaucoup d’attention ces nouveaux marchés autour des composites, nouvelle source de développement. Et ils ont raison.
Des partenariats à mettre en place. Clubtex donne des chiffres alléchants : le taux de croissance de ces marchés est de 4 à 5%, pouvant atteindre 85 milliards d’euros en 2013 (contre 60 en 2008). “La France est en bonne position au niveau mondial en étant le 3e producteur européen. Elle possède de nombreux industriels donneurs d’ordre et de fabricants de matériaux innovants de renommée mondiale”, affirme Jean-François Bracq. Il regarde lui aussi du côté des textiliens de la région pour qu’ils participent à ces nouveaux débouchés. Car il faut que toute la filière s’investisse, des cultivateurs aux tisseurs. “Il suffit souvent de pas grand-chose pour attaquer un nouveau marché. Il y a déjà une expertise en tissage et une connaissance des produits dans les entreprises textiles. Nous pouvons les aider à adapter leur production à celle des grandes industries automobiles ou autres, et à répondre à des cahiers des charges très sévères, assure Damien Soulat. Des laboratoires de recherche comme Gemtex sont là pour ça.” Chantant les mérites des partenariats entreprises privées/ laboratoires publics, il insiste surtout sur la possibilité toujours intéressante de pouvoir s’ouvrir à d’autres marchés par le biais des nombreuses rencontres possibles lors d’un partenariat.
La recherche redouble d’efforts. Preuve du développement en cours de cette nouvelle f ilière, les nombreux projets sur le sujet au sein du pôle de compétitivité UP-tex. Le plus signif icatif est un projet aidé par le FUI (Fonds unique interministériel), intitulé Finather 3. Il s’agit de remplacer les composés thermodurs d’origine pétrochimique par des composés bio-sourcés renouvelables, à base de fibre végétale (résine issue d’huile de lin époxydée et renforcée par des fibres naturelles comme le lin ou le chanvre). Le projet est d’envergure européenne et nationale puisque les pôles i- Trans (Nord-Pas-de-Calais), Industries et Agro-Ressources (Champagne-Ardenne et Picardie) et Plastipolis (Rhône-Alpes et Franche- Comté) y participent. “Nous travaillons sur le transfert d’innovations pour des nouveaux produits industrialisables. Toutes les fibres naturelles sont concernées pour pouvoir élaborer des composites : le lin, le chanvre, mais aussi les déchets de coton et d’autres encore, explique Thierry Lods, responsable innovation à la direction Nord de l’IFTH (Institut français du textile et de l’habillement). Lui aussi cite le marché des transports comme étant le plus prometteur pour ces nouveaux matériaux. Lui aussi lance un appel à la constitution d’une filière spécifique, dans laquelle le Nord-Pas-de- Calais peut jouer un rôle crucial . A bons entendeurs !