Développement
Les carrières de Noyant vont changer de dimension
Les carrières de Noyant à Septmonts, reprises en 2018 par le duo Emeric de Kervenoael et Camille de Paul, auront bientôt une nouvelle usine. Un projet ambitieux pour cette entreprise historique du Soissonnais qui souhaite passer d'un modèle artisanal à un modèle plus industriel dans l'objectif de démocratiser l'accès à la pierre naturelle pour la construction. Tout en restant compétitif et en permettant de répondre plus efficacement à la demande.
Les
carrières de Noyant à Septmonts sont en train d'opérer une
importante mutation. À quelques mètres de l'usine actuelle qui date
de 1974 s'érige un nouveau bâtiment flambant neuf sur une surface
de 6 000 m². Cette
nouvelle usine doit entrer en fonctionnement au cours de cet été et
doit permettre à l'entreprise de changer de dimension et de passer
d'un outil de production artisanal à un process plus industriel. «
Rendre la pierre accessible au plus grand nombre, en simplifier le
modèle constructif, voilà tout l'enjeu de la nouvelle usine, résume
Camille de Paul, Directeur du développement des carrières de
Noyant. Nous voulons mieux valoriser chaque m³
de ressources naturelles prélevées, la produire en quantité et à
des prix compétitifs par rapport à d'autres modes de construction
comme le béton. »
Un retour de la pierre naturelle à accompagner
Comme en 2018 lors de la reprise, Camille de Paul et son associé Emeric de Kervenoael restent convaincus que le mode de construction en pierre naturelle a de l'avenir. « Quand nous avons repris, peu de monde était intéressé par l'achat des carrières qui était un pari parce que la construction en pierre connaissait des années de vache maigre, rappelle Camille de Paul. Depuis, l'ambiance a un peu changé, il y a un retour d'une envie de pierre et on s'aperçoit qu'elle a de nombreux atouts : la ressource est abondante dans l'Aisne puisqu'on recense un réseau de plus de 1 000 carrières dans le département, elle est façonnée ici donc c'est bas carbone, et puis c'est un matériau solide. On remarque qu'on est obligé parfois de déconstruire des bâtiments en béton où des fissures apparaissent, mais quand on construit en pierre, on ne déconstruit pas, c'est durable. »
Les carrières emploient une quarantaine de personnes sur un outil de travail vieillissant qui ne permet ni de répondre à la demande ni une grande flexibilité. « Nous sommes aujourd'hui sur un modèle strictement artisanal qui demande beaucoup de temps et génère beaucoup de pertes de matière et nous sommes limités par cet outil de production », précise Camille de Paul. « Nous voulons changer de dimension pour répondre à la demande et permettre aux Soissonnais d'avoir le choix de construire en pierre. Avec l'usine actuelle, un chantier succède à un autre, on ne peut pas en traiter deux à la fois, il faut que les gens réservent un an à l'avance. D'ailleurs, tous les carriers français réunis ne répondent qu'à 50% de la demande française, cela veut dire que le marché va se fournir pour l'autre moitié par l'importation. »
Demain, la
nouvelle usine sera en partie automatisée, ce qui n'est pas le cas
actuellement. « Une partie de
la future usine va travailler 24/24 de façon autonome
notamment pour le sciage primaire, c'est-à-dire la 1ère découpe
des blocs pour les scier en tranches, explique Emeric de Kervenoael,
Directeur. Dans les tranches, on fait des bandes et dans les bandes,
on fait des pierres. Cette première étape va alimenter deux chaînes
différenciées, complexes et longues de 50 mètres : une chaîne
de plaquette qui va faire des pierres d'une épaisseur de 2 à 10 cm.
Ces pierres vont servir à faire du parement de façade. Et une
chaîne de segment massif avec des pierres de 10 à 40 cm d'épaisseur
pour faire de la pierre de construction. Les deux chaînes vont être
alimentées par des robots AVG (véhicule à guidage automatique) de
16 tonnes de capacité. »
Un investissement de 13 M€
Cette nouvelle usine va changer la façon de livrer les pierres sur les chantiers. Elle représente un investissement de 13 millions d'euros. « L'usine va permettre de développer de nouveaux produits pour assembler et préfabriquer des éléments en pierre. Aujourd'hui, on monte pierre par pierre mais la mode est à la construction hors site pour gagner en santé sécurité, limiter la gêne de chantier et faire que ce soit plus économique, souligne le Directeur. Au lieu de livrer 5 pierres qui mises bout à bout, vont faire un linteau de 2 mètres sur une baie vitrée, l'objectif sera de livrer un linteau pré-assemblé de 5 pierres. » D'autres carrières concurrentes en Espagne et au Portugal sont par exemple déjà passées à ce système.
Les carrières de Noyant devraient donc produire plus qu'actuellement sans puiser davantage dans la ressource en limitant les pertes de matière et être capables de répondre à davantage de chantiers. « Quand un promoteur vient nous voir aujourd'hui un mois avant le début de chantier, avec un projet où il faut 4 000 m² de façade soit 10% de notre production annuelle, c'est impossible, rappelle Camille de Paul. Demain avec une usine comme celle-ci, nous aurons plus de souplesse pour répondre à des projets toujours plus conséquents. Si on peut se passer de la pose pierre par pierre, si on peut fabriquer des modules par avance alors ça pourra être possible. »
En rendant la pierre encore plus disponible, les deux associés souhaitent aussi participer à recréer une filière. « Aujourd'hui, si vous voulez construire en pierre à Soissons, vous aurez du mal à trouver un poseur qui sache le faire... Nous ne voulons pas que cette pierre emblématique du secteur soit réservée à une clientèle parisienne », explique Camille de Paul. « Nous souhaitons que la pierre se démocratise à nouveau comme c'était le cas il y a un siècle quand monsieur Tout-le-monde construisait en pierre », confirme Emeric de Kervenoael. Le duo d'associés se donne les moyens de ses ambitions.
Les carrières de Noyant, entreprise historique
D'après Camille de Paul, Directeur développement des carrières de Noyant, l'entreprise existe depuis le début des années 1950. Quant à l'activité d'extraction de pierres, elle a lieu depuis plusieurs siècles. « Toutes les maisons de la région ont été construites en pierre depuis des siècles, il y a l'exemple du Donjon de Septmonts dont la construction a débuté au XIIIe siècle », note-t-il. La pierre a donc été pendant très longtemps le moyen privilégié de construire dans l'Aisne qui compte un réseau de 1 000 carrières. Ces dernières décennies, d'autres modes de construction comme le béton ont néanmoins progressivement fait passer la construction en pierre de courante à confidentielle.
« C'est la raison qui fait que reprendre les carrières en 2018 était un pari que nous avons tout de même voulu relever avec Emeric de Kervenoael qui est un ami et un ancien confrère sur le plan professionnel, persuadés qu'il y aurait un retour vers la pierre », précise Camille de Paul qui a travaillé dans des carrières de granulat. La conjoncture actuelle leur donne raison.
Avant même que n'apparaisse le projet de nouvelle usine, le duo n'a pas hésité à réaliser quelques investissements dans l'usine vieillissante comme l'installation de potences permettant aux salariés d'être assistés dans le port de charges lourdes. Depuis leur arrivée il y a 5 ans, les carrières de Noyant ont vu leur chiffre d'affaire doubler pour passer à 4 M€. Elles emploient une quarantaine d'employés. Les carrières produisent 40 000 m² de façade par an, l'équivalent d'un peu plus de 4 terrains de football, soit en massif (pierre porteuse) soit en mur double ou en parement qui va venir habiller une structure de bâtiment déjà construite. La clientèle de l'entreprise se trouve aujourd'hui en région parisienne essentiellement mais l'entreprise veut développer la clientèle locale.