Les Beaux-Arts à l'épreuve de l'impertinence de Zep
Pour la troisième édition de son «Open Museum», le palais des Beaux-Arts de Lille a donné carte blanche à Zep. Le dessinateur offre un point de vue plein d'irrévérence sur les collections permanentes du musée.
Après les musiciens de Air et le personnage culte Donald, c’est le dessinateur de bande dessinée Zep qui est l’invité d’honneur du palais des Beaux-Arts jusqu’en octobre. Le créateur de Titeuf a laissé parler son âme de sale gosse en toute liberté, pour se moquer gentiment des chefs-d’œuvre du musée. «Quand je suis venu pour la première fois aux Beaux-Arts, j’ai eu envie de dessiner sur les murs. On m’a dit que ça n’allait pas être possible, mais on a trouvé une autre solution», sourit Zep. Dans la plupart des salles du musée, la ligne claire de Zep est donc projetée sur les murs, entre deux œuvres. Mis en mouvement par l’animatrice lilloise Hélène Younous, les dessins humoristiques se dévoilent trait par trait, pour mieux en amener la chute. Certains sont aussi reportés sur des toiles richement encadrées, fondues parmi les autres tableaux. Ainsi parodiés sous le coup de crayon caractéristique du dessinateur, les ports altiers et les poses avantageuses des modèles de l’époque classique semblent beaucoup moins impressionnants… et c’est bien là toute l’idée de l’opération. «L’Open Museum, c’est une invitation inattendue, un dialogue avec les collections permanentes du musée. Notre but, c’est d’élargir et de rajeunir le public du musée, au travers d’un regard différent, qui n’est pas celui des historiens de l’art que nous sommes», résume Bruno Girveau, le directeur du musée.
Pari réussi. «J’ai voulu revendiquer le droit de s’amuser dans un musée», reprend Zep., qui confie avoir longtemps avoir eu peur de ce qui lui apparaissait comme «des cimetières avec un toit». «Et j’ai eu envie d’y mettre du geste alors qu’on n’y trouve que des œuvres terminées, figées. Je n‘ai pas voulu rajouter des œuvres aux œuvres − il y en a déjà bien assez −, mais intervenir entre deux tableaux, avec des dessins, des petits gags qui apparaissent et disparaissent», explique le dessinateur. Résultat, un parcours facétieux et ludique pour découvrir ou redécouvrir les collections du musée, qui donne le sourire. Mention spéciale à la statue antique qui, grâce à un astucieux jeu de projection, s’anime devient un vrai personnage, doté d’émotions… voire de poils ou de tatouages. Au sous-sol, le musée accueille une jolie sélection de dessins qui dévoilent une autre facette du style de Zep, connu surtout pour sa série Titeuf.
Vers les 100 000 visiteurs ? Pour le musée, cette collaboration avec «le dessinateur de bande dessinée le plus populaire en France», qui a vendu plus de 12 millions d’albums de Titeuf, est sans doute la promesse d’un Open Museum réussi. Les précédentes éditions avaient déjà rencontré le succès, avec 75 000 visiteurs en quatre mois pour la première édition et 80 000 en trois mois pour la seconde. «Cette année, l’Open Museum va durer sept mois, on s’attend donc à dépasser les 10 000 visiteurs. Mais plus que la quantité, c’est la qualité qui prime, si je puis dire, et notre objectif est parfaitement atteint en termes de renouvellement du public : 70% des gens qui sont venus lors des précédentes éditions étaient des primo-visiteurs qui n’étaient jamais entrés dans le musée.» Mission accomplie donc pour le musée, qui entend œuvrer très concrètement pour la «démocratisation culturelle» et le «décloisonnement», pour «enfin parler à tous les gens». Pendant toute la durée de l’Open Museum, la gratuité, d’ordinaire réservée aux moins de douze ans, est d’ailleurs étendue aux moins de 18 ans.