Les avocats de la région inquiets face à la nouvelle loi
Après une forte mobilisation, les professionnels de la Justice ne sont toujours pas satisfaits du nouveau projet de loi de programmation 2018-20122 et de la réforme pour la Justice. Malgré certaines avancées, de nombreux points de blocages demeurent sur ce gigantesque projet de loi.
La France connaît un grand chamboulement judiciaire. Souvent critiqué pour sa lenteur et sa lourdeur, le système judiciaire est entrain de changer de visage en profondeur. Le projet de loi relatif à la Justice a été présenté le 20 avril par Nicole Belloubet, ministre de la Justice, au Conseil des Ministres et a été élaboré par la chancellerie à l’issue des cinq chantiers de la justice débutés le 5 octobre 2017. Pourtant, ce texte ne fait toujours pas l’unanimité et augmente la grogne des professionnels de la Justice, toujours mobilisés. « Nous avons travaillé les cinq chantiers et émis des réflexions, le problème est que la Gardes des Sceaux a déposé la loi sans consulter les professionnels après la réflexion sur les chantiers et sans ligne de conduite. Nous avons été consultés mais non intégrés au projet », s’insurge Xavier Pérès, Président de la Conférence régionale des Bâtonniers des Barreaux des Hauts-de-France. Le problème ? Une loi qui, selon les avocats de la région, déshumanise la justice en supprimant les avocats dans certaines affaires, en enlevant les juges dans d’autres, en dématérialisant tout azimut pour rendre la Justice « totalement déshumanisée et remplacée par des machines ». Pourtant, du côté de l’État, cette nouvelle loi vise à « offrir une Justice plus rapide, plus efficace et plus moderne au service des justiciables ».
Une justice réduite au minimum ?
Les juges, les avocats et les greffiers de la région se sont rassemblés dans ce bras de fer avec l’État. « La ministre a reculé sur la vente aux enchères immobilières, le plaidé coupable et le divorce contentieux mais il reste d’autres points sur lesquels nous nous battrons : l’organisation de la carte judiciaire avec la création de pôles dans les Tribunaux de grandes instances qui pourraient, sur le long terme, amener des tribunaux plus denses et d’autres plus pauvres et créer des déserts judiciaires dans les zones rurales », explique Xavier Pérès. Un autre point sur lequel les avocats ne sont pas d’accord : la suppression des jurés dans les Cours d’Assise pour les peines relevant moins de 20 ans de prison. « Supprimer les jurés c’est porter atteinte à la démocratie et mépriser les victimes, avec des dossiers qui seront jugés par des magistrats en une journée alors que ces procès durent plusieurs jours », prévient Xavier Pérès.
Alors quel est le problème ? Même si les instances représentatives de la profession d’avocat avouent le besoin de moderniser l’administration judiciaire, la dématérialisation imposée par l’État ne passe pas. « On ne peut pas tout externaliser via Internet car tout le monde n’a pas accès aux connexions ou encore n’a pas les compétences pour remplir des formulaires, se désespère l’avocat isarien, mais au-delà de ça, on supprime le côté humain du métier avec des procédures sans humain et sans audience en créant des plates-formes. Nous sommes d’accord pour travailler avec Internet mais pas pour n’importe quoi et n’importe comment, c’est absurde ».
Le fond du problème semble irrésoluble : alors que l’État veut faire des économies, les professionnels de la Justice réclament des investissements. « Le France se place aux 23e rang européen des dépenses en faveur de la Justice. Avec ce constat, on se demande comment va évoluer la justice en France, je suis très inquiet pour son avenir », se désole Xavier Pérès.
Pour l’heure, la Conférence régionale des Bâtonniers des Barreaux des Hauts-de-France entend maintenir la pression. La suite ? Mobiliser les élus locaux, les députés et négocier les décrets d’application de cette nouvelle loi relative à la Justice pour « continuer à rendre la Justice accessible à tous les citoyens », conclut Xavier Pérès. Cette réforme coûtera certes moins cher à la justice mais le prix à payer des conséquences, quant à lui, sera non quantifiable.
Citation : « On ne peut pas remplacer les juges par des machines ».