Les bourgades et petites villes misent sur la manne touristique
Si les grandes métropoles perdent de leur attrait en temps de Covid, les petites villes, bourgades et villages font valoir leurs atouts touristiques. Leurs élus, qui ont suscité la création d’un Guide vert Michelin, espèrent ainsi enclencher un processus de revitalisation.
L’engouement pour la campagne et les petites villes se confirme dans plusieurs régions de France, du Tréport (Seine-Maritime) où les hôtels affichaient complet en juillet, au marché de Limogne-en-Quercy (Lot), où les visiteurs se pressaient une semaine plus tard, en passant par Salers (Cantal) ou Collonges-la-Rouge (Corrèze), superbes villages hélas vitrifiés dans leur fonction d’attraction touristique. Dans les Pyrénées, les gîtes font le plein, rapporte l’office du tourisme de la région Occitanie. Les amateurs de canoë, de VTT ou de randonnée sillonnent l’Aveyron, ajoutent les professionnels de ce département.
Malgré
l’explosion du variant Delta et les pluies océaniques, les
bourgades et les petites villes vivaient, en tous cas jusqu’à la
fin juillet, une saison presque normale. Pour le deuxième été
consécutif, la proximité fait office de valeur-refuge pour des
vacanciers qui cherchent la nature et les plaisirs simples. Les
circonstances épidémiques expliquent en partie cette résilience.
Sauf sur le littoral ou lors d’événements très courus, le masque
demeurait facultatif à l’extérieur. Une partie des estivants ont
préféré rester près de chez eux, ou ne réserver qu’à la
dernière minute, le temps de se conformer au Pass sanitaire, ou pour
se replier facilement en cas de contretemps.
Des
centaines de curiosités méconnues
Les élus des localités concernées veulent saisir cette opportunité. L’association «Sites et cités remarquables de France», qui réunit 260 collectivités, a bâti un partenariat avec Michelin, sous la forme d’un Guide vert en deux volumes, nord et sud, afin de mettre en avant les atouts touristiques des petites villes et bourgades. «Dans la bousculade anonyme où parfois nous entraîne le monde contemporain, ces villes et territoires offrent à la fois leur passé et la modernité des usages», écrit en préambule Martin Malvy, président de l’association, ancien ministre et maire de Figeac (Lot) pendant 23 ans.
En plus de 800 pages, ces ouvrages détaillent tout ce que la France compte de patrimoine remarquable auquel, il faut l’avouer, on n’avait jamais pensé jusqu’à présent. Ils invitent à visiter les cathédrales méconnues de Coutances (Manche), Cavaillon (Vaucluse) ou Saint-Lizier (Ariège), les édifices laïcs ou religieux que sont les beffrois, abbayes, prieurés, mais aussi les ponts romains (Sommières, Gard), viaducs ferroviaires (Morlaix, Finistère), phares, écluses rondes (Apremont, Allier), bases de sous-marins (Lorient, Morbihan) ou sources aménagées, comme la Fosse Dionne à Tonnerre (Yonne). Les fortifications, remparts et châteaux-forts, qui ravissent les enfants, sont à l’honneur, au Quesnoy (Nord), à Langres (Haute-Marne) ou Beaucaire (Gard).
Les maisons d’écrivains et musées les plus insolites y sont répertoriés, des pêcheries de Fécamp (Seine-Maritime) au musée des fers à repasser de Longwy (Meurthe-et-Moselle), en passant par le Mémorial des reporters de guerre à Bayeux (Calvados). Des balades dans les arboretums sont suggérées, ainsi que les événements traditionnels, charge au visiteur de vérifier leur maintien en temps de covid : floraison des magnolias à Dinan (Côtes d’Armor), carnaval vénitien de Castres (Tarn), fêtes de la soierie à Charlieu (Loire).
Dans les régions concernées, ces guides ont été accueillis avec enthousiasme par les élus et les médias. A travers ce répertoire sans fin de curiosités et d’activités, l’association d’élus ne cache pas un objectif politique. Ces dernières années, reconnaissent les élus, «de nombreux centres anciens ont été délaissés au profit de périphéries perçues comme plus attractives». Or, la ville préindustrielle est «caractérisée par une économie d’espace, une mixité de fonctions, une offre de services et une mobilité de proximité», qui lui confère «toutes les caractéristiques de la ville durable». Comme le soulignait l’architecte et urbaniste Alexandre Mélissinos, décédé en 2017, «la ville ancienne est rare, signifiante et non reproductible».
Les outils ne manquent pas pour conserver et restaurer ce patrimoine unique, depuis les «secteurs sauvegardés» imaginés par André Malraux en 1962 aux Plans de sauvegarde et de mise en valeur contemporains en passant par les Zones de protection de patrimoine architectural urbain, créées en 1983. Les efforts des municipalités ne portent pas seulement sur les vieilles pierres, mais visent aussi le retour des commerces, le maintien de l’offre culturelle, «une économie touristique raisonnée et durable», ainsi que l’arrivée de nouveaux habitants. Ainsi, si l’objectif est de «sensibiliser» les visiteurs aux trésors patrimoniaux du pays, les élus espèrent, grâce à ces guides, séduire les habitants et les décideurs locaux. Il ne s’agit pas seulement de célébrer la nostalgie, mais aussi de préparer l’avenir.